Bruno Monsaingeon, musicien et réalisateur, nous a fait découvrir au Bohemian National Hall à Manhattan, l’objet de son dernier coup de foudre: Klaus Mäkelä. Alors qu’il cherchait à observer un violoniste sur une vidéo YouTube, Bruno a plutôt été capturé par le très jeune chef d’orchestre finlandais qui dirigeait l’œuvre. Il a tout de suite cherché à le rencontrer, une amitié forte est née entre les deux et Bruno a réalisé son portrait dans un film récemment sorti, Vers la Flamme.
Mäkelä est né dans une famille de musiciens. Son père est violoncelliste, sa mère pianiste, son grand-père violoniste et altiste, sa sœur danse dans le ballet national de Finlande. À l’âge de sept ans, alors qu’il chante dans le chœur d’enfant de l’opéra national d’Helsinki, il est fasciné par le chef d’orchestre qui dirige Carmen de Bizet, en un coup d’éclair, sans vraiment comprendre le rôle du chef d’orchestre, il réalise “c’est ce que je veux vraiment faire!” [1]https://www.youtube.com/watch?v=lQnrn46h9U8 Plus tard, il reconnaîtra: “J’aimais tellement la musique et j’ai vu que le chef d’orchestre pouvait avoir accès à toute la musique (…) La place du chef d’orchestre est la meilleure pour écouter, on y ressent toute l’intensité, même provenant des musiciens du fond.” [2]https://www.youtube.com/watch?v=DzMihJ4mAfo Il a 12 ans quand il commence à étudier la direction d’orchestre à l’Académie Sibelius d’Helsinki. En parallèle, il apprend le violoncelle car son père et son grand-père en jouent, “c’est l’exemple que je voulais suivre” dit-il [3]https://www.youtube.com/watch?v=lQnrn46h9U8 .
Son professeur, Jorma Panula, lui enseigne comment diriger sans déranger (“help but never disturb” [4]https://www.youtube.com/watch?v=lQnrn46h9U8 ). Sa philosophie est d’épurer le geste du chef d’orchestre le plus possible. “Un bon orchestre n’a pas besoin de quelqu’un qui se contente de battre la mesure. Il faut quelque chose de plus spirituel. Il n’est pas important que le chef d’orchestre dirige avec le pied, le bras ou en haussant les sourcils, le rôle du chef d’orchestre c’est de communiquer la passion de l’œuvre, son essence.” [5]https://lefifa.com/catalogue/klaus-makela-vers-la-flamme
Il a 22 ans lorsqu’il est invité à diriger puis nommé chef d’orchestre principal de l’orchestre philharmonique d’Oslo. Mäkelä commence sa vocation avec une œuvre de son pays : il est le premier chef d’orchestre à enregistrer l’ensemble des symphonies de Sibelius, compositeur finlandais du début du vingtième siècle. “J’aime tous les grands compositeurs mais Sibelius pour moi, c’est différent… Ayant grandi en Finlande et chanté ses chants de Noël, sa musique est tout à fait mienne.”
L’année suivante, il visite l’Orchestre de Paris – et c’est le béguin, il remporte l’unanimité des voix des musiciens après les avoir dirigés une fois en tant qu’invité. Les musiciens de Paris témoignent: “c’était un coup de foudre.” [6]https://klausmakela.com/press/magique-et-naturel-klaus-makela-le-coup-de-foudre-de-lorchestre-de-paris/
Deux ans plus tard, il accepte d’être partenaire artistique de l’orchestre d’Amsterdam en vue de sa nomination en tant que chef principal en 2027. “J’attache beaucoup d’importance à avoir un engagement sérieux avec les deux orchestres que je dirige déjà, ainsi je ne pouvais pas dire oui tout de suite mais être partenaire artistique est une manière de grandir dans la relation avec l’orchestre, ainsi, en 2027, nous aurons déjà établi quelque chose ensemble.” [7]https://www.youtube.com/watch?v=dV6MA14uT1U
Mäkelä observe attentivement les musiciens pour obtenir l’élan des musiciens eux-mêmes. Il engage chacun avec le regard, même ceux situés au fond de l’orchestre. Son professeur lui a enseigné à faire confiance aux musiciens afin qu’ils fassent confiance en retour car le chef d’orchestre dépend toujours de l’orchestre : “Quand je les entends jouer, souvent je me rends compte que c’est mieux que ce que je pouvais imaginer.” Il dirige en laissant une certaine liberté aux musiciens, car ce qu’ils expriment de propre à chacun, d’irréductible a de l’importance : “Mon travail consiste à valoriser leurs idées mais à nous guider tous vers un certain objectif.”
Sa mission, selon lui, est d’honorer la tradition de chaque orchestre tout en poussant leur développement dans une direction cohérente avec leur particularité. Il décrit ces trois orchestres comme ayant un profil et un son très différents : Oslo, une intensité brûlante, Paris une sensibilité intelligente pour la musique, Amsterdam une beauté chaleureuse particulière. Attentif à ce qui rend chaque orchestre unique, il sait aussi les guider vers une finalité, les poussant vers un don de soi toujours plus grand, une obéissance toujours plus assidue à la musique.
Lors de sa première représentation au Carnegie Hall de New York, Mäkelä dirigeait le Sacre du Printemps & L’Oiseau de Feu de Stravinsky. Sur scène, sa passion et son autorité frappent et donnent envie de le suivre. Les musiciens jouaient avec une joie extrême, abandonnés dans la suite de Mäkelä. Il est évident que son rôle est de porter et ranimer l’expérience originelle qui a fait que ces musiciens ont choisi de vouer leur vie à la musique.
Mäkelä est capable de communiquer des sentiments intenses parce qu’il a été introduit à la beauté de la musique par son père et son grand-père. Il vit son rapport avec chaque œuvre dans une vraie obéissance au compositeur, en cherchant à entrer dans son intention. C’est lui qui se met au service de l’œuvre, et non l’inverse (l’œuvre comme objet de sa propre créativité). “Les mauvais musiciens veulent jouer de n’importe quelle manière, se complaisant dans une expression très subjective. Mais non, il faut une certaine obéissance à la musique elle-même, se mettre à l’école du compositeur et essayer de comprendre le contexte, aller toujours plus profond, et se demander, pourquoi cette note, cet accord, ces nuances ?”
“Je crois fermement en chaque œuvre dont j’ai la direction. La pièce que je suis en train de diriger pendant la semaine devient alors ma pièce préférée au monde. Si vous n’y croyez pas de cette manière là, vous manquez de foi et de conviction.” À chaque concert, Mäkelä revit le même essoufflement, le même don de soi qui va jusqu’à l’épuisement : “Si vous n’êtes pas en sueur et épuisé, c’est mauvais signe, vous n’avez pas tout donné.” Makela vit l’instant dans un don permanent qui le consume tout entier. Et pourtant, le chef d’orchestre, dit-il, n’est jamais seulement dans le présent. Il est tendu vers l’instant d’après, il vit dans une attitude d’anticipation des prochaines notes qu’il doit diriger.
https://www.arte.tv/fr/videos/
Le film est disponible sur la plateforme ARTE, coproducteur.
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References