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Notre-Dame ou le cœur en flamme !

Spectacle effroyable que de voir la cathédrale Notre-Dame dans les flammes. Mais que voit-on brûler ? « Un emblème de notre histoire commune », « Une partie de nous même », affirmait le Président de la République, manifestant par ces mots un peu empruntés ce que chacun avait au préalable ressenti dans sa chair comme une évidence. Le monde entier était en communion devant ces images d’un symbolisme puissant. Le journal autrichien de centre gauche, Der Standard, commentant les réactions de la classe politique française, titrait d’ailleurs ce matin : « Un lieu magique pour le pays de la laïcité : Notre-Dame unit les français ».  Ces évènements ne sont ils pas révélateurs de quelque chose d’inattendu ? Nous pouvons en effet nous poser la question : quel est le principe de cette unité expérimentée hier soir ? Et qu’est-ce, au fond, que la France, pour nous, français, mais aussi pour le monde qui regardait, impuissant, Notre-Dame se consumer ?

Tout un peuple était figé dans « l’incrédulité et la tristesse », pour reprendre les mots du Vatican. Inaugurant la semaine sainte, cet incendie accidentel a pénétré les consciences comme une lame un cœur. Il en est sorti le sang rouge flamme et l’eau des lances à incendie et des larmes. A l’appel de Monseigneur Aupetit, les cloches ont sonné en France, les catholiques se sont mis à prier, certains se sont regroupés devant l’édifice et se sont mis à genoux dans la rue. Partout, on s’est interrogé anxieusement : a-t-on sauvé les reliques de la couronne du Christ ? A l’évidence, ce n’était pas seulement une charpente qui brûlait.

Fils et filles de la modernité tout en demeurant fidèles à notre tempérament de gaulois réfractaires, nous avons pris l’habitude de définir la France et le peuple français par ses oppositions : oppositions entre l’Ancien régime et la République, entre la tradition et le progrès, entre la gauche et la droite, oppositions de classes de plus en plus visibles depuis la crise des gilets jaunes, oppositions ethniques ou religieuses que des commentateurs de plus en plus nombreux voudraient voir exploser dans une fascination pour la Tabula rasa et l’autodestruction, oppositions d’intérêts et de vues concernant l’avenir, notamment autour des grandes forces qui disloquent le monde… 

Mais si je veux comprendre un être, je ne peux le regarder à travers ses conflits, ses défauts ses échecs ou ses manquements. Le mal qui atteint quelqu’un, même s’il peut provoquer la destruction, ne peut jamais définir son identité substantielle. Pour comprendre quelqu’un, il faut regarder son origine et le principe de sa vie, il faut contempler son être,  il faut avoir accès à son cœur, il faut comprendre son âme.

Or, avec le visage de la Marseillaise défigurée dans l’Arche de Triomphe le 1er décembre dernier, image pourtant si éloquente, il a fallu faire de l’éducation civique pour que les français consentent à répéter la leçon : « c’est très grave ». Pour Notre-Dame, personne n’a rien eu à expliquer. L’émotion a traversé le peuple français comme un seul homme et dépassé les frontières comme la chose la plus évidente qui soit. 

Certes, l’amour pour Notre-Dame est exprimé de différentes façon : certains y voient le symbole touristique de la ville de Paris, d’autres celui de notre histoire et l’on repense au Bourdon qui accompagnait la Libération. On pense aussi à Victor Hugo et au bossu. Elle est de fait le symbole du rayonnement culturel de la France : l’Etat laïc ne finance-t-il pas les choeurs liturgiques afin de faire retentir sous ces voûtes les oeuvres musicales qui ont fait la gloire de la culture gothique française ?

Image de la cathédrale au petit matin publiée sur le Facebook de l’Abbé Grosjean.

Image de la cathédrale au petit matin publiée sur le Facebook de l’Abbé Grosjean.

Mais, pendant des siècles, Notre-Dame a été le cœur spirituel du peuple de Paris. On y célébrait les offices qui rythmaient la vie quotidienne et les grands événements. Comme toute église, ces murs étaient l’écrin de la Présence eucharistique du Seigneur. Elle était aussi le lieu du siège épiscopal, c’est à dire, le centre de la vie sacramentelle que le Seigneur confiait à son Église pour que tout un diocèse soit irrigué par la grâce. 

Ces murs sacrés ont reçu les innombrables prières des fidèles. Les larmes et les joies, les silences et les chants, les messes et les adorations ont édifié ce monument autant que les architectes et les ouvriers. Œuvre de la foi, la cathédrale en est le témoin et le réceptacle. Elle est une arche recueillant, comme deux mains ouvertes – celles de Notre-Dame – le flot continue de la prière humaine pour l’élever vers le ciel. C’est au fond un sentiment religieux hérité du christianisme catholique qui marque la façon dont nous avons vécu ces évènements. Qu’on le reconnaisse comme telle ou qu’on veuille réduire cette réalité à nos dimensions – comme les architectes de l’arche de la Défense ont voulu contenir la cathédrale – Notre-Dame n’a jamais perdu sa signification spirituelle. 

