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Benoît XVI – Il y a 20 ans il recevait l’Anneau du Pêcheur (II)

L’homme de la liturgie

Dans ce sens de la réforme dans la continuité de l’Eglise qui est essentiellement une question liée à la foi, Ratzinger le transposa aux questions liturgiques. Il a souvent exprimé une certaine réserve avec la « nouvelle messe » dans le sens où selon lui, elle avait pu avoir été trop loin, trop abrupte, trop radicale et n’avait pas ménagé ce principe de réforme dans la continuité [1]Cf. J. Ratzinger, Ma vie, Souvenirs 1927-1977, p. 134 . Son merveilleux libre « L’esprit de la liturgie », publiée lui aussi en l’an 2000, comme à son habitude n’entre pas dans les polémiques stériles de savoir si la nouvelle messe est valide ou si l’ancienne est dangereuse. Il nous fait contempler le visage authentique de la liturgie qui trouve ses fondements dans l’Ancien Testament qui a été accompli dans la personne du Christ. Le messie accomplit la loi, il l’achève et la perfectionne dans le sens où il l’élève à la sainteté de Dieu. Ainsi le mystère de la messe ne peut être compris que si on la voit avec en arrière fond le sacrifice d’Abraham, celui de Melchisédech, le buisson ardent, l’Alliance du Sinaï, l’Arche d’Alliance, le Temple de Jérusalem, le dernière Cène, le sacrifice de la croix et la sainte résurrection. Opposer l’ancienne messe à la nouvelle est somme toute pour lui aussi absurde que d’opposer une personne avec elle-même, restant sauve que l’une et l’autre messe expriment l’essence du culte chrétien : l’actualisation du sacrifice rédempteur du Fils de Dieu.

Benoit XVI fut élu pape en 2005, année consacrée par Jean Paul II à l’Eucharistie. Pour l’un l’eucharistie devenait l’aboutissement de son pontificat, pour l’autre son commencement illustrant la phrase du Concile que l’Eucharistie est « source et sommet de la vie chrétienne ». Quel trait d’union merveilleux pour lier les deux hommes dans le sacrement qui fait l’Eglise, qui lui donne sa substance et sa vie dans la grâce. Loin des polémiques destructrices, la célébration des saints mystères qui rend présent l’histoire du salut est le signe le plus authentique de revenir à l’essence du christianisme : vivre en Jésus dans l’Esprit Saint.

C’est ainsi que comme Pape, il prend la décision de rendre au culte ancien toute sa légitimité dans l’Église, au même titre que le nouveau rite, avec le Motu Proprio « Summorum Pontificum » en 2007. Avec cette décision, tous les prêtres du rite latin peuvent célébrer à leur guise les deux messes. Selon lui, l’expression authentique de l’unique rite latin est dans la messe de saint Pie V et la messe de saint Paul VI. Les deux rites (ou deux formes d’un seul rite) doivent pouvoir vivre ensemble et s’enrichir mutuellement car ils sont tous les deux fidèles à la tradition apostolique de la célébration de l’Eucharistie. Il est important de comprendre que cette décision n’est pas motivée par la nostalgie d’autrefois ni même par quelques considérations sur la dimension supposément plus sacrée de l’ancien rite, ni d’être une stratégie pour ramener les traditionalistes schismatiques de monseigneur Lefebvre au bercail (ce qu’il aurait toutefois aimé puisque l’unité des chrétiens est le soucis premier du service pétrinien) mais de cette conscience que la vie de l’Eglise est une et ne peut être comprise à la mode marxiste selon laquelle il faut des ruptures, des crises d’adolescence pour grandir et murir. C’est la vie des saints, des docteurs et du peuple fidèle qui donnent à chaque époque son lot de trésor spirituel à conserver précieusement pour nourrir le peuple de Dieu et lui donner les armes pour arriver à la vie éternelle. Il est aussi fou que vain d’interdire une messe dont les origines sont à trouver dans les premiers siècles du christianisme.

« Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place [2]lettre du pape benoît XVI aux évêques qui accompagne la lettre apostolique « motu proprio data » Summorum Pontificum sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de … Continue reading ».

