de Renee Kurz 2 mars 2013
Temps de lecture 6 mn
Feuilletant les albums et les diaporamas de défilés, abreuvant mon esprit d’images de la dernière Fashion Week de New York, je suis pénétrée de l’esprit de simplicité et d’art pur qui s’exhale des lignes de prêt-à-porter féminin. Un regard plus silencieux prend son envol, à travers ces tendances communes d’étendues sombres où sourd la lumière de la peau, et ces superpositions de nuances. Dans cette prudence, une force calme émerge au-delà des silhouettes simples, de la façon, du noir.
Cela vient-il de cette année terrible à présent derrière nous, du besoin de structures simples et de stabilité, d’une espérance surgie dans l’avenir souvent pressenti sombre ? A l’automne dernier, tandis que les couturiers dessinaient les looks de cette saison et épinglaient la soie sur leurs mannequins, l’Amérique entière et New York en particulier étaient éprouvés de souffrances et de pertes qui ébranlaient notre conviction de ce que c’est que l’humanité. Moi-même, qui ai hanté les coulisses des défilés new yorkais, habillé les modèles et rangé les vêtements, j’ai maintenant la tentation de m’interroger sur le luxe trop terrestre de l’industrie de la mode. Hésitant à rejeter tout à fait l’art du vêtement, je tourne ces pages pour trouver ce que tout ce prêt-à-porter vient m’apprendre sur l’humanité… et surtout sur la féminité.
Qui est cette femme aux yeux baissés sous un chapeau cloche Oscar de la Renta ? Des éclats colorés de gants protègent sa main, tandis que le noir règne sur les drapés et les couches ceinturées. Un soupçon de vintage dans les imprimés et les lignes adoucit de douceur et de nostalgie cette collection monochrome, aux yeux sombres. Une collection qui révèle la silhouette féminine par des volumes cintrés à la taille, effleurant le sol, des robes de soie caressante. Des broderies audacieuses, fleuries, signalent les deux derniers modèles, le rose brûlant et le bleu royal arrachent le regard à la pénombre, en deux volumineuses robes de bal.
Oscar de la Renta
Superpositions de tweed et de découpes au laser, telle est la sophistication moderne de la collection de Proenza Schouler, noirs, blancs et gris. On y rencontre une femme audacieuse et confiante, entre simplicité et intrigue. Silhouettes carrées aux manches rondes, elles présentent au monde un volume de force, tandis que les lignes courbes de l’asymétrie et de la dentelle transparente penchent vers la féminité. A l’opposé de la Renta et l’élégance de ses décolletés en V, Proenza Schouler dessine une ligne en hauteur, et rehausse la tête par des cols roulés. Avec une nuance de grunge élégant, imprimée, la collection avec des gants de cuir et des larges ceintures, de délicats accessoires de cuir et une haute fréquence de gris déclinés, cette femme-là a une voix d’autorité.
Proenza Schouler
La ligne d’automne de Victoria Beckam offre aux femmes une élégance plus simple, aux teintes de noir, caramel et bleu pétrole, éclairés de touches de jaune vif. Illustrant la tendance des cols hauts, des manches rondes et des jupes crayon sous le genou, la collection de Beckam frappe par ses lignes nettes et ses subtils points de lumière. Les fabrications sont d’un tomber plus léger et d’un éclat plus lisse, mais offrent cependant un maintien stable et sûr de lui. La collection, qui défile rapide et sans théâtre, est accessible à la femme ordinaire, affirmation sage mais incarnée.
Victoria Beckam
Mon dernier regard sur la féminité en 2013 se pose sur le directeur créatif de Calvin Klein, Francisco Costa. Il suscite une collection d’inspiration militaire, une saison de manteaux et de stabilité des lignes… une version féminine des épaules carrées masculines, des ceintures à boucles réfléchissantes, de pantalons de costume flottants et effilés. Cette femme-là emprunte la force à son homme sans renoncer à sa féminité, et certains looks font s’épouser les deux. Qui est cette femme emmitouflée et froide, qui marche en cuissardes vernies ? Son regard est serein et froid, tandis que son pas s’approche de la bataille ; le cuir lisse, les revers trop grands et la sombre solidité protège sa grâce féminine qui étincelle dans les robes de cuir doux aux découpes transparentes qui achèvent le défilé.
Calvin Klein
En une saison de ténèbres où le choix s’égare du côté de la prudence, je vois un mouvement vers la rue. Les collections de la New York Fashion Week 2013 ont apporté un sens pratique de la forme et la fonction, la mode descend de son nuage et vient rencontrer la femme réelle. A travers d’autres collections, les superpositions molles et urbaines de Phillip Lim, et les tenues du soir soyeuses et veloutées de Zac Posen, une nouvelle féminité urbaine est donnée. Pas d’extravagance à repousser les limites de la création, la simple beauté reste vraie. Il y a dans la simplicité un confort, qui vient de la conscience d’où nous venons, d’où nous sommes, et où nous allons, avec confiance.
Zac Posen
pourquoi cette article dans terre de compassion?
« On habite n’importe où, on fait n’importe quoi, on parle n’importe comment, on