Le best-seller de Michael Nast dresse un tableau intéressant de la génération “Millenium”, en particulier au niveau de la vie relationnelle et affective.
Quatre thèmes formant chacun un chapitre sont traités dans ce livre intitulé Genegration Bezihungsunfähig (“Génération aux relations impossibles”, traduction possible pour le terme Beziehungsunfähig, la traduction littérale étant : « inapte à la relation”) : celui de l’amour et des relations, celui du travail, celui du « jeunisme » et enfin, celui de la « religion de l’optimisation de soi ». Sans filtre, il décrit combien la sexualisation rend toujours plus lointain l’espoir d’un véritable amour et la perspective d’un engagement durable ; ensuite il montre comment le travail prend de plus en plus de place dans la vie, devenant l’unique lieu pour mesurer la réussite de celle-ci ; puis il analyse ce déni maladif de réalité où tout est fait pour ne pas se voir vieillir, évitant toute décision définitive pour préserver « l’enfant de 12 ans qui est en nous » ; enfin il décortique l’exaltation continuelle de l’ego qui fragilise toujours plus les relations humaines et rend les gens toujours plus dépendants des psychothérapies.
La vie de ce quadragénaire berlinois devient l’occasion d’un grand champ d’investigation : l’attitude des femmes lors de ses nombreuses rendez-vous « tinder » ; les mots qui apparaissent pour décrire un nouveau phénomène (par exemple les « mingles », qui vient de « mix » et « single », soit des célibataires qui se mettent d’accord pour une relation sexuelle stable sans engagement) ; les conversations avec ses parents, ses amis, des collègues de travail, ses connaissances, des passants. Parfois ce sont des gestes de quotidien, des détails, autant de symptômes qui invitent à une réflexion approfondie : son angoisse lorsque la connexion internet est interrompue chez lui, le faisceau d’émotions contradictoires suscité par des mots aussi simples que « vu pour la dernière fois en ligne à … » affichés sur le haut de l’écran, l’attitude du couple assis à la table d’à côté où chacun a les yeux baissés sur son téléphone, les formules toutes faites utilisés par son chef, le contraste croissant « entre la personne que je suis » et « celle que je montre » sur Facebook ou Instagram.
Au terme de cette enquête, parfois drôle mais bien souvent tragique, Michael Nast se rend à l’évidence qu’il en est un exemplaire éloquent de cette génération « aux relations impossibles » dont il vient de dresser un portrait. Victime et complice d’un système qui a intérêt à maintenir les personnes dans cette inaptitude à la relation et cette constante insatisfaction pour les besoins du marché, Nast comprend que cette optimisation de soi est en réalité un esclavage très pernicieux qui laisse les gens de plus en plus seuls, même s’il leur semble être connectés avec qui ils veulent, autant de personnes qu’ils veulent et quand ils le veulent.
Ce livre a l’apparence d’une confession, une mise à nue assez crue. Comme s’il espérait par cela comprendre un peu mieux la source du problème. Mais l’espérance n’est pas encore là, celle qui nait du don de soi, de la reconnaissance en toute personne d’une Présence, d’une expérience de communion source de toute fécondité. On y perçoit néanmoins aussi l’attente d’une rédemption, d’un surcroit de sens, d’une saveur nouvelle de la vie.
Bravo à Michael Nast d'avoir eu le courage d'explorer son mal-être auquel nous participons aussi plus ou moins. Puisse de nombreux lieux de gratuité renaître pour offrir à l'homme ce à quoi son coeur aspire réellement!
La semaine dernière, lors d'une rencontre pour le travail :
deux petits vieux d'environ 80 ans, devant moi, dans une cuisine du Nord de la France.
Elle "J'essaie d'aller à la mer une fois par an, j'ai mon petit hôtel, mes habitudes, mais lui, il ne veut pas venir, il ne sort pas de chez lui et moi j'adore la mer !"
Lui" Non c'est vrai, j'aime pas cela…
Cela fait pas mal d'années que je te dis que tu es mal mariée !"
Et de rire tous les deux avec une immense tendresse…
J'appartiens à une génération qui regarde cela avec ravissement…
Moi aussi ! Comme le dit Alexander Filonenko, la capacité de gratitude est le propre de notre époque et c’est ce qui la rend passionnante. Et c’est l’espérance propre à ce monde mis sur des rails inhumaines. Nous avons tous un coeur et c’est un bon début !