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Depuis le 1er mai, plus de 5 millions de français accourent dans les salles de cinéma pour accueillir avec un enthousiasme non dissimulé le tout premier film réalisé par Victor-Artus Solaro: un p’tit truc en plus, éloge de la faiblesse, de l’être le plus fragile, de celui en face duquel on préfère changer de trottoir.

 

 

Ce film d’Artus met en scène de jeunes personnes porteuses d’handicaps : trisomie 21, autisme… au contact d’éducateurs les accompagnant pour leurs vacances d’été. Le jour du départ, Sylvain est en retard, deux braqueurs, un père et son fils, prendront alors sa place pour se cacher de la police. Il faudra aussi prendre la place du handicap de Sylvain et jouer la comédie le temps que la police les oublie.

Pourquoi Artus se penche-t-il sur les personnes handicapées 28 ans après le film de Jaco von Dormael, le 8ème jour?

« Petit, j’étais très attiré par la fantaisie des personnes porteuses d’un handicap mental, par leur capacité à se décaler : tu peux être sûr qu’ils t’emmènent ailleurs et ça fait du bien. Et puis ils ont souvent cette façon d’exprimer leurs émotions sans filtre. Nous, on est tellement empêtrés qu’on arrive rarement à dire « je t’aime/merci/je suis content d’être avec toi » simplement. Alors que c’est de ça dont on a besoin… Eux savent le faire. »

Un film frais, léger, un souffle de vie, venant de ces personnes « anormales » révélant que les dites « normales » portent en elles un petit truc en moins : une vraie difficulté à vivre en vérité, à aimer, à se donner gratuitement, à penser intelligemment.

La cuisinière déprimée leur sert une cuisine abjecte, les éducateurs entre eux perdent patience, ces deux malfrats, un père et son fils, fuyant la police dissimulent maladroitement leur drame du moment, mais peu à peu ce sont les personnes handicapées les introduisant dans la beauté de ces liens d’amitié, qui ouvriront les portes de leur cœur.

« Je voulais du soleil, je voulais de la joie et surtout pas de pathos. A chaque fois qu’on filme des personnes porteuses d’un handicap mental, ça se passe dans le Nord et sous la pluie, comme s’il fallait rajouter un temps pourri… Moi, je voulais qu’ils soient stylés. Et qu’ils puissent choisir leurs fringues, comme Mayane a pu choisir son propre maquillage : j’ai briefé les costumières et eux étaient super contents. »

« Pareil pour les accessoiristes : il fallait partir des personnages pour qu’ils aient chacun leur univers. Leur dortoir, je voulais que ce soit un cocon, que la lumière soit chaude, que tout le gîte soit beau, que les plans soient beaux… Pour que tout le monde ait envie d’être avec eux. »

Tous les acteurs handicapés sont filmés l’un après l’autre en gros plan, leur visage, leur handicap, cette mise en lumière audacieuse d’Artus suggèrant l’humanité authentique de ces personnes ne correspond à aucun des critères de mode et d’esthétique du moment.

« Et il fallait trouver, avec chacun, une technique spécifique pour les diriger – pour Ludovic, le mieux c’était l’oreillette, mais Arnaud, lui, préférait que je dise sa réplique avant lui, pour qu’il la répète… Ils ne connaissaient pas le plateau de tournage et ses règles, ils s’en foutaient un peu – eux étaient venus pour jouer… C’était à nous de laisser vivre, à nous de nous adapter. J’ai dit à mon chef opérateur, Jean-Marie Dreujou : quoiqu’il arrive, il faut qu’on soit sur le qui-vive et il faut filmer. »

« Tant pis si on n’est pas officiellement en train de tourner, ce qui surgit, il faut le choper. Ce qu’on voit, à l’image, ce sont des moments vrais. Pas du jeu. »

Dans une des scènes, Marie réagit au témoignage fictif de Sylvain, partie intégrante du script. Avec un naturel déconcertant elle parle de sa vie, se souvient de sa mère et de la maladie qui l’emportera et du fait que son père, au départ ne souhaitait pas qu’elle vive à cause de sa maladie. Cette improvisation filmée sur l’instant, Artus décide de l’intégrer dans le film.

 

 

Bref, vous ne vous ennuierez pas. À la fin de la séance, le public a applaudi, d’aucun aurait aimé se joindre à ces vacances et goûter à cette joie palpable dans le regard des acteurs.

La gratuité et l’inutilité de l’amour de ces personnes dépendantes révèlent tout simplement au public français la vérité de la personne et sa beauté. Comme l’affiche le montre, nous assistons à un banquet de l’être car en effet au contact de ces personnes atteintes de maladies mentales, personne ne peut se cacher, chacun est dévoilé mais simplement pour être aimé en vérité.

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