Home > Fioretti > Le bonheur dans la rue

Pour commencer cette troisième lettre aux parrains, je veux continuer à vous lier avec Angel et Souria, que je redécouvre à chaque fois que je les vois. Ces deux enfants me touchent beaucoup par leur facilité, comme enfants, à vivre l’instant présent et, en même temps, la réalité de la vie inscrite dans leur regard. Avec eux, j’ai la sensation étrange de devoir les apprivoiser à chaque fois mais, en même temps, quelque chose de fort nous lie.

Un jour en rentrant des courses avec Chiara, nous entendons des puissantes voix d’enfants crier « Akka akka », de l’autre bout de la rue. Nous avons été bien inspirées de nous retourner : Angel et Souria nous appe-laient avec de grands sourires en sautant devant leur roulotte. Dès notre premier pas vers eux, Souria a couru à notre rencontre et Angel a commencé à courir autour de la roulotte en criant pour exprimer sa joie. Impossible de ne pas résister à cet enthousiasme vrai et spontané dont font preuve ces deux enfants. Cette fois-ci, c’est Souria qui nous reçoit dans leur aire de jeu derrière la roulotte : nous enlevons nos chaussures (comme il se doit dans tout lieu que l’on respecte), Souria nous fait nous asseoir et il nous introduit à son jeu : la pudja (rituels réalisés dans les temples hindous). Je me suis totalement laissée guider par Souria dans son jeu pour réaliser les rituels et donner les offrandes (des cailloux et des branches) devant leur temple fabriqué de pierres et de bouts de ficelle, lui qui est chrétien. Il était tellement heureux de pouvoir jouer avec nous, de nous montrer les gestes à réaliser. Il n’hésitait pas à nous réprimander si nos gestes maladroits ne correspondaient pas à ceux vus dans les temples. Il faut dire que c’était difficile de se concentrer avec une tornade d’énergie, au nom d’Angel, à côté de nous. Elle se prêtait, à son bon vouloir, aux demandes incessantes de son frère de participer au jeu. C’est là que j’ai compris qu’il est dur pour Souria d’avoir un partenaire de jeu. Chacun de nos passages lui apporte cette attention de grande sœur qu’un enfant cherche tout simplement pour jouer.

Pour ce qui est de sa petite sœur, une fois ses tours de joie autour de la roulotte finis, elle a commencé un parcours du combattant sous la roulotte à faufiler son corps frêle en-dessous, au-dessus des barreaux avec une joie intenable et un sourire indélébile. Ensuite, ce sont les bras de Chiara qui ont été pris comme cible, pour venir se réfugier, pas bien longtemps. Hop, la voilà qui grimpe sur la roulotte, heureusement les mains bienveillantes de Chiara étaient là pour la rattraper. Comme à chaque fois, pour prolonger les moments des au-revoir, nous faisons les traditionnels sauts en l’air et tourniquets, en investissant la rue et en slalomant entre les motos et vélos. C’est là que les rires à gorge déployée sont le plus entraînant, que les regards curieux des passants sont les plus discrets et que la force dans mes petits bras est la plus puissante. C’est revigorant de rencontrer des enfants comme ceux-là avec une joie de vie énorme, qui savent être là, peut-être les enfants les plus heureux que j’ai rencontrés. Les liens se raccrochent à chacune de nos rencontres, en laissant un peu de leste à chacun de nos départs toujours difficiles pour eux.

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