Ainsi, Notre-Dame trône au cœur de la capitale, au cœur de la France, comme une présence vivante et bienfaisante. Elle est bel et bien le cœur de la ville de Paris, cœur religieux dédié à Notre-Dame, Marie, la mère du Christ Rédempteur. Elle est le cœur du cœur de la Fille ainée de l’Eglise. Elle est si importante qu’on la disait « Νotre ». Et ce « nous » était hérité d’une contemplation, d’un émerveillement et d’une expérience communs : la foi du peuple de France. Ce qui unit les français, plus ou moins obscurément ne sont donc pas d’abord les valeurs minimalistes d’une morale abstraite, mais une présence héritée de la foi catholique et reconnue comme étant constitutive de notre identité : Notre-Dame.  

Ces images habiteront notre imagination. Elles nous ont rappelées que l’Eglise, la barque catholique, est en flamme, consumée par le feu plus ou moins visible des crises, des scandales et de l’humiliation. Elles ont illustré ce que nous sommes devenus en délaissant les bancs de nos églises, en délaissant l’Evangile et ses exigences, en délaissant surtout l’amour de Notre Seigneur et de Notre-Dame : une cathédrale en flamme ! 

Mais après l’effroi et la stupeur, l’espérance renait. Au matin, l’incendie est contrôlé. nous prenons  la mesure des dégâts. La charpente est détruite, les voûtes ont cédé ici et là, mais de même qu’à l’aube, la Croix brillait dans le choeur parmi les fumées, nous découvrons avec soulagement que la structure est intacte. Notre-Dame ne s’écroulera pas !

Au début de cette semaine sainte, cet incendie gigantesque a réveillé quelque chose en nous. Nous mesurons l’effort qu’il va falloir déployer pour reconstruire, mais ne recommençons-nous pas à percevoir cette lumière qui donna un tel élan aux bâtisseurs eux-même ? De nombreuses chaines de solidarité et de prières ont débuté. Ainsi, un évêque espagnol, Mgr José Ignacio Munilla, fait prier ses fidèles de la sorte : « Mère bien aimée, nous te supplions que cette disgrâce se convertisse en grâce ; de telle manière que la restauration de la cathédrale Notre-Dame devienne la parabole de la reconstruction de la foi en Europe depuis les cendres (suivi de trois Ave) ». Il y a les flammes de la destruction et il y a ce feu qui émane de Notre-Dame. Ce feu d’amour dont le Christ voulait qu’il embrase le monde. Puissent ces évènement raviver en nous ce feu là plutôt que l’autre, feu qui édifia la France, feu de la Foi, de l’Espérance et de la Charité.

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5 Commentaires

  1. David B

    Merci pour cette relecture placée sous le signe de l’espérance.

    Quelque chose a manqué dans le déferlement de commentaires, d’images qui a suivi cet évènement dramatique : du silence ! Des pauses !

    Un espace et un temps pour accueillir ce drame, pour pleurer, pour supplier, pour espérer…

    Ce n’est pas le flot continu de commentaires et de réactions débité par la télévision et la radio qui montrait la voie, mais plutôt ce que certaines images laissaient voir : les nombreuses personnes qui se tenaient là, présentes, abasourdies, horrifiées, le plus souvent silencieuses, et celles qui priaient aux abords de la cathédrale.

    A la suite de cet évêque espagnol, prions pour que cette plaie béante au cœur de la capitale, qui n’est pas prête de cicatriser, n’engendre pas seulement une puissante vague d’émotion qui a balayé le pays et bien au-delà pendant quelques heures, mais soit une brèche dans les cœurs qui permette à la Lumière de passer, pour longtemps !

  2. De Demo Marie7783

    Ce drame a créé un élan de communion nationale et internationale, que je ne suis pas prête d’oublier et nous fait l’effet d’une piqure de rappel ,,, la Croix du chœur et la statue de la Vierge restées debout au milieu des cendres n’est pas un hasard.

  3. Paul Anel

    Voici de belles paroles de Fabrice Lucchini publiées dans le Figaro au lendemain de la tragédie. Elles vont au cœur de l’événement.

    « Je ne suis pas chrétien, mais depuis des années, tous les jours j’essaye, comme le demande Flaubert, d’observer, et j’essaye d’apprendre à regarder, à voir la beauté des choses. Je longe Notre-Dame depuis des mois et des années et je fréquente presque naturellement l’incroyable beauté de cette cathédrale. Ce chef-d’œuvre absolu de l’art gothique accompagne les Parisiens comme une évidence, comme une consolation, comme une promesse.

    Hier en rentrant sur scène, je me suis permis d’évoquer le drame de Notre-Dame. Il était impossible de commencer un spectacle sur les écrivains et l’argent sans évoquer les flammes dans le cœur de Paris. Et le texte de Charles Péguy et sa passion chrétienne nous ont plongés dans une communion dont je ne mesurais pas la puissance. Notre-Dame de Paris, c’est un symbole d’Occident.

    Même si on n’est pas chrétien, même si nous ne sommes plus chrétiens : la France est chrétienne. C’est un fait. Moi-même je suis frappé en plein cœur. Hébété. Quelque chose de supérieur est venu perturber les calendriers des rencontres médiatiques, de la vie anecdotique, de la frénésie. C’est la métaphysique qui descend dans l’hallucinant débat agité des combats politiques pour affirmer une tragédie, restaurer une gravité.

    Ces flammes et ces cendres nous étreignent. Tout le monde est dépassé. On pourrait presque penser à un signe. Une œuvre d’art s’enflamme et nous restons sans voix. Le peu qu’il nous reste nous permet d’affirmer, d’admirer, d’acclamer le courage inouï des soldats du feu de Paris. »

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