Dans l’après-midi du 29 octobre, des pluies torrentielles se sont abattues sur la province de Valencia, faisant déborder le lit des rivières et des ravins et inondant de nombreux villages de la province. Les habitants ne s’attendaient pas à ce que leurs rues soient inondées en quelques minutes, ni à la force de l’eau, qui a tout emporté sur son passage : commerces, voitures, maisons et, pire encore, la vie de beaucoup de personnes. De nombreuses personnes se sont retrouvées isolées, incapables d’acheter quoi que ce soit, d’aller travailler ou de quitter leur ville, ne pouvant qu’essayer de déblayer la boue laissée par l’eau, de sauver les quatre murs de leur maison et de leur entreprise, effrayées par tout ce qu’elles avaient perdu et par ce que cela signifiait pour leur vie, espérant aussi que leurs proches allaient réapparaître.
Face à cela, dès le premier jour, des milliers de personnes venues d’un peu partout ont apporté des pelles, des balais, de la nourriture et de l’eau pour aider à nettoyer le désastre laissé par la DANA et approvisionner les habitants du village. Les personnes touchées ont vécu et continuent de vivre avec ce qu’elles reçoivent. Les militaires, les pompiers et les autres forces de sécurité n’ont été autorisés à agir que quelques jours après la catastrophe, de sorte que des milliers de Valenciens et de personnes d’autres régions d’Espagne (et du monde entier !) ont travaillé sans relâche pour des personnes qu’ils ne connaissaient même pas.
Sans hésiter, nous avons dû aller aider nos voisins.
Le pont qui relie la ville de Valencia à l’un des villages les plus proches est actuellement traversé chaque jour par des flots de jeunes et de moins jeunes transportant de l’eau, de la nourriture et des outils de nettoyage, qui vont et viennent depuis les villages touchés. À Valencia, il ne s’est absolument rien passé, mais à 4 kilomètres de là, tout a été détruit. Désormais, les Valenciens veulent appeler ce pont « le pont de la solidarité ». Pour se rendre dans d’autres villages plus éloignés, plusieurs routes et ponts ayant été détruits, il était possible d’y aller en voiture, mais en faisant de longues files d’attente et en laissant la voiture à quelques kilomètres du village, ce qui obligeait à porter tout le nécessaire et à entrer dans le village à pied, équipé pour se frayer un chemin dans la boue et atteindre toutes les personnes qui en avaient besoin.
Les paroisses de Valencia se sont réparties dans les différents villages, organisant des groupes de volontaires pour diverses tâches : commander de la nourriture, de l’eau et des produits de nettoyage, apporter aux maisons des personnes handicapées tout ce dont elles avaient besoin, rendre visite aux voisins et écouter ce qu’ils vivaient et vivent encore, préparer des adorations et des eucharisties au milieu des places, organiser des services de soins médicaux et psychologiques pour tous ceux qui en avaient besoin, ainsi que des activités pour les enfants qui, pendant cette période, ne pouvaient pas aller à l’école, etc. En réponse à cet appel des paroisses, des milliers de volontaires sont venus chaque jour pour servir en tout ce qui leur était demandé. Des musulmans, des non-croyants, des jeunes et des moins jeunes sont également venus chaque jour pour accompagner leurs frères et sœurs dans le besoin. Coiffeurs, cuisiniers, électriciens, maçons, agriculteurs… tous ont mis leurs talents au service des autres, sans rien demander en retour. Et au coeur de tant de travail, la rencontre, l’amitié gratuite, l’écoute et la consolation…
C’est une période durant laquelle on a contemplé de nombreuses images presque apocalyptiques : les soldats de nombreux endroits qui ont été témoins de la guerre en Syrie ou au Liban mentionnent qu’ils n’ont jamais vu autant de destruction… mais, au milieu de tout cela, la solidarité et la charité du peuple brillent à chaque coin de rue. Il y a quelques jours, l’évangile de Marc a été proclamé : « En ces jours-là, après la grande détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les astres seront ébranlés, les étoiles chancelleront. Alors vous verrez le Fils de l’homme venir sur les nuées avec beaucoup de puissance et de gloire ; il enverra les anges et rassemblera ses élus des quatre vents (…). Quand vous verrez cela, sachez qu’il est proche, qu’il se tient à la porte. Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas sans que tout arrive. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas ».
« C’est ce que nous vivons actuellement à Valencia : au milieu du chaos, des milliers d’anges arrivent de toutes les régions d’Espagne et du monde pour apporter lumière et consolation là où les gens ont tout perdu, et Jésus est à la porte, avec sa parole d’amitié et de consolation, et la promesse qu’il a voulu rester avec nous jusqu’à la fin du monde. Tout peut être perdu, sauf Lui. La charité ne passera jamais.
