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Pour que refleurisse Nagasaki ou La cloche de Nagasaki

Le 9 août 1945, il y a exactement 80 ans, la bombe atomique « Fatman » ravageait la ville de Nagasaki, et tout particulièrement le quartier chrétien d’Urakami, à l’épicentre. Quelques années plus tard, Paul Takashi Nagai, survivant de la catastrophe, écrit, dans ses « Pensées du Nyokodō » [1]Les Pensées du Nyokodō nous font plonger dans le cœur de Takashi Paul Nagai durant les dernières années de sa vie. Ce médecin et chercheur japonais, converti au christianisme grâce à la … Continue reading les lignes suivantes. Pour que la lande dévastée se transforme en « merveilleuse colline en fleurs » et que commence une civilisation de la paix, il importe de comprendre combien cet évènement a atteint l’âme des personnes, plus encore que leurs corps.

 

 

La cloche du matin

Le nouveau matin se teinte de lumière

Dans la lande désolée, retentit la cloche de Nagasaki [2]Ce sont les vers du poème Le nouveau matin, brève composition lyrique suivant le style traditionnel Tanka de la littérature japonaise, que Takashi Nagai écrivit après avoir écouté la chanson … Continue reading 

Avec cette poésie, je veux exprimer les sentiments qui habitent mon cœur en ce moment de ma vie. La lumière du nouveau matin resplendit sur la dévastation de la lande atomique. C’est le moment où résonne la cloche de la grande église sur la colline. Il y a des gens qui dorment encore, et d’autres qui sont déjà réveillés mais pas encore prêts pour commencer cette nouvelle journée. Je demande que le son de cette cloche se fasse de plus en plus fort, qu’il se répande toujours plus, que son écho parvienne de plus en plus loin, pour réveiller les hommes et les emmener vers la nouvelle lumière, pour transformer la lande déserte en une merveilleuse colline en fleurs. Pour que tous se mettent à faire de ce lieu la ville de la civilisation de la paix.

Pas seulement Nagasaki. Le monde entier a été transformé en une lande désolée par la guerre, et sur lui s’est levé le nouveau matin appelé « ère nucléaire ». Qu’apportera au genre humain cette ère nucléaire ? La prospérité ou la ruine ? Cela dépendra seulement de nos cœurs à nous les hommes modernes qui vivons cette époque. En ce moment, je voudrais que la voix de la cloche de la paix se fasse encore plus forte et se diffuse toujours plus.

J’entends souvent dire : « S’il y a une autre guerre nucléaire, ce sera la fin de l’humanité. » Parmi toutes les formes de destruction que l’humanité a expérimentées jusqu’à aujourd’hui – pas seulement des guerres, mais aussi des éruptions, des tremblements de terre et des inondations – bien sûr cela a été la plus importante, plus importante même que ce que l’homme avait pu imaginer. C’est pourquoi, après la bombe atomique, tout le monde était bouleversé et criait d’une seule voix : « Plus de guerre ! »

 

 

Mais bien que l’être humain puisse dans un premier temps se sentir bouleversé par un événement, quand il arrive à s’y habituer il finit par penser d’une certaine façon que, tout compte fait, cela n’a pas été une chose si terrible. Dans le cas de Hiroshima et Nagasaki, tous pensaient que ces deux villes n’allaient jamais réussir à se relever de leur destruction, mais après à peine cinq ans, on se rend compte que la reconstruction est très rapide et on peut même entendre certaines personnes dire : « Les bombes atomiques ne sont finalement pas des tragédies si terribles. » Cela signifie que, même si la destruction provoquée par la bombe atomique est importante, elle reste limitée et on peut toujours ramener la situation à son état précédent. En regardant les choses de ce point de vue-là, on peut en conclure que la bombe atomique n’est pas capable de détruire le genre humain. Et en effet, pendant que plusieurs pays mènent leurs délibérations sur la gestion du nucléaire, la course aux armements nucléaires s’accélère.

Ayant subi les effets de la bombe atomique dans ma chair, je me rends très bien compte du dommage le plus terrible qui nous a été causé. Ce qui nous est arrivé de plus dévastateur n’est pas d’avoir perdu nos maisons, ni le fait que tous nos biens soient partis en fumée ; ni même la mort de tant de nos parents et amis ; ni la déformation de nos corps ni le fait que nous ne puissions plus travailler à cause de la maladie ; mais c’est l’horreur qui est entrée dans notre âme elle-même et qui se manifeste par la perte de la confiance dans l’humanité.

Déjà au moment où je venais d’échapper au feu de la bombe, j’avais pressenti cela. Mais à l’époque, la destruction était tellement importante que j’étais aveuglé par la force avec laquelle tout m’avait été enlevé et je ne me rendais pas encore bien compte de la destruction de mon âme. Mais, les années passant, la douleur et la peur liées à ce que j’avais perdu et aux personnes qui étaient mortes se sont atténuées, tandis que le dommage subi par mon âme s’est fait de plus en plus brûlant et me tourmente toujours davantage. Je me demande combien de personnes ont vraiment survécu à la bombe atomique.

Je demande que le son de cette cloche se fasse de plus en plus fort, qu’il se répande toujours plus, que son écho parvienne de plus en plus loin, pour réveiller les hommes et les emmener vers la nouvelle lumière, pour transformer la lande déserte en une merveilleuse colline en fleurs. Pour que tous se mettent à faire de ce lieu la ville de la civilisation de la paix.

 

 

Chanson intitulée Les cloches de Nagasaki, inspirée de l’œuvre autobiographique du même nom, de Paul Takashi Nagai. La chanson, de Columbia Records, parut en juillet 1949 et fut composée par Yuji Koseki. Elle donna naissance à une amitié entre Takashi Nagai et Koseki.

 

 

References

References
1 Les Pensées du Nyokodō nous font plonger dans le cœur de Takashi Paul Nagai durant les dernières années de sa vie. Ce médecin et chercheur japonais, converti au christianisme grâce à la rencontre des descendants des «chrétiens cachés» d’Urakami, dont Midori Marina qui devint son épouse, eut à traverser bien des épreuves au long de sa vie. La bombe atomique qui dévasta Nagasaki le 9 août 1945 lui arracha tout ce qu’il possédait. Il s’installa alors dans un cabanon en bois, le Nyokodō, où il vécut un chemin spirituel de dépouillement et de sainteté, et d’où il écrivit les pensées et les lettres qui nous font découvrir son cœur assoiffé de simplicité et d’absolu. Cet ouvrage a été publié en français aux Éditions Chora
2 Ce sont les vers du poème Le nouveau matin, brève composition lyrique suivant le style traditionnel Tanka de la littérature japonaise, que Takashi Nagai écrivit après avoir écouté la chanson intitulée Les cloches de Nagasaki, inspirée de son œuvre autobiographique du même nom. La chanson, de Columbia Records, parut en juillet 1949 et fut composée par Yuji Koseki. Elle donna naissance à une amitié entre Takashi Nagai et Koseki, qui mit en musique également cette poésie
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