C’était l’an de grâce 1974 en Italie, un « gamin maigrelet » à la chevelure touffue interprétait sur scène un poème à peine écrit de sa main : « Re di Speranza ». Après avoir été dès quinze ans violon solo à l’orchestre du Conservatoire de Gênes, Angelo Branduardi étudiait à Milan la philosophie, composait des poèmes et mettait en musique ses textes préférés, comme les « Confessions d’un Malandrin » d’Essenine. Le succès de ces premiers pas musicaux ne se démentira pas, l’entraînant dans une carrière polyédrique allant de la chanson folklorique à la réinterprétation personnelle – mais comme il le souligne lui-même « d’une grande précision philologique » – de chefs d’œuvres du Moyen Âge et de la Renaissance.
Sa tignasse exubérante est maintenant d’une blancheur immaculée, mais c’est toujours le même poète qui cette année fêtait cinquante ans de carrière avec une rétrospective en quatre disques, « Saints et Malandrins ». Qu’il nous soit permis ici de nous limiter à citer l’extraordinaire ouvrage publié à l’occasion du Jubilé de l’an deux mille, « L’Infiniment Petit », où en compagnie entre autres des Madredeus, I Muvrini ou Ennio Morricone, il interprète des textes tirés des sources franciscaines. Comme le dit avec humour l’un de ses admirateurs, c’est un peu comme avoir sous la main la playlist du petit Pauvre d’Assise.
C’est un vrai cadeau de Noël que d’écouter son premier succès, le Roi d’Espérance, où se mêlent dans la Crèche la dérisoire fragilité de ma condition humaine et l’infinie beauté de l’humilité divine.
Roi des sons et du silence,
Qui commande aux feuilles et aux fleurs,
Roi du fleuve, roi des mers,
Roi du temps et des idées,
Roi du sommeil et du réveil,
De renoncement et de peur,
Roi de fable et de folie,
Roi de tout, c’est moi,
Roi de rien, c’est moi,
Roi du tonnerre et du soupir,
Qui commande à la roche et au sable,
Roi du pleur et du sourire,
De ma fragilité,
Roi de la boue et des étoiles,
De travail et de repos,
Roi du faux, roi du vrai,
De ma fragilité,
Roi de tout, roi de rien
Roi de tout, roi de rien
(Moi qui sais mon incapacité et voudrais tout faire)
Roi de tout, roi de rien
Roi de moi-même
(Moi avec mes rêves)
Roi d’espérance
Roi des sons et du silence,
Qui commande aux feuilles et aux fleurs,
Roi du fleuve, roi des mers,
Roi du temps et des idées,
Roi du sommeil et du réveil,
De renoncement et de peur,
Roi de fable et de folie,
De ma fragilité,
Roi de rien, c’est moi.
Angelo Branduardi, 1974