Rien n’indiquait véritablement l’approche de Noël dans mon cher quartier de Villa Jardin, en Argentine. Aucune guirlande lumineuse dans les rues, ni dans les vitrines, pas de marché de noël, ni l’odeur des châtaignes grillées et du vin chaud, pas même cette ambiance hivernale bien emmitouflée dans mon manteau : ici nous sommes en plein été ! Il m’a fallu vivre cette attente d’une autre manière et c’est souvent l’attitude de nos amis, la joie des enfants du quartier qui m’a aidé à m’approcher de la crèche.
C’est dans notre petite maison de Points-Cœur que nous avons voulu faire naître cette joie de Noël. Tradition oblige : le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, nous invitons les enfants du quartier à installer les décorations, le sapin et la crèche, revêtant notre maison de ses habits de fête. J’aimais voir cette ébullition, tous ces enfants si enthousiastes de nous aider dans cette tâche. Avec nos pauvres mots nous tentons d’expliquer que, si notre maison se fait si belle, c’est pour une grande fête à venir, elle exprime notre attente, notre joie de célébrer la naissance de Jésus. Nous tentons de revenir au sens de la fête. Maia, une petite fille, pose son regard sur la crèche inquiète : « Mais il est où le bébé ? » Je lui réponds : « C’est qu’il n’est pas encore né, il faut attendre le jour de Noël. » Maia s’impatiente alors : « Mais moi je veux voir Jésus ! Où est-ce que vous l’avez caché ? » Je souris. Maia, voulant voir le petit Jésus bien installé dans la mangeoire, me rappelle finalement notre attitude à avoir pendant la période de l’Avent : l’attente, l’impatience, le désir de savoir Jésus parmi nous. Cette joie de la préparation vécue avec les enfants m’a aidé à vivre cette attente, cette joie de l’incarnation du Fils de Dieu. L’Avent c’est bien ce cri du cœur de Maia : « Mais où est Jésus ? Quand est-ce qu’il arrive ? » Le désir de sa Présence qu’aspire tout cœur.
Comme chaque matin, nous allons au « comedor » (soupe populaire) pour aider à distribuer les repas et prendre le temps de rencontrer chacun. A quelques jours de Noël, le thème des conversations est bien-sûr la fête. J’interroge donc les uns et les autres sur leurs projets pour le soir du 24 décembre : « Avec qui allez-vous fêter noël ? Où ? Qu’allez-vous manger ? »… Je m’adresse alors à Bernardo, un vieux monsieur, assez simple, marqué par le temps et la pauvreté. A ma question son visage s’illumine : « Oui, c’est bientôt Noël… Il faut rendre grâce au Seigneur pour tout ce qu’il nous offre, qu’il est bon le Seigneur pour nous… » Je reste alors bouche bée, Bernardo venait juste de me rappeler l’attitude juste à avoir face à la grandeur de l’évènement : la reconnaissance et la joie, bien au-delà de ce que nous pourrions faire ou organiser.
Les derniers jours de l’Avent, déguisés et accompagnés de nos petits amis, nous parcourons les rues du quartier en chantant quelques chants de noël. Nous passions à chaque maison de nos amis, invitant à la crèche vivante que nous organisions le 24 décembre. Les enfants étaient si enthousiastes et voulaient frapper à toutes les portes, leur joie était contagieuse et me rappelait que le Bonne Nouvelle est pour tous.
Le 24 décembre après-midi c’est l’ébullition au Point-Cœur, nous organisons les derniers préparatifs pour la crèche vivante. La salle principale grouille de petits anges, bergers, moutons, Rois Mages qui courent dans tous les sens… Et voilà qu’arrive notre grande amie Magdalena que nous accompagnons pendant cette douloureuse période de maladie, du cancer. Elle arrive, accompagnée de son fils, chargés de deux grands cartons décorés, remplis de petits gâteaux qu’elle a cuisinés, emballés avec soin des jours durant, malgré la fatigue de la chimiothérapie. En les offrants, à nous et aux enfants, elle souhaite nous remercier de notre amitié, mais aussi remercier le Seigneur de sa Présence et son Amour pendant la maladie. Comment ne pas rester indifférent face à ce geste d’amour ? Elle restera tout l’après-midi, spectatrice attentive durant la crèche vivante. Francisco (mon frère de communauté d’Equateur) lui murmure à l’oreille : « Veux-tu sonner la cloche à la naissance de Jésus ? ». Son visage s’illumine, une joie l’envahit : « Vraiment ? Je serais honorée de le faire ! » Et, tel un enfant impatient qui ne peut attendre, elle demande à plusieurs reprises : « C’est maintenant qu’il faut que je sonne la cloche ? » .
Merci à Maia, Bernardo, Magdalena et les enfants de Villa Jardin de m’avoir redonné le sens de Noël et de le vivre avec cette impatience, joie et reconnaissance.