La démocratie a besoin de la presse pour pouvoir durer, car des citoyens mal informés sont facilement manipulables. Entre les silences du mainstream d’un côté et la violence du populisme de l’autre, la revue CATO (en français : Caton) se veut un organe indépendant pour réfléchir à la transition de société que nous vivons.
« (…) Vendredi prochain, CATO (Caton) sera vendu dans l'ensemble du monde germanophone avec un prix de lancement de 6 € et un démarrage à 50 000 exemplaires. Le deuxième numéro suivra en novembre, également pour 6 €. Par la suite, la revue sera publié tous les deux mois à un prix de 12 €. (…)
Le titre de couverture martèle « Puisque tout le monde choisit ce dont personne ne veut ». Au-dessus on peut voir une statue d’Angela Merkel couronnée de Lauriers. La Chancelière comme Impératrice de l'Uckermark (région dépeuplée au nord de Berlin, ndlr).
La lecture vaut la peine, et pas seulement en raison de la domination des médias de gauche et de gauche libérale. Parmi le peu d’auteurs intéressants de la droite conservatrices, beaucoup sont ici réunis, comme Thorsten Hinz, Martin van Creveld, ou le rédacteur en chef Andreas Lombard, ancien éditeur et journaliste qui a écrit, entre autres, dans les colonnes du Berliner Zeitung. (…)
« Les vainqueurs de l'histoire n'ont pas toujours la vérité de leur côté, les vaincus aussi ont des amis », écrit Lombard dans la préface. Cette vérité concerne le nom du magazine. Caton, le Jeune, était l'antagoniste de César. Ce grand homme d'État, même en déclin, défendait encore les idéaux de la République romaine.
Bruxelle et l’ancienne Rome
C’est dans cette tradition que Lombard inscrit sa revue. L'Union européenne est devenue pour lui la nouvelle Rome. « Les historiens de l'avenir noterons probablement mieux que nous les signes de dissolution interne et de la renonciation volontaire à sa propre identité, à son origine et à sa culture », écrit-il. Pour illustrer l’éditorial, une photographie montre une jetée sur laquelle des vagues se brisent. Sans doute afin d’exprimer que le pays est soumis à des impacts similaires.
Le prélude est un essai de l'ancien historien bruxellois David Engels. Il introduit la vision du monde de Caton en détail. Le texte est l'un des plus forts dans le magazine. « Comme à la fin de la Rome républicaine, le chômage, la paupérisation, la dépopulation, l'évolution des valeurs, la perte de la démocratie, la désintégration de la famille, l'immigration de masse, la mondialisation, l'individualisme et la technocratie auront remis le modèle social et politique traditionnel de l'Europe en question », écrit Engels – et de se plaindre du bruit populiste des nouveaux tribuns : « En Europe aussi, il ne manque pas de nouvelles forces qui dénoncent les conditions actuelles à un taux forfaitaire sans développer de réelles alternatives, et dont la prise de parole n’est que partiellement compatible aux idées de démocratie, de fraternité et d'européisme intellectuel qui a dominé notre culture depuis si longtemps ». Engels doute de la capacité de l’UE à se réformer. Il est cependant convaincu de l'idéal d'une Europe sociale ancrée dans la bourgeoisie.
L'article d'Engels montre à quel point la pensée de la droite intellectuelle conservatrice peut être intéressante si elle renonce à sa moue habituelle. Un autre point fort de la revue est un essai du philosophe britannique Roger Scruton sur l'architecture humaine. Scruton a été l'une des voix les plus intéressantes du Royaume Unis depuis des décennies. Si Lombard réussit à convoquer régulièrement de tels calibres, il pourrait bien gagner son groupe cible : les lecteurs exigeants des classes moyennes de la société.
Un article de l'ancien vice-directeur de rédaction du Bild am Sonntag, Nicolaus Fest, compte parmi les contenus les moins convaincants. Il a quitté le journal il y a trois ans après qu'un de ses commentaires critiques contre l’islam ait été publiquement attaqué par les grands journaux. Aujourd'hui, il rejoint l'AfD à Berlin. Pour CATO, Fest est concerné par le terme « mensonge de presse ». La revue trouve le terme approprié en de nombreux cas, entre autres à cause du « silence criant » des médias concernant les membres de son parti.
Ce qui est juste et vrai : les obstacles sont réels et ils sont scandaleux. Mais on ne peut pas parler d'un cartel du silence transfrontalier. Les attaques contre les politiciens de l'AfD sont régulièrement signalées. À titre d'exemple, voici seulement un grand rapport de la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung de l'année dernière. Le titre : « Lorsqu’il s’agit de lutter contre la droite, d'autres lois s'appliquent ».
La colère déforme le regard. On ne lit plus que ce qui entre dans sa propre vision du monde et on ignore les nombreuses nuances qui existent dans touts les grands journaux allemands à ce jour. Il en résulte un ensemble de textes au ton trop marqué. À voir pour la suite. Si le rédacteur en chef Lombard est sérieux lorsqu’il évoque la « nouvelle objectivité » et avec sa revue qui ne veut pas seulement atteindre des gens qui sont déjà abonnés à la Neue Freiheit, à Tichys Einblick ou à Sezession (revues conservatrices libérales allemandes, ndlr), il serait bien avisé de réduire un peu ce genre de textes. Personne n'a à payer pour une juste colère. Le filet est déjà tendu pour cela. »