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Humanae vitae : le fardeau prophétique d’un saint

Il y a cinquante ans, le pape Paul VI publiait une encyclique qui rarement dans l’histoire de l’Eglise avait reçu un si mauvais accueil. Face aux nouveaux défis posés par le contexte de révolution sexuelle et par l’accès aux moyens de contraception, le pontife jugea urgent de réaffirmer la grandeur de la tradition catholique concernant la vie affective et conjugale. Connu pour ne pas être prompt à la confidence, Paul VI livrait à coeur ouvert  l’intensité de son combat intérieur au cours d’une audience publique, le 31 juillet 1968, quelques jours à peine après la publication d’Humanae Vitae. En voici le texte. 

 

Une présentation positive de la morale conjugale

Ce document pontifical n'est pas seulement la déclaration d'une loi morale négative — c'est-à-dire l'interdiction de tout acte se proposant de rendre impossible la procréation (n. 14) — mais il est surtout la présentation positive de la moralité conjugale, par rapport à sa mission d'amour et de fécondité « dans la vision intégrale de l'homme et de sa vocation naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle » (n. 7).

Ce document est encore la clarification d'un chapitre fondamental de la vie personnelle, conjugale, familiale et sociale de l'homme; mais il n'est pas l'exposé complet de tout ce qui a trait à l'être humain dans le domaine du mariage, de la famille, de l'honnêteté des mœurs, domaine immense sur lequel le magistère de l'Eglise pourra et devra sans doute revenir, avec un dessein plus ample, organique et synthétique. Cette encyclique répond à des questions, à des doutes, à des tendances, au sujet desquelles — on le sait — la discussion a été assez large et vive, ces derniers temps, et à laquelle Nous Nous sommes fortement intéressé, de par Notre fonction pastorale et doctrinale. Nous ne vous parlerons pas maintenant de ce document, d'abord à cause de la délicatesse et de la gravité de son sujet, qui Nous semble dépasser la simplicité de ce discours hebdomadaire, ensuite parce qu'il ne manque et ne manquera pas de publications qui seront à la disposition de ceux qui s'intéressent au problème développé dans l'Encyclique (par exemple: G. Martelet, Amour conjugal et renouveau conciliaire).

Nous ne vous dirons que quelques paroles, non sur le document lui-même, mais sur les sentiments qui furent les Nôtres, durant cette longue période de sa préparation.

Sentiment de responsabilité pour dégager la vérité d'un problème complexe, difficile et grave

Notre premier sentiment fut celui de Notre grave responsabilité. Il Nous a fait entrer dans le vif du sujet et soutenu tout au long des quatre années nécessaires à l'étude et à l'élaboration de cette encyclique. Et Nous pouvons vous avouer que ce sentiment de Notre responsabilité ne Nous a pas fait peu souffrir spirituellement. Jamais comme en cette conjoncture, Nous n'avions senti le poids de Notre charge. Nous avons étudié, lu, discuté autant que Nous le pouvions, et Nous avons aussi beaucoup prié. Certaines circonstances relatives à ce problème vous sont connues : Nous devions répondre à l'Eglise, à l'humanité entière ; Nous devions évaluer, avec l'engagement — et en même temps la liberté — de Notre devoir apostolique, une tradition non seulement séculaire, mais récente, celle de Nos trois prédécesseurs immédiats ; Nous étions obligé de faire Nôtre l'enseignement du Concile que Nous avions, Nous-même, promulgué ; Nous étions enclin à accueillir, jusqu'à la limite où il Nous semblait pouvoir aller, les conclusions — bien que de caractère consultatif — de la commission instituée par le Pape Jean XXIII et élargie par Nous-même, sans perdre de vue notre devoir de prudence ; Nous connaissions les controverses suscitées par ce problème si important, avec tant de passion mais aussi avec tant d'autorité ; Nous percevions les voix puissantes de l'opinion publique et de la presse ; Nous écoutions les voix plus faibles, mais plus pénétrantes pour Notre cœur de père et de pasteur, de tant de personnes, de femmes respectables spécialement, angoissées par ce problème difficile et par leur expérience encore plus difficile ; Nous lisions les rapports scientifiques sur les alarmantes questions démographiques du monde, étayées sur des études d'experts et des programmes gouvernementaux ; Nous recevions de toute part des publications, dont quelques-unes inspirées par l'examen de certains aspects scientifiques du problème, d'autres par des considérations réalistes de situations sociologiques nombreuses et graves, ou encore par celles, si impérieuses aujourd'hui, des mutations qui envahissent tous les secteurs de la vie moderne.

