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Le Kurdistan (II) : Carrefour du XXIème siècle

Au milieu d’un carrefour de routes commerciales et énergétiques reliant le puissant Dragon Rampant chinois à l’Europe de consommation, le Kurdistan surgit tel une montagne séparant l’Asie des pays méditerranéens. 

Des combattantes des YPJ, les forces armées féminines du Kurdistan syrien (Source)​.
 
Depuis l’arrivée en 2013 de Xi Jinping à la tête de la Chine, l’Empire du Milieu vise la création des nouvelles routes de la soie, ressuscitant les tracés utilisés par nos ancêtres depuis l’Antiquité et peu à peu abandonnés avec la découverte des routes maritimes contournant le cœur de l’Eurasie par l’Afrique du Sud puis par le canal de Suez, faisant des portugais puis des anglais des puissances commerciales dominantes.

Ces nouvelles voies de communication modernes rapides vont faire à nouveau de l’Asie Centrale, mais surtout de l’Iran, des pays de transit d’une importance capitale en condamnant à moyen terme les puissances maritimes (USA en tête) à un rôle de second plan. 

Cet Iran que les Etats-Unis combattent depuis des décennies par différents moyens est donc appelé à reprendre sa place centrale au cœur de l’Eurasie non seulement par sa situation stratégique sur les voies commerciales de la route moderne de la soie mais aussi par son extraordinaire potentiel énergétique pétrolier et gazier.

Or voilà que l’Iran se trouve bloqué depuis des décennies par une politique d’isolement voulue par l’Oncle Sam américain qui voit dans la résurrection d’un empire perse (influence iranienne sur la région) un obstacle à sa politique au Moyen-Orient et dans le monde. Pour contourner cet isolement, l’Iran essaie donc depuis des années de jouer la carte religieuse en créant un « Axe chiite » associant les communautés partageant cette branche minoritaire de l’Islam dont elle est le leader incontesté. 

L’Axe chiite permettrait en effet de relier les puissances asiatiques à la Méditerranée et ferait donc de l’Iran l’un des nouveaux leaders mondiaux de demain. Mais pour que ce projet aboutisse sans obstacles, il faudrait que deux conditions soient remplies : la première, que la Syrie reste gouvernée par la minorité alaouite chiite dont le président Assad est le leader actuel. La seconde, que cet Axe ne soit pas brisé par la création d’un Etat kurde sunnite central. Or depuis l’arrivée de Daech les kurdes ont repris de l’ardeur et leur aspirations indépendantistes ont été alimentés par les territoires que leurs combattant Peshmerga ont repris sur les soldats de l’Etat Islamique notamment dans la région de Kirkuk depuis 2014. Kirkuk, comme tout le monde le sait, est une ville assise sur du pétrole, prêt de 30% du pétrole irakien. Ce n’est pas pour rien que les anglais en 1918 ont soustrait cette région à la zone d’influence promise aux français pour la mettre sous leur propre domination en créant un état, l’Irak, à vocation principalement pétrolière mais dont le nord (Kirkuk) était peuplé majoritairement de kurdes et non d’arabes comme le reste du pays.

En s’appropriant en 2014 une région qui leur « appartenait » historiquement, les kurdes, appuyés par l’armement et les promesses américaines d’indépendance, ont mis les pieds sur une poudrière qui allait sceller, en octobre 2017, la défaite du rêve d’un Kurdistan puissant. Si les kurdes possèdent une région autonome dans le nord de l Irak depuis 1991, reconnue en 2005 dans la constitution du pays, cette région dirigée par Massoud Barzani (leader kurde d’Irak depuis les années 1980, aujourd’hui démissionnaire) n’est qu’une parcelle montagneuse et peu rentable d’un Grand Kurdistan qui pourrait s’étendre de l’Est de la Turquie aux montagnes d’Iran, en passant par la Syrie. Or la prise d’une région pétrolière comme celle de Kirkuk aurait permis aux kurdes de s’enrichir et donc de s’armer pour devenir une puissance locale de première importance. Autant dire que l’Iran voisin n’aurait pas apprécié ce nouvel acteur sunnite au centre de son axe chiite. D’autant plus que la région nord irakienne kurde ainsi que la région Est syrienne, également kurde, sont toutes deux situés sur les routes commerciales et pétrolières de l’Iran avec la Syrie et la Turquie ainsi que du futur réseau de voies rapides Chine-Europe. 

Il n’est donc pas étonnant que l’indépendance plébiscitée par le peuple lors du référendum du 25 septembre dernier au Kurdistan Irakien ait été le déclencheur d’une guerre menée par les troupes régulières irakiennes (chiites), et soutenue indirectement par l’Iran, pour reprendre la zone pétrolière et briser le rêve kurde de son dirigeant Barzani. Les Etats Unis qui avaient promis leur soutien dans la cause kurde lors de la guerre contre l’Etat Islamique n’ont pas bougé, trahissant les kurdes, comme l’avaient fait les anglais un siècle plus tôt. Les américains, actuellement en position de faiblesse, n’ont en effet pas les moyens d’affronter l’hostilité iranienne, ni celle d’une Turquie qui échappe déjà à leur contrôle – bien que membre de l’OTAN – en renforçant ses liens avec la Russie et l’Iran. En effet la Turquie n’aurait pas vu d’un bon œil la création d’un quelconque état kurde en Irak qui aurait risquer de renforcer les velléités d’indépendance des 25% de kurde peuplant l’Est du pays dans une zone commerciale stratégique qui les lient avec l’Asie via l’Iran.

Au final l’Iran sort renforcée de cet échec kurde alors que les USA perdent encore de leur crédibilité dans un dossier du Moyen-Orient qu’ils ont déjà bien compromis.

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