Face à l’ampleur des besoins, raconte Alberto, les volontaires, munis d’équipements de protection, n’ont pas tardé à réfléchir à ce qu’il était possible de faire. Nous prenions un râteau ou une pelle et commencions à débarrasser les rues, les maisons et les magasins de la boue. Nous alternions, car nous devions aussi apporter de la nourriture chaude aux voisins. Beaucoup (de personnes âgées) n’osaient pas descendre dans la rue de peur de glisser et de se blesser. C’est pourquoi nous devions leur apporter de la nourriture. D’autres n’avaient pas eu de repas chaud depuis six jours. Ces personnes nous ont accueillis avec consolation, avec la joie d’être encore en vie, malgré la destruction de leur quartier. »
Parmi les volontaires, on trouve des gens venus de tous les coins du pays, partis avec l’intention d’aider sans savoir sous quel toit ils dormiraient ou ce qu’ils mangeraient. Mais ce n’était pas un problème : les dons arrivaient par camions et camionnettes de toute l’Espagne. L’église María Madre de la Iglesia de Catarroja, le centre d’opérations, a été transformée en entrepôt et c’est de là que les produits reçus ont été distribués, dès la première heure du matin jusqu’à la fin de la journée.
Les volontaires ont été accueillis dans les maisons des voisins et dans les écoles, qui avaient ouvert leurs portes pour qu’ils puissent dormir. « À Catarroja, il y avait un sentiment de fraternité. Nous ne faisions qu’un : impressionnant de voir comment des gens de Burgos, récemment arrivés avec leur monster truck, amenaient des volontaires depuis Valencia car ceux-ci n’avaient aucun moyen de se rendre à Catarroja ; des pompiers d’autres provinces arrivaient pour offrir leur expérience et utiliser des machines lourdes ; des constructeurs, qui venaient d’Estremadura avec leurs machines de ramassage pour enlever la boue des rues et les ouvrir à la circulation. Tout est arrivé spontanément : de l’électricité fournie à la paroisse, aux barbiers qui avaient perdu leur commerce pour que, au milieu de la place, ils puissent continuer à offrir un service (gratuit) aux voisins ; aux dames qui avaient apporté des réchauds à gaz pour préparer quelque chose de chaud pour les volontaires. »
Une jeune Valencienne fait part de son étonnement : « Il a fallu qu’il y ait une telle souffrance pour qu’il y ait un tel dévouement. C’est un mystère. Je l’ai vécu comme un cadeau, une expérience édifiante, car tant de désolation et même d’impuissance se sont transformées en courage et en bonheur de participer à cet élan de générosité de tant de personnes. C’est une révolution qui a apporté une vie nouvelle à pas de géant. Tout cela grâce au oui de chacun ».
Le curé de Paiporta, la ville la plus dévastée, a décidé de célébrer la messe au milieu de la DANA et a été témoin d’un événement inexplicable : alors qu’il célébrait l’eucharistie, l’eau a commencé à pénétrer dans l’église et, au moment de la communion, elle lui est arrivée jusqu’aux genoux. À la fin de la messe, il laissa le calice et le corporal sur la table de la sacristie et commença à placer les chasubles et autres objets en hauteur pour éviter qu’ils ne s’abîment. Mais il ne put continuer à le faire car l’eau lui monta rapidement à la taille. Lorsqu’il a quitté la sacristie, l’eau a commencé à monter très, très vite. A tel point qu’elle atteignait au moins deux mètres de haut. Le lendemain, lorsque l’eau a commencé à se retirer et qu’il a pu entrer dans l’église, le père Salvador a trouvé beaucoup de dégâts. « Tout était absolument couvert de boue. Cependant, le calice était à l’endroit même où je l’avais laissé, ainsi que le corporal, totalement blanc, impeccable, sans aucune tache, confirme le prêtre. Je me suis dit que, ayant décidé de célébrer la messe, cela était logique, et j’ai également pensé que Jésus Eucharistie est toujours à nos côtés. À l’exception du calice et du corporal, nous avons tout perdu ici. »
La réponse immédiate du peuple espagnol à ses frères et sœurs qui ont tout perdu montre une fois de plus la grandeur de ce peuple, son cœur capable de se donner sans mesure pour une grande cause. La capacité de sa jeunesse à répondre à l’élan du cœur à se donner entièrement nous dit que l’Espagne a un avenir et que cet avenir est très bon.