Combien de fois n'avons-Nous pas eu l'impression d'être submergé par cette accumulation de documents, et combien de fois — humainement parlant — n'avons-Nous pas compris l'inaptitude de Notre pauvre personne, devant la formidable obligation apostolique de devoir se prononcer sur ce problème ; combien de fois n'avons-nous pas tremblé en face de ce dilemme d'une condescendance facile aux opinions courantes, ou d'une sentence mal supportée par la société moderne, ou qui soit arbitrairement trop grave pour la vie conjugale.

Nous Nous sommes appuyé sur de nombreuses consultations particulières de personnes d'une haute valeur morale, scientifique et pastorale ; et invoquant le Saint-Esprit, Nous avons mis Notre conscience en état de pleine et libre disponibilité à la voix de la vérité, cherchant à interpréter la règle divine que Nous voyons se dégager de l'exigence intrinsèque de l'authentique amour humain, des structures essentielles de l'institution du mariage, de la dignité personnelle des époux, de leur mission au service de la vie, comme de la sainteté du mariage chrétien ; Nous avons réfléchi sur les éléments stables de la doctrine traditionnelle et actuelle de l'Eglise, ensuite spécialement sur les enseignements du Concile récent ; Nous avons pesé les conséquences de l'une ou de l'autre décision, et Nous n'avons pas eu de doute sur Notre devoir de prononcer Notre sentence dans les termes exprimés par la présente encyclique.

Sentiment de charité devant l'aspect humain du problème

La charité est également un des sentiments qui Nous a toujours guidé dans Notre Travail, comme aussi la sensibilité pastorale envers ceux qui sont appelés à intégrer leurs personnalités dans la vie conjugale et la famille ; et volontiers, Nous avons suivi une conception personnaliste, propre à la doctrine conciliaire sur la société conjugale, donnant ainsi à l'amour, qui l'engendre et la nourrit, la place qui lui revient dans l'évaluation subjective du mariage ; Nous avons accueilli alors toutes les suggestions formulées dans le domaine de la licéité, pour rendre plus aisée l'observance de la règle réaffirmée. Nous avons voulu joindre à l'exposé doctrinal quelques indications pratiques de caractère pastoral. Nous avons honoré le rôle des hommes de science dans la poursuite des études sur les processus biologiques de la natalité et l'application correcte des remèdes thérapeutiques et des normes morales qui y sont liées. Nous avons reconnu aux conjoints leur responsabilité et donc leur liberté, comme ministres du dessein de Dieu sur la vie humaine, interprété par le magistère de l'Eglise, pour leur bien personnel et celui de leurs enfants. Nous avons rappelé l'intention supérieure qui inspire la doctrine et la pratique de l'Eglise : servir les hommes, défendre leur dignité, les comprendre et les soutenir dans leurs difficultés, les éduquer à une notion attentive de leur responsabilité, à une maîtrise de soi forte et tranquille, à une conception courageuse des grands devoirs communs de la vie et des sacrifices inhérents à la pratique de la vertu et à la construction d'un foyer fécond et heureux.

Espérance d'être entendu, écouté et compris

Et c'est finalement un sentiment d'espérance qui a accompagné la laborieuse rédaction de ce document : l'espérance qu'il soit bien accueilli, tant par sa force propre que par sa vérité humaine, et ce malgré la diversité d'opinions déjà largement répandues, et malgré la difficulté que la voie tracée peut présenter à celui qui la veut parcourir fidèlement, et aussi à celui qui doit simplement l'enseigner, avec l'aide du Dieu de la vie, s'entend ; l'espérance aussi que les savants spécialement sauront découvrir dans le document lui-même le fil original qui le lie à la conception chrétienne de la vie, et qui Nous autorise à faire Nôtre la parole de l'Apôtre « nous avons, nous aussi, le sens du Christ » (1 Co 2, 16) ; l'espérance enfin que les époux chrétiens, eux-mêmes, comprendront comment Notre parole, même si elle semble sévère et difficile, veut être l'interprète de l'authenticité de leur amour, appelé à se transfigurer dans l'imitation de celui du Christ pour son Eglise, son épouse mystique. Nous espérons que les époux chrétiens seront les premiers à développer tout mouvement pratique chargé d'assister la famille dans ses nécessités, à la faire fleurir dans son intégrité, à diffuser dans la famille moderne sa spiritualité propre, source de perfection pour chacun de ses membres et de témoignage moral dans la société (cf. Ap. Ac. II; Gaudium et Spes 48).

Comme vous le voyez, Fils très chers, le sujet de cette encyclique est une question particulière qui considère un aspect extrêmement délicat et grave de l'existence humaine. De même que Nous avons cherché à l'étudier et à l'exposer avec la vérité et la charité qu'il réclamait de Notre magistère et de Notre ministère, de même, que vous soyez directement concernés ou non, Nous vous demandons de vouloir le considérer avec le respect qu'il mérite dans le vaste et lumineux panorama de la vie chrétienne.

Avec Notre Bénédiction Apostolique.

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