 

 

Le livre « Jésus de Nazareth » : une confession de foi

Dans la même veine de cette continuité organique de la foi, Benoit XVI va offrir à l’Église une œuvre majeur qui pourra peut-être un jour lui valoir d’être reconnu docteur de l’Église : Son livre sur la figure de Jésus, « Jésus de Nazareth » en trois tomes. Ce livre est sans aucun doute son testament spirituel et comme la synthèse de toute son œuvre théologique immense. Son point de départ est la problématique de l’exégèse actuelle dont le souci est moins de chercher le sens des mots et leur poids théologique sinon d’en fonder leur historicité. Dit sous forme de question : est-il possible de trouver dans les Évangiles et dans la Bible en général quelque chose qui a à voir avec ce qui s’est vraiment passé ? Les Évangiles, pour beaucoup d’exégètes modernes sont des œuvres littéraires théologiques, des interprétations d’une histoire mais, pour présenter un Jésus Fils de Dieu, une surinterprétation de sa vie historique réelle. Beaucoup concluent donc que le Jésus historique est inaccessible. Nous n’avons accès qu’au Jésus de la foi des Apôtres après la résurrection qui réinterprètent les faits et les habillent de surnaturel.

Pour Ratzinger, cette position n’est pas juste ni du point de vue de la foi bien sûr, ni d’un point de vue logique, ni même du point de vue des Écritures qui sans aucun doute racontent ce qui s’est réellement passé tout en en tirant la substance de la foi. Au niveau de la foi, il serait absurde de penser que Jésus ne pût savoir qui il était et qu’il eût pu faire naitre cette extraordinaire souffle apostolique s’il n’avait pas été un être exceptionnel, un être divin, un être qui répond aux attentes les plus profondes du cœur humain, c’est-à-dire le messie cosmique et métaphysique attendu par tout l’être. Au niveau de la logique, nier la divinité de Jésus et son auto-compréhension de sa filiation divine c’est réduire à néant la possibilité de la foi après la résurrection. Comment croire seulement après la mort en croix et la résurrection ? Si cette foi n’a pas déjà été confessée avant la Pâques, après, elle serait sans contenue ni possible car après Pâques rien ne se passe qui n’aie pas été déjà donné par l’Incarnation. Et puis les Écritures elles-mêmes sont par définition « historiques ». Ici intervient son fameux dialogue avec le rabbin Neusner qui pose que le Christ, dans sa prédication même la plus simple heurta les juifs de son époque et le conduisit à la mort, justement parce que par milles manières elle affirme sa divinité et sa conscience d’être Dieu. Ce livre est donc une confession de foi en Jésus Fils de Dieu et Sauveur du monde dans la continuité de la foi de l’Eglise et un dialogue avec les grands défis intellectuels du XX° siècle.

Il est intéressant aussi de noter que sa théologie est toujours fondée dans les Saintes Ecritures. Ratzinger est un interprète génial de la Bible. Comme nous le disions au sujet de la liturgie, ceci vaut aussi pour le Christ ou pour l’Eglise : le Messie accomplit les Ecritures c’est-à-dire qu’il leur donne un sens définitif mais aussi sans elles, le messie ne pourra rester qu’un mystère. Le principe de la continuité, le principe du développement organique qui intègre les nécessaires tensions ne peut donc pas être un luxe de gens cultivés mais la nourriture authentique de la foi.

Benoît et la Parole

Joseph Ratzinger choisit, en ce mardi béni 19 avril 2005, le nom de Benoit. La référence la plus évidente est Benoit de Nursie, le grand moine qui fonda l’ordre des bénédictins. Cet ordre assura pendant les années sombres du haut moyen-âge, premièrement le culte divin et avec lui, ou mieux dit, en lui, par lui, la transmission de la foi, de la culture et de la vie par un travail patient, humble, l’humble travail de la terre et de la prière mais aussi le travail du Logos, de la raison qui ordonne et oriente. Nous terminerons avec ces lignes du grand pape qui reflètent si bien ce qu’il a lui-même vécu toute sa vie et ce qu’il nous lègue :

« En considérant les fruits historiques du monachisme, nous pouvons dire qu’au cours de la grande fracture culturelle, provoquée par la migration des peuples et par la formation des nouveaux ordres étatiques, les monastères furent des espaces où survécurent les trésors de l’antique culture et où, en puisant à ces derniers, se forma petit à petit une culture nouvelle. Comment cela s’est-il passé ? (…) Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. (…) Quaerere Deum – chercher Dieu et se laisser trouver par Lui : cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé. Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. » [3]Discours aux Bernardins, 12 septembre 2008

 

Lire aussi : Benoît XVI – Il y a 20 ans il recevait l’Anneau du Pêcheur (I)

References

References
1 Cf. J. Ratzinger, Ma vie, Souvenirs 1927-1977, p. 134
2 lettre du pape benoît XVI aux évêques qui accompagne la lettre apostolique « motu proprio data » Summorum Pontificum sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970, 7 juillet 2007
3 Discours aux Bernardins, 12 septembre 2008
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