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« Silence et souffrance – L’entrée dans la Passion » – hommage de Benoît XVI à Jean-Paul II

Pour entrer dans la semaine sainte, nous vous proposons quelques lignes de Benoît XVI livrant la profondeur du chemin pascal de Jean-Paul II, son ami et père.

 

 

De grands événements se trouvent derrière nous, qui ont profondément marqué la vie de l’Eglise. Je pense tout d’abord à la disparition de notre bien-aimé Saint-Père Jean-Paul II, précédée par un long chemin de souffrance et de perte progressive de la parole. Aucun Pape ne nous a laissé une quantité de textes semblable à celle qu’il nous a laissée; aucun Pape auparavant n’a pu visiter, comme lui, le monde entier et parler de manière directe aux hommes de tous les continents. Mais à la fin, il a dû supporter un chemin de souffrance et de silence. Les images du Dimanche des Rameaux, alors qu’avec une branche d’olivier à la main, marqué par la douleur, il se tenait à la fenêtre et nous donnait la Bénédiction du Seigneur qui s’apprêtait à marcher vers la Croix, restent pour nous inoubliables. Il y a ensuite l’image où, dans sa Chapelle privée, tenant le Crucifix à la main, il participait à la Via Crucis au Colisée, là où il avait tant de fois guidé la procession, en portant lui-même la Croix. Enfin, la bénédiction muette du Dimanche de Pâques, au cours de laquelle, à travers toute la douleur, nous avons vu resplendir la promesse de la résurrection, de la vie éternelle.

Le Saint-Père, à travers ses paroles et ses œuvres, nous a donné de grandes choses; mais la leçon qu’il nous a donnée de la chaire de la souffrance et du silence est tout aussi importante. Dans son dernier livre « Mémoire et identité » [1]Rizzoli 2005 , il nous a laissé une interprétation de la souffrance qui n’est pas une théorie théologique ou philosophique, mais un fruit mûri au cours de son chemin personnel de souffrance, qu’il parcourut avec le soutien de la foi dans le Seigneur crucifié. Cette interprétation, qu’il avait élaborée dans la foi et qui donnait un sens à sa souffrance vécue en communion avec celle du Seigneur, parlait à travers sa douleur muette en la transformant en un grand message. Que ce soit au début ou à la fin du livre susmentionné, le Pape se montra profondément touché par le spectacle du pouvoir du mal dont, au cours du siècle qui vient de se terminer, nous avons pu faire l’expérience de manière dramatique. Il dit textuellement: « Cela n’a pas été un mal à petite échelle. Cela a été un mal aux proportions gigantesques, un mal qui s’est servi des structures de l’Etat pour accomplir son œuvre néfaste, un mal érigé en système » [2]Mémoire et identité, p.198 . Le mal est-il invincible? Est-il la véritable puissance ultime de l’histoire? A cause de l’expérience du mal, la question de la rédemption était devenue pour le Pape Karol Wojtyla la question essentielle et centrale de sa vie et de sa pensée comme chrétien. Existe-t-il une limite contre laquelle se brise la puissance du mal? Oui, elle existe, répond le Pape dans son livre, ainsi que dans son Encyclique sur la rédemption. Le pouvoir qui pose une limite au mal est la miséricorde divine. A la violence, à l’ostentation du mal s’oppose dans l’histoire – comme « le totalement autre » de Dieu, comme la puissance propre à Dieu – la miséricorde divine. L’agneau est plus fort que le dragon, pourrions-nous dire avec l’Apocalypse.

 

 

A la fin du livre, dans une vision rétrospective sur l’attentat du 13 mai 1981 et également sur la base de son chemin avec Dieu et avec le monde, Jean-Paul II a davantage approfondi cette réponse. La limite du pouvoir du mal, la puissance qui, en définitive, le vainc est – ainsi nous dit-il – la souffrance de Dieu, la souffrance du Fils de Dieu sur la Croix: « La souffrance de Dieu crucifié n’est pas seulement une forme de souffrance à côté des autres… Le Christ, en souffrant pour nous tous, a conféré un nouveau sens à la souffrance, il l’a introduite dans une nouvelle dimension, dans un nouvel ordre: celui de l’amour… La passion du Christ sur la Croix a donné un sens radicalement nouveau à la souffrance, l’a transformée de l’intérieur… C’est la souffrance qui brûle et consume le mal avec la flamme de l’amour… Chaque souffrance humaine, chaque douleur, chaque maladie contient une promesse de salut… Le mal… existe également dans le monde pour réveiller en nous l’amour, qui est don de soi… à celui qui est touché par la souffrance… Le Christ est le Rédempteur du monde:Dans ses blessures nous trouvons la guérison’ [3]Is 53, 5 » [4]Mémoire et identité, p.198 .

Tout cela n’est pas simplement une théologie érudite, mais l’expression d’une foi vécue et mûrie dans la souffrance. Assurément, nous devons faire tout notre possible pour atténuer la souffrance et empêcher l’injustice qui provoque la souffrance des innocents. Toutefois, nous devons également faire tout notre possible pour que les hommes puissent découvrir le sens de la souffrance, pour être ainsi en mesure d’accepter leur propre souffrance et l’unir à la souffrance du Christ. Ainsi, celle-ci se fond avec l’amour rédempteur et devient, en conséquence, une force contre le mal dans le monde. La réponse qui a été donnée dans le monde entier à la mort du Pape a été une manifestation bouleversante de reconnaissance pour le fait que, dans son ministère, il s’est totalement offert à Dieu pour le monde; un remerciement pour le fait qu’il nous a enseigné à nouveau, dans un monde rempli de haine et de violence, à aimer et à souffrir au service des autres; il nous a montré, pour ainsi dire, le Rédempteur vivant, la rédemption, et il nous a donné la certitude que, de fait, le mal n’a pas le dernier mot dans le monde.

Source

Photos: Internet

References

References
1 Rizzoli 2005
2, 4 Mémoire et identité, p.198
3 Is 53, 5
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