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« Les survivantes », huit femmes sauvées de l’Enfer sur terre

Le film-documentaire de Pierre Barnérias met en scène huit femmes exceptionnelles, sauvées des réseaux pédo-criminels et satanistes. Pendant leur petite enfance, ces femmes ont été enfermées et entraînées dans l’horreur au-delà de l’imaginable. Après des années de guérison et de reconstruction, elles ont accepté de raconter. À la surprise du spectateur, une lumière surgit de cette horreur, une douceur toute mariale et pleine de compassion. S’il s’agit pour Pierre Barnérias et ces huit femmes de dénoncer l’innommable que l’on inflige encore aujourd’hui à des milliers d’enfants, le film est aussi une hymne à l’amour et à la puissance de la lumière divine devant laquelle les ténèbres ne peuvent que reculer. L’heure est à la Lumière.

 

Photo: © lessurvivantes-lefilm.com

 

Lorsque sort Viols d’enfants : la fin du silence ? le reportage d’Élise Lucet, consacré aux réseaux de prostitution infantile, Pierre Barnérias, qui travaille alors au département religion et sectes du journal Ouest-France, imagine que toute la presse va se saisir de ce sujet brûlant, et que de nombreuses autres enquêtes dénonçant ces réseaux vont surgir. À son grand étonnement, il n’en fut rien. C’était en l’an 2000 et depuis, seul l’ancien journaliste star de Canal+, Karl Zéro, a diffusé son propre reportage, intitulé 1 sur 5, en octobre 2021. L’omerta qui entoure l’existence de ces réseaux est presque totale. Cette loi du silence est en arrière-fond du témoignage des huit femmes que Pierre Barnérias rencontre au terme de plus de dix ans d’enquête. Certaines de ces survivantes, comme Anneke Lucas, avaient déjà commencé à prendre la parole dans le monde anglophone.

Le choix du réalisateur de ne présenter que des femmes n’est pas anodin. N’y a-t-il pas aussi des petits garçons parmi les victimes ? Pour Pierre Barnérias, cependant, les femmes sont plus à même de raconter l’horreur sans perdre la lumière de vue, et leur parole est plus susceptible d’être entendue. Ces femmes sont des mères, et les enfants dont elles parlent sont leurs enfants. Ces femmes ont des cœurs de mère, même à l’égard des bourreaux, en qui elles discernent des enfants que l’on a empêché de grandir et que l’on a enchaînés au service du mal. Anneke Lucas explique que la justice doit assurément faire son travail pour confronter la responsabilité des bourreaux et protéger les victimes d’aujourd’hui, mais elle ajoute aussitôt qu’elle-même et ses compagnes d’infortune se placent sur un autre plan. Et c’est en effet ce qui ressort de ce film. Jamais leur parole ne glisse vers la vengeance. « Ce n’est pas un film pour couper des têtes » affirme-t-elle. Notre intention est que « nos bourreaux découvrent combien l’amour est plus fort que tout le pouvoir qu’ils n’auront jamais », explique pour sa part Sophie à la fin du film. Et cette lumière qui transparaît à chaque minute des rencontres avec les survivantes nous permet de découvrir l’horreur absolue sans qu’elle nous écrase.

Pendant des décennies, l’Europe a regardé de haut et avec une pitié teintée de mépris les enfants soldats embrigadés en Afrique sur les théâtres de guerre. On les endoctrinait, on les droguait, et ils devenaient des bêtes sauvages. Certains étaient tirés de cet enfer, mais nous doutions par-devers nous qu’ils pourraient un jour mener une vie normale. Pierre Barnérias nous montre que dans les caves ténébreuses de cercles proches du pouvoir européen le sort de ces enfants esclaves des réseaux pédo-criminels est tout à fait comparable à celui des enfants soldats d’Afrique. Peut-être même leur situation est-elle pire si l’on considère que le sacrifice et la torture de certains de ces enfants par les autres fait systématiquement partie de l’initiation. L’Enfer sur terre. L’Enfer majuscule sans presque aucune possibilité de s’en défendre, ni d’en réchapper. L’Enfer, où les bourreaux ne sont pas officiellement des misérables, des analphabètes ou des esclaves de la drogue, mais au contraire des personnes qui fument tranquillement leur pipe, entouré de leurs semblables pendant un sommet du G7. Ce qui frappe dans les témoignages des survivantes, c’est qu’il s’agit de personnages brillants et cultivés, ayant souvent accès aux plus hautes sphères du pouvoir politique, économique, judiciaire, et même, il faut bien l’avouer aussi avec Hélène Pelosse, ecclésial. Une constante de ces réseaux pédo-satanistes est en effet de se développer dans la proximité du pouvoir, et non dans les bas-fonds du tiers ou du quart-monde.

« N’ayez pas peur » répète cependant Pierre Barnérias au long de ses interviews. La peur est l’unique levier dont le pouvoir dispose pour abuser de nous, précise-t-il. La peur de la mort que ces lâches imposent aux enfants pour les maintenir dans le silence. La peur qui pousse de nouvelles âmes troublées à se mettre au service de ce Moloch Baal des temps modernes. Tel journaliste, tel magistrat filmé un jour à son insu dans une situation délicate, et qui devient docile sous la menace d’être dénoncé publiquement. La peur qui nous rend muets de sidération à notre tour. Si elle s’avérait véridique, une telle horreur qui dépasse l’entendement ne devrait-elle pas plutôt nous pousser au combat pour la chasser hors du monde ? Peut-on demeurer silencieux ?

En mettant en lumière ces huit femmes exceptionnelles sauvées de l’Enfer, et en les écoutant longuement sans jamais les couper, Pierre Barnérias fait beaucoup plus que dénoncer l’horreur qui sévit dans notre monde. Son film lumineux révèle combien il y a « d’humain dans l’homme » et comment l’homme est finalement capable de « défendre cette humanité en lui » [1]Svetlana Alexievitch, La guerre n’a pas un visage de femme, in Œuvres, Acte Sud, 2015, p. 25 Et ces hommes sont des femmes. Ces huit femmes pleines de compassion témoignent de la beauté et de la force pleine d’émotion qui ne peut jaillir ainsi que d’un cœur maternel. Seule une mère peut rendre compte avec autant de justesse du combat de la lumière et des ténèbres. Seule une mère peut s’engager de toutes ses forces dans ce combat, pour tirer ceux de ses enfants qui y sont encore enfermés, et en même temps dégager autant d’amour. Ces femmes debout au pied du Golgotha de notre monde et ce film sont une hymne mariale à l’amour plus fort que tout. Les survivantes ouvrent une porte vers le Ciel. Elles ont pour mission de faire descendre la lumière divine au cœur des ténèbres. Bénies soient-elles !

Pour savoir où le film est diffusé proche de chez vous.

References

References
1 Svetlana Alexievitch, La guerre n’a pas un visage de femme, in Œuvres, Acte Sud, 2015, p. 25

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