Mgr Marcel Perrier, évêque émérite de Pamiers, est décédé lundi 2 octobre à Moutiers (Savoie) où il était retiré. Portrait d’un pasteur et d’une personnalité attachante.
Je l’entends encore pester contre les chemins de montagne pyrénéens encombrés de cailloux : « Quand on randonne dans la Vanoise, on marche dans une prairie. Ici, les gens ont eu la paresse d’enlever les cailloux des chemins ». Et pourtant, la montagne et ses difficultés, il connait : « Combien de fois, sur la route de Celliers, suis-je monté en raquettes et ai du peller des coulées ! Une fois, bloqué par deux avalanches, j'ai dû redescendre à pied à Notre-Dame-de-Briançon. Mais, dit-il avec simplicité, c'était plus facile de se battre contre la neige que d'animer un groupe d'ados excités en fin de journée ! ».
Peu de pasteurs de l’Eglise peuvent se vanter d’avoir été bergers : lui, si. Il évoque avec tendresse son enfance à Arêche-Beaufort, en Tarentaise. Ce rôle du berger, il l'a exercé dès ce tout jeune âge, en gardant quelques chèvres, vaches et moutons, notamment sur les pentes du Mont Mirantin « À l'époque, c'était plus facile d'embaucher un berger quelques mois que de nourrir un chien toute l'année » [1]Les citations sont extraite du journal l’ Essor savoyard du 26 janvier 2012. Il se rappelle comment sa mère lui demandait de se tourner vers l’église quand il entendait sonner les cloches pour la messe, le dimanche quand il gardait les troupeaux dans les alpages.
Comme beaucoup de futurs prêtres de son époque, il est très tôt attiré par l’exemple de ceux qu’il côtoie. Il admirait le curé d'Arêches de l'époque, « parlant, rassemblant, animant des fêtes ». Après des études au séminaire de Chambéry, il est ordonné prêtre en 1957 et suit un parcours classique : vicaire, aumônier de lycée à Albertville, curé de différentes paroisses avant d’être nommé vicaire général en 1975, tout en gardant un ministère local. En 1988, l’évêque de Chambery l’appelle comme évêque auxiliaire. Au départ de Mgr Claude Feidt en 1999, il refuse alors le poste d'administrateur des diocèses de Savoie et assure depuis Myans la desserte de 17 communes du canton de La Rochette. « Je pensais alors rester curé de paroisse », dit-il, modeste.
La Providence en décide autrement : en 2000, le nonce l’appelle et lui demande de devenir évêque de Pamiers : « Vous avez déjà 17 paroisses, vous en aurez seulement un peu plus ». En fait, si le diocèse de Pamiers compte seulement 150000 habitants, ceux-ci sont dispersés dans… 350 paroisses ! Le voici donc, à 67 ans, évêque en titre d’un diocèse. Il est un peu perdu dans son vaste évêché. Il me montre un jour le beau salon réservé à l’évêque et me confie : « Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ? » Surprise : dans le parc de l’évêché, on voit apparaître un jardin potager. Il distribue volontiers carottes et tomates. Paysan, il est, paysan il reste.
En fait, il va donner toute sa mesure : derrière le curé savoyard un peu rustique, les ariégeois découvrent un intellectuel d’une grande finesse, un pasteur admirable et un poète.
L'homme a l'obsession du dialogue et de l'attention aux autres. Très impliqué dans la société civile, en Ariège, où il participa à des rencontres « Regards croisés sur la vie », entre libres-penseurs, musulmans , cathares, protestants, catholiques, dans une contrée encore marquée par les massacres au nom de la religion.
Mgr Perrier dans son jardin (Photo La Dépêche du Midi)
« On peut tout se dire, mais pas sur n'importe quel ton », telle était la règle qui a permis de nombreux et fructueux dialogues… et de faire tomber les caricatures réciproques. « L'Église doit se faire parole, message, conversation », affirme Marcel Perrier, à la suite de Paul VI. C'est sans doute pour cela qu'il s'est aussi investi dans la chanson en composant de merveilleux textes [2]Marcel Perrier, Paroles et Paraboles Ed. L’Edelweiss, 2002 et Chansons au fil des jours…, paroles de Marcel Perrier, musiques de Françoise Raynal et Noël Colombier, Air libre … Continue reading ou encore par des poèmes rendant hommage à la nature, à la vie montagnarde de son enfance, aux valeurs de dialogue et de l'écoute des autres. Quand il se rend dans une paroisse, il arrive à l’avance, s’assied à l’entrée et interpelle les gens : « Alors ? ». Merveilleux prédicateur, il parle avec simplicité du « Bon Dieu » et de sa miséricorde : « Nous sommes chargés d’une bien grande mission : annoncer que la vie ne peut pas perdre puisque Dieu s’engage avec nous » [3]Marcel Perrier, Feuilles d’automne Ed. L’Edelweiss, 2008. Un grand hebdomadaire le classe parmi les « 100 qui font bouger l’Ariège ». Il n’en a cure. Les ariégeois, eux, ont reconnu en lui mieux qu’un évêque : un père. On le réclame dans tout le diocèse et ailleurs. On le croise dans une permanence du Secours Catholique, dans le centre d’accueil créé pour les familles des prisonniers. Quand un curé réclame un prêtre pour l’aider un dimanche, c’est lui qui vient.
Lorsqu’il prend sa retraite en 2008, tous le regrettent. Lui a toujours l’impression de n’en avoir pas fait assez : il s’interrogeait souvent à haute voix devant ses interlocuteurs : « N'ai-je pas été dépassé par les responsabilités qu'on me donnait ? J'ai trouvé difficile l'adaptation de ma mission à tant d'évolutions vécues en 50 ans ! » .Cette remarque est fréquente chez les prêtres de cette génération, parfois un peu nostalgiques d’un monde qu’ils ont vu disparaître, mais pas toujours conscients de ce qu’ils ont semé :
Toi, Seigneur, notre Dieu
Tu es un Dieu humain
Tu a formé des prêtres
Qui servent en ta présence
Tu prends pour nous guider
Leurs pas de bons bergers
Tu redis par leur voix
Les mots de l’espérance
Tu refais par leurs mains
Les gestes du partage
Tu sais bien pour te dire
Eclairer leur sourire [4]Idem.
References
↑1 | Les citations sont extraite du journal l’ Essor savoyard du 26 janvier 2012 |
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↑2 | Marcel Perrier, Paroles et Paraboles Ed. L’Edelweiss, 2002 et Chansons au fil des jours…, paroles de Marcel Perrier, musiques de Françoise Raynal et Noël Colombier, Air libre éditions, 25 titres |
↑3 | Marcel Perrier, Feuilles d’automne Ed. L’Edelweiss, 2008 |
↑4 | Idem. |