Dans un article paru le 6 mars dernier dans le journal italien Nuova Bussola Quotidiana, L’Archevêque émérite de Ferrara-Comacchio, Mgr Luigi Negri, rappelle le véritable sens du carême : celui d’aimer le Seigneur par-dessus tout, et sans jamais cesser…
Quel est le sens du Carême dans la vie de l’Église et dans le parcours du chrétien ? Le Carême exprime, chaque jour et en profondeur, la certitude de Noël, c’est-à-dire la certitude de l’Incarnation du Seigneur, de sa permanence dans l’histoire, dans le mystère de l’Église et à travers le mystère de l’Église.
Avec un grand réalisme et beaucoup d’intelligence humaine, l’Église puise dans le temps du Carême l’unique conséquence éthique de la foi : à savoir, qu’il nous faut ouvrir notre vie au mystère du Christ ; et que la vie ne peut avoir d’autre fondement pour son être, pour son existence et son mouvement, que la Présence du Christ.
« La vie chrétienne, c’est vivre en regardant un Autre », nous rappelait Mgr Luigi Giussani il y a de nombreuses années. La vie d’un chrétien est une vie vécue non pas en se regardant soi-même, ni en analysant ses propres intérêts, ses propres dimensions humaines, ou ses propres projets, aussi nobles soient-ils. La vie chrétienne ne vient pas de l’homme et n’appartient pas à l’homme. La vie chrétienne est une vie que l’on accueille comme un don précieux de la présence du Christ qui investit notre cœur, et – comme George Bernanos l’a souvent rappelé – occupe tout le terrain de notre cœur. Ainsi, l’ethos chrétien est de désirer et de prier pour que chaque parcelle de notre humanité, de notre cœur, soit occupé par le Seigneur.
Le Carême donne de l’espace au Seigneur qui occupe ma vie, demande au Seigneur de l’occuper de plus en plus, et ceci détermine la grande parole du Carême : la mortification.
Ce n’est pas le désir de faire je ne sais quoi pour Dieu, mais c’est le désir que la vie ne nous appartienne plus a nous-même, qu’elle soit mortifiée dans sa racine : nous devons la recevoir chaque jour de Lui comme un don de Sa grâce et une sollicitation de notre liberté.
Le Carême est donc le moment de la vertu. De la vertu chrétienne par excellence qui est le prolongement de la mortification ou l’expression de celle-ci : l’obéissance.
La vie naît du Christ, nous la recevons et nous la faisons nôtre. Nous la faisons atteindre sa maturité seulement si dans toutes les circonstances de la vie, nous obéissons au Père, c’est-à-dire si nous ne nous affirmons jamais nous-mêmes, mais bien Celui qui est venu, qui est mort et qui est ressuscité pour nous.
La parole « mortification » est une parole majeure. C’est une parole majeure, parce qu’elle remet la vie du chrétien à Celui qui la lui a donnée, et qui attend de nous que nous l’acceptions, que nous Lui demandions de nous accompagner pour que celle-ci se déroule selon les grandes perspectives de la foi.
Voici la vertu chrétienne par excellence. Voici la vertu qui naît de la mortification : l’obéissance. Que la vie soit obéissance à la présence et à la volonté d’autrui. Et cette présence et cette volonté qui expriment notre grande liberté, notre responsabilité a le visage de l’amour.
Jacopone da Todi implorait du Seigneur cette grâce, pour lui et pour tout le peuple chrétien : qu’il aime le Seigneur par-dessus toute chose. Et il ajoutait : « Et qu’il ne cesse jamais ».
C’est ce que nous devons désirer en ce Carême. Que ce soit une mortification, c’est-à-dire une remise de notre vie au Père par l’obéissance, cette obéissance qui nous fait assumer la volonté de Dieu comme la nôtre selon la suggestion inoubliable et incontournable d’une très jeune chrétienne du Moyen Age, Piccarda Donati : « Dans sa volonté est notre paix ».
Traduit de l’italien par J.K
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