Comment ne pas se réjouir de la fin du calvaire de Julian Assange qui a payé si cher son travail de lanceur d’alerte ? En jetant une lumière crue sur les crimes et les abus de l’administration américaine lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan, il restera avec Edward Snowden, une des grandes figures du combat pour la vérité et la liberté d’expression, lorsqu’il s’agit de dénoncer le mal afin de ne pas en être le complice.
Source: Internet
La libération de Julian Assange la matinée du 24 juin 2024 s’est inscrite dans les mêmes conditions rocambolesques que son arrestation. Après être resté sept années réfugié dans l’ambassade d’Equateur à Londres puis 62 mois dans une prison de haute sécurité anglaise, le lanceur d’alerte vient enfin d’être autorisé à rejoindre son pays natal (l’Australie), sa femme et ses enfants. Mis dans un avion pour les îles Marianne (territoire US du pacifique), il n’a dû sa mise en liberté qu’à la condition de sa reconnaissance de culpabilité [1]L’acte précise qu’il se reconnait coupable de « conspiration pour obtenir et diffuser des informations classifiées de défense nationale » devant un tribunal américain qui l’a aussitôt libéré ayant considéré qu’il avait purgé la totalité de sa peine en préventive en Grande Bretagne. Visiblement la diplomatie secrète a accompli un de ses travaux dont elle est coutumière où le respect des formes extérieures (entre autres la reconnaissance de culpabilité d’Assange) a donné un résultat inespéré il y a encore quelques semaines : l’abandon des poursuites de la part du gouvernement américain et la liberté pour celui qui risquait 175 années de prison pour avoir tout simplement fait son travail de journaliste.
Que retenir d’Assange ? Son courage d’affronter deux hydres : la première hydre c’est principale puissance mondiale, les Etats Unis d’Amérique et son administration. En filtrant bon nombre de câbles US secrets, Wikileaks (le site internet fondé par Assange) a révélé la nudité du roi et donc la contradiction flagrante entre les principes défendus (liberté, démocratie, droits de l’homme…) et les moyens pour y parvenir tels que les crimes contre l’humanité d’Abou Graib et de Guantanamo, l’usage systématique de la torture, la cruauté gratuite des bourreaux, les bombardements délibérés de civils s’ils sont simplement soupçonnés de cacher des cibles militaires…et bien d’autres abus.
Le gouvernement américain ne lui a visiblement pas pardonné le fait d’avoir montré que l’on ne pouvait choisir des moyens mauvais même si l’on voulait atteindre de bons objectifs. Il existe des actes intrinsèquement mauvais que rien ne peut justifier (comme l’a très justement rappelé Jean Paul II dans son encyclique en 1993 Veritatis Splendor). Jamais un mal ne pourrait être toléré en vue d’un bien, si la matière de l’acte déshumanise celui qui en est victime et par ricochet celui qui l’ordonne et celui qui le commet. Ce qu’a simplement dénoncé Assange c’est que le principe « la fin justifie les moyens » ne peut pas être une méthode d’action d’une puissance qui se veut « civilisatrice ». Et que le culte du secret n’a au fond fait que montrer plus crûment que ce qui était caché l’était justement en raison de son caractère dégradant pour l’humanité.
Julian Assange. Photo (Source: Internet)
De « l’affaire Assange » nous pouvons aussi reconnaitre le courage d’avoir affronté un second hydre : celui du silence assourdissant de l’ensemble de la presse dite « mainstream » à son égard. Bien plus prompte à relayer servilement et sans contrôle de fausses rumeurs (une accusation de viol par exemple dont il a été par la suite entièrement blanchi) elle n’a en aucun cas été fidèle à ses principes de défense de la liberté d’expression, de présomption d’innocence et de recherche de la vérité. Sans parler de la solidarité entre journalistes censés s’entraider lorsqu’un collègue est accusé de simplement faire son travail. Ce fut peut être pour Julian Assange le coup le plus difficile : le silence des « gens de biens » face au mal. Au mal des ennemis qui ont attaqué, il y a eu si peu d’amis qui ont défendu. Les suites de l’affaire Assange ont donc aussi mis en lumière le manque d’indépendance et de courage d’une immense partie de médias partiaux et atlantistes, semblant obéir à des consignes. De même, il importe de souligner que certains pays fiers de se proclamer « terre d’asile » et « refuge des persécutés de cause de la liberté » se seraient honorés en offrant l’asile politique à un journaliste en danger pour le simple exercice de sa profession. Cela n’a malheureusement pas été le cas et continue à ne pas être le cas pour Edouard Snowden qui n’a que la Russie comme pays où vivre en sécurité.
Heureusement il n’a pas manqué aussi de personnes et de canaux de presse qui se sont battus sans discontinuer pour que Julian Assange ne soit pas extradé pour toujours vers les USA. Activistes, pétitionnaires, militants, simples citoyens ont pu aussi faire entendre leur voix afin que le lanceur d’alerte puisse dire aujourd’hui comme Martin Luther King hier: « Free at last ! Thank God Almighty! » [2]Discours « I have a dream » de Martin Luther King Jr. En 1963 qui conclut par ‘Free at last! Free at last! Thank God Almighty we are free at last’ »
References
↑1 | L’acte précise qu’il se reconnait coupable de « conspiration pour obtenir et diffuser des informations classifiées de défense nationale » |
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↑2 | Discours « I have a dream » de Martin Luther King Jr. En 1963 qui conclut par ‘Free at last! Free at last! Thank God Almighty we are free at last’ » |
Quel courage bravo ,merci pour cet article, et pour tous ceux qui sont réduis au silence…