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Saint Damien de Molokai : ami de nos malades

Le Père Damien de Veuster est décédé le 15 avril 1889 laissant sur l’île de Molokaï – où il vivait au milieu des lépreux – une œuvre féconde et, plus encore peut être, un signe d’espérance pour tous les malades de son époque et d’aujourd’hui, les exclus, les lépreux de toute sorte. Cependant, les rumeurs et calomnies durant sa vie et après sa mort ont fait oublier en partie son rayonnant témoignage de foi. Il n’a été béatifié qu’en 1995 lors de la venue de Jean Paul II en Belgique. Le Saint Pape Polonais nous offre une homélie émouvante en s’adressant à ceux qui souffrent et nous montre combien il a profondément perçu le charisme du missionnaire Belge. Le Père Damien sera canonisé par Benoît XVI en 2008.

 

Mon cœur se tourne vers ceux qui sont aujourd’hui encore atteints de la lèpre. Avec Damien, ils ont désormais un intercesseur, car, avant d’être malade, il s’était déjà identifié à eux et disait souvent : « Nous autres, lépreux ». En appuyant auprès de Paul VI la cause de béatification, Raoul Follereau avait eu l’intuition du rayonnement spirituel que Damien pouvait avoir après sa mort. Ma prière rejoint aussi tous ceux qui sont frappés par des maladies graves et incurables, ou qui sont à l’approche de la mort. Comme les évêques de votre pays l’ont rappelé, tous les hommes ont le droit d’avoir, de la part de leurs frères, une main tendue, une parole, un regard, une présence patiente et aimante, même s’il n’y a pas d’espoir de guérison. Frères et Sœurs malades, vous êtes aimés de Dieu et de l’Eglise ! La souffrance est pour l’humanité un mystère inexplicable ; si elle écrase l’homme laissé à ses propres forces, elle trouve un sens dans le mystère du Christ mort et ressuscité, qui demeure proche de tout être et qui lui murmure : « Courage, j’ai vaincu le monde » [1]Io. 16,33 . Je rends grâce au Seigneur pour les personnes qui accompagnent et entourent les malades, les petits, les êtres faibles et sans défense, les exclus : je pense spécialement aux professionnels de la santé, aux prêtres et aux laïcs des équipes d’aumônerie, aux visiteurs d’hôpitaux, et à ceux qui se dévouent pour la cause de la vie, pour la sauvegarde des enfants, et pour que chaque homme ait un toit et une place au sein de la société. Par leur action, ils rappellent l’incomparable dignité de nos frères qui souffrent, dans leur corps ou dans leur cœur ; ils manifestent que toute vie, même la plus fragile et la plus souffrante, a du poids et du prix au regard de Dieu. Avec les yeux de la foi, au-delà des apparences, on peut voir que tout être est porteur du riche trésor de son humanité et de la présence de Dieu, qui l’a tissé dès l’origine. [2]Ps 139

Dans la Première Lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit : « Personne n’est capable de dire « Jésus est le Seigneur » s’il n’est avec l’Esprit Saint » [3]1 Cor. 12, 3 . En effet, dire « Jésus est le Seigneur » signifie confesser sa divinité, comme l’avait confessée saint Pierre au nom des Apôtres à Césarée de Philippe. « Le Seigneur » – Kyrios en grec – est celui qui domine sur toute la création, celui auquel s’adresse le psaume que nous avons entendu : « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! La terre s’emplit de tes biens. Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre » [4]Ps 104 

Ces versets de la liturgie parlent du pouvoir de Dieu sur toute la création. Elles concernent l’Esprit Saint, qui est Dieu, et qui donne la vie avec le Père et le Fils. Aussi, l’Eglise prie-t-elle aujourd’hui : « O Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre » ! L’Esprit Saint fait en sorte que l’homme parvienne à la connaissance du Christ et confesse sa divinité : « Jésus est Seigneur » – Kyrios! 

