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Des affinités dans la vocation à être homme ( III )

La découverte commune, mais dite de manière distincte par Dostoïevski et par Camus, sur le mystère du cœur humain est qu’il est fondé sur l’amour.

 

Oeuvre en argile humide – Nohad Halabi

 

Magnanimité. La passion d’être homme

Fiodor Dostoïevski a avoué dans une lettre de 1839 à son frère Mikhaïl : « L’homme, c’est ça le mystère. Il est nécessaire de déchiffrer ce mystère (…) Je travaille sur ce mystère, parce que je veux être un homme. »

De son côté, face à la manifestation d’un désir de sainteté de la part de Tarrou, Rieux lui répond : « Je n’ai pas de goût, je crois, pour l’héroïsme et la sainteté. Ce qui m’intéresse, c’est d’être un homme. – Oui, nous cherchons la même chose, répond Tarrou, mais je suis moins ambitieux. » Camus nous confronte au paradoxe selon lequel il est plus difficile d’être un homme qu’un saint.

Aucun des deux auteurs n’est leurré par une vision romantique de l’être humain, tous deux pointent la peste en eux-mêmes. Nous pouvons tous nous reconnaître dans leurs personnages. Mais les difficultés et les échecs n’excusent pas la lutte : « Dans son plus grand effort, l’homme ne peut se proposer de diminuer arithmétiquement la douleur du monde. Mais l’injustice et la souffrance demeureront et, si limitées soient-elles, elles ne cesseront pas d’être le scandale. Le « pourquoi ? » de Dmitri Karamazov continuera de retentir ; l’art et la révolte ne mourront qu’avec le dernier homme. » [1]A. Camus, L’homme révolté, éditions Folio p.378

La grandeur d’être des hommes consiste à ne pas abandonner cette tâche : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » [2]A. Camus, Le mythe de Sisyphe Editions Folio p.168 « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » [3]Ibidem

La tendresse

Comment Camus et Dostoïevski ont-ils fait l’expérience de l’amour de la vie dans la difficile tâche d’être des hommes ? « Maman, dit Camus, comme un Mychkine ignorant. Elle ne connaît la vie du Christ sinon sur la croix. Mais qui pourtant en est le plus près ? » [4]Camus, Le Premier Homme annexes, éd La Pléiade p.931

La tendresse avec laquelle Camus fait référence à sa mère illettrée à plusieurs reprises dans Le Premier Homme, et qui, je crois, se reflète également dans la tendresse du Dr Rieux pour sa mère, est peut-être une réponse à l’expérience de l’amour de cette femme pour sa personne. Une expérience fondatrice qui lui permet de percevoir la valeur de la vie. La valeur de la vie qui, pour Dostoïevski, trouve sa source ultime dans la philanthropie divine. Dans L’Idiot, il montre une image de cet amour : le regard maternel d’une humble paysanne qui, ravie, fait son signe de croix devant le sourire de son enfant. « La doctrine fondamentale du Christ, par une simple paysanne. » [5]F. Dostoïevski, L’idiot, IIIe partie, ch 4 La mère donne deux fois la vie à son fils. La vie biologique et la vie pleinement humaine avec son regard d’amour et d’admiration. Il semble que la mère de Camus connaissait un autre visage du christianisme que celui de la Croix, ou plutôt, elle connaissait le secret de la Croix.

 

Lire aussi
Des affinités dans la vocation à être Homme ( I )
Des affinités dans la vocation à être Homme ( II )

References

References
1 A. Camus, L’homme révolté, éditions Folio p.378
2 A. Camus, Le mythe de Sisyphe Editions Folio p.168
3 Ibidem
4 Camus, Le Premier Homme annexes, éd La Pléiade p.931
5 F. Dostoïevski, L’idiot, IIIe partie, ch 4
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