Peu avant Noël, le 17 décembre dernier, le compositeur estonien Urmas Sisask a rejoint le ciel qu’il a tant observé et célébré dans sa musique.
Urmas Sisask (Source)
Né en 1960 en Estonie, il est citoyen de l’Union Soviétique qui réprime cruellement les peuples baltes, aussi bien au niveau de la foi catholique que de leur langue et de leur culture. Cette répression fait naître une résistance musicale qui donne à l’Estonie de nombreux compositeurs célèbres comme Arvo Pärt, Veljo Tormis, Erkki Tüür, Eino Tamberg, etc. Le film « Singing revolution » retrace la période soviétique de l’Estonie et comment le chant et la musique ont permis de défendre leur tradition et leur identité et d’obtenir leur indépendance sans effusion de sang, puisque les soldats envoyés en 1990 par Moscou pour réprimer les indépendantistes ont posé les armes en voyant le spectacle d’une population descendue dans la rue en chantant à l’unisson. Cette résistance au communisme a conduit de nombreux musiciens estoniens en prison, en exil en Sibérie ou à l’étranger comme Arvo Pärt qui a dû faire ses valises en quelques heures.
Urmas Sisask est diplômé du conservatoire de Talinn en 1985. Il voyage beaucoup au sein de l’Union Soviétique pour observer les étoiles qui deviennent sa première source d’inspiration musicale. Ses racines sont dans le ciel et sa musique descend jusqu’à nous. Depuis Phytagore la musique céleste est « écoutée » dans de nombreuses traditions musicales. Par ses observations détaillées des différentes constellations et des intervalles du système solaire, Sisask élabore à partir de formules mathématiques une gamme de cinq notes qui se retrouve dans la musique traditionnelle japonaise mais qui fait aussi référence à la musique grégorienne. (Do#, Re, Fa#, Sol#, La). Urmas Sisask ne se considère pas comme un compositeur, il dit à plusieurs reprises qu’il ne fait « qu’écouter le ciel et écrire les sons ou les traduire dans une fréquence audible ». Pour Sisask, le cosmos est l’Eglise et le ciel étoilé est un symbole de la rédemption. A une question posée sur la spiritualité de sa musique il répond : « Si les gens levaient seulement les yeux vers le ciel étoilé, ils sentiraient que tout le mal et toutes les guerres n’auraient plus de sens. » Les compositions de Sisask au piano décrivent ainsi de façon très figurative la profondeur de l’espace cosmique (main gauche) et le scintillement des étoiles (main droite).
Plusieurs de ses compositions astrologiques sont devenues célèbres comme Cassiopée, la voix lactée, Zodiaque, Pléiades, the « starry night circle ». Sa fille Tiuu Sisask dit avec justesse que la musique de son père n’est pas « abstraite », il n’y a rien de subjectif ou d’émotif car sa musique décrit objectivement le ciel étoilé.
La musique céleste est une louange au créateur et la musique de Sisask est profondément liturgique. Une grande partie du répertoire de Sisask est religieux et liturgique : de nombreuses messes, oratorios, magnificat, hymnes etc. La messe « estonienne » chantée par plus de 20 000 choristes lors des festivals estivaux estoniens, à la fois en latin et en estonien est particulièrement connue. (…)
Sa messe n. 1 est illustrée par la cosmologie grégorienne du Moyen-Age qui inclut en cercles concentriques autour de l’humanité du Christ, centre du cosmos et de l’histoire, les différents éléments de la nature visible, des étoiles et des constellations ainsi que du monde invisible des anges.
Le kyrie est particulièrement cosmique et triomphant, Urmas Sisask ne fait pas d’introspection culpabilisante, mais c’est toute la création qui célèbre la victoire du Christ sur le mal avant d’entrer dans une supplication pleine de confiance. Son œuvre « Gloria Patri » est une louange à la trinité et son oratorio de Noël célèbre la joie des bergers qui suivent l’étoile et acclament la « Fille de Sion ». « Les voix de l’univers » est une œuvre pour quatre pianos et seize mains qui jouent aussi bien sur le clavier que sur les cordes du piano. Ce morceau permet à Sisask de danser au milieu des constellations du ciel comme David devant l’Arche d’Alliance.
RIP