Cette foi en la divinité du Christ, le Père Damien, d’une certaine manière, l’a sucée avec le lait maternel, dans sa famille en Flandres. Il a grandi avec elle et il la porta ensuite à ses frères et sœurs, dans les lointaines îles Molokaï. Pour confirmer jusqu’au bout la vérité de son témoignage, il a offert sa vie au milieu d’eux. Qu’aurait-il pu offrir d’autre aux lépreux, condamnés à une mort lente, sinon sa propre foi et cette vérité que le Christ est Seigneur et que Dieu est Amour ? Il devint lépreux au milieu des lépreux, il devint lépreux pour les lépreux. Il a souffert et il est mort comme eux, croyant en la résurrection dans le Christ, car le Christ est Seigneur !

 

Père Damien lépreux

 

Saint Paul écrit encore : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous » [5]1 Cor 12, 4-7 . Par ces paroles, l’Apôtre présente une vision dynamique de l’Eglise, dynamique et en même temps charismatique. Dans cette vision charismatique, se manifeste l’Esprit que le Père, au nom du Christ, envoie sur les Apôtres. Tout a sa source dans les divers dons de la grâce, qui rendent les croyants capables de réaliser les activités, les vocations et les ministères variés, dans l’Eglise et dans le monde. 

Le regard de Paul est universel, et, dans ce regard universel, nous retrouvons certainement une partie de la vie de notre bienheureux : son charisme, sa vocation et son ministère. En tout ceci, l’Esprit Saint s’est manifesté, pour le bien de tous. La béatification du Père Damien sert au bien de toute l’Eglise. Elle revêt une importance particulière pour l’Eglise qui est en Belgique, ainsi que pour l’Eglise dans les îles de l’Océanie. 

Il est providentiel que cette béatification se déroule au cours de la solennité de la Pentecôte. Dans la Lettre aux Corinthiens, Paul continue ainsi : « Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. Tous, … nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par l’unique Esprit » [6]1 Cor 12, 4-7 . Cet Esprit a soufflé dans les lointaines îles de l’Océanie, par le ministère du Père Damien ; il trouve un écho dans vos familles, dans vos paroisses et dans les Congrégations missionnaires. Dans l’histoire de votre pays, se sont multipliées les œuvres, pour le bien et la croissance de l’Eglise ; il faut noter en particulier la naissance de nombreuses congrégations religieuses qui ont eu un rayonnement important, par leurs activités spirituelles, caritatives, intellectuelles et sociales. D’autre part, des personnes douées de profonds charismes ont commencé à réaliser de grandes œuvres. Il suffit de mentionner des fondations comme les Universités catholiques de Louvain et de Louvain-la-Neuve, ainsi que la Jeunesse ouvrière catholique (JOC) ; il suffit de se rappeler des personnes comme le Cardinal Mercier, pionnier de l’œcuménisme, ou plus tard, le Cardinal Cardijn, fondateur de la JOC, et bien d’autres par qui l’Esprit agissait, pour le bien de toute l’Eglise, non seulement sur votre terre, mais encore dans le monde entier.

Bienheureux Damien, tu t’es laissé conduire par l’Esprit Saint, en fils obéissant à la volonté du Père. Par ta vie et par ton œuvre missionnaire, tu manifestes la tendresse et la miséricorde du Christ pour tout homme, lui dévoilant la beauté de son être intérieur, qu’aucune maladie, qu’aucune difformité ni que nulle faiblesse ne peuvent totalement défigurer. Par ton action et par ta prédication, tu rappelles que Jésus a pris sur lui la pauvreté et la souffrance des hommes, et qu’il en a révélé la valeur mystérieuse. Intercède auprès du Christ, médecin des corps et des âmes, pour nos frères et sœurs malades, afin que, dans les angoisses et les douleurs, ils ne se sentent pas abandonnés, mais, unis au Seigneur ressuscité et à son Eglise, qu’ils découvrent que l’Esprit Saint vient les visiter, et qu’ils obtiennent ainsi la consolation promise aux affligés.

« Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres » [7]Ps 104 ! C’est avec ces paroles du psalmiste que je veux conclure notre méditation, en ce jour solennel si attendu, au cours duquel le fruit mûr de la sainteté – le Père Damien de Veuster – reçoit la gloire des autels dans sa patrie. Frères et sœurs, soyez dociles à l’Esprit Saint, pour qu’à travers votre vie les hommes puissent découvrir le Dieu de qui vient tout don parfait !

References

References
1 Io. 16,33
2 Ps 139
3 1 Cor. 12, 3
4, 7 Ps 104
5, 6 1 Cor 12, 4-7
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