Le pape émérite Benoit XVI est à l’honneur, puisqu’il fête aujourd’hui ses 95 ans (le jour de sa naissance était aussi un Samedi Saint) et le 19 avril les 17 ans de son élection comme pape. A cette occasion, une magnifique biographie réalisée par Peter Seewald parait ces jours-ci en français.
Joseph Ratzinger est né en Bavière le 16 avril 1927, date à laquelle toute l’Eglise entrait dans le grand silence du Samedi Saint. Il y a toujours vu un signe pour sa vie, ce qui a beaucoup influencé de nombreux textes sur le sujet : « Ils ne sont pas tant le fruit d’une réflexion, que quelque chose lié à mes origines, au début de mon existence, auquel je ne faisais pas que penser, mais que je vivais (…) Dans les paroles du Samedi Saint, il y a quelque chose de la situation humaine en général, de la situation de notre siècle, mais aussi de ma vie. D’un côté, il y a l’obscurité, le questionnement, les dangers, la menace, mais de l’autre la certitude qu’il y a de la lumière, que cela vaut la peine de vivre et de continuer (…) Le jour où le Christ est mystérieusement caché et en même temps présent est devenu un programme pour ma vie. » [1]Peter Seewald, Benoit XVI, une vie, Chora, 2022, p22
Le premier tome de cette biographie qui fera date, se concentre sur la période allant de la naissance à la période du concile Vatican II à laquelle le jeune théologien a participé en tant qu’assistant théologique peritus du cardinal archevêque de Cologne Joseph Frings. Peter Seewald, connu déjà pour les différents ouvrages réalisés avec Joseph Ratzinger – Le sel de la terre (1995), Lumière du monde (2010), Voici quel est notre Dieu (2005) etc. – a mené un travail colossal d’entretiens, non seulement avec l’intéressé mais avec beaucoup de ses proches collaborateurs et amis à différentes étapes de sa vie. Il a aussi consulté de nombreuses archives (correspondances, discours, homélies, revues de presse), en témoigne l’imposante bibliographie mise en note au fil des pages pour en faciliter l’accès.
Cette biographie nous permet de nous approcher au plus près de cette grande figure spirituelle et historique, en découvrant les visages qui furent pour lui les plus chers, les références littéraires, artistiques, philosophiques et théologiques qui l’ont formé, et les épreuves qu’il dut traverser. Le lecteur découvrira ainsi comment l’amitié spirituelle est née avec Augustin et Bonaventure, des auteurs qui l’ont accompagné toute sa vie ; comment des figures comme Romano Guardini, Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac ont été de véritables inspirateurs ; comment ce jeune théologien considéré comme un prodige dans toute l’Allemagne a laissé une marque discrète mais déterminante dans les travaux du Concile Vatican II.
Particulièrement intéressante est pour la lecteur francophone la description de la période nazie et de la guerre du point de vue d’un jeune allemand, bavarois, catholique, forcé comme tous ceux de son âge d’intégrer les jeunesses hitlériennes mais sensibilisé très tôt par son père à la catastrophe pour l’âme et le peuple allemands que représentait l’arrivée d’Hitler. Cette sombre période de l’histoire a certainement contribué à approfondir cette réflexion récurrente de Joseph Ratzinger sur le Samedi Saint.
En 2012, quelques mois avant d’annoncer son retrait, le pape Benoit XVI prononçait ces paroles à l’occasion d’un discours pour ses 85 ans :
Le jour où j’ai été baptisé, comme je l’ai dit, c’était le Samedi Saint. On avait encore l’usage à cette époque d’anticiper la Veillée pascale dans la matinée, qui serait encore suivie par l’obscurité du Samedi Saint, sans l’Alléluia. Il me semble que ce singulier paradoxe, cette singulière anticipation de la lumière en un jour obscur, peut presque convenir comme image de l’histoire de notre époque. D’un côté, il y a encore le silence de Dieu et son absence, mais dans la Résurrection du Christ, il y a déjà l’anticipation du « oui » de Dieu, et en s’appuyant sur cette anticipation nous vivons et, à travers le silence de Dieu, nous entendons ses paroles, et à travers l’obscurité de son absence nous entrevoyons sa lumière. L’anticipation de la Résurrection à mi-chemin d’une histoire qui se développe est la force qui nous indique la route et nous aide à aller de l’avant.
Nous rendons grâce au bon Dieu parce qu’il nous a donné cette lumière et nous le prions afin qu’elle puisse demeurer toujours. Et en ce jour, j’ai de bonnes raisons de Lui rendre grâce ainsi qu’à tous ceux qui, toujours à nouveau, m’ont fait percevoir la présence du Seigneur, qui m’ont accompagné afin que je ne perde pas la lumière.
Je me trouve dans la dernière partie du parcours de ma vie et je ne sais pas ce qui m’attend. Je sais, toutefois, que la lumière de Dieu est là, qu’Il est ressuscité, que sa lumière est plus forte que toute obscurité ; que la bonté de Dieu est plus forte que tous les maux de ce monde. Et cela m’aide à avancer avec assurance. Cela nous aide à aller de l’avant, et en cette heure, je remercie de tout cœur ceux qui m’ont constamment fait percevoir le « oui » de Dieu à travers leur foi.
Pour approfondir le Samedi Saint avec Benoit XVI : Vénération du St Suaire, 2 mai 2010
Pour se procurer le livre de Peter Seewald – Benoit XVI, une vie
References
↑1 | Peter Seewald, Benoit XVI, une vie, Chora, 2022, p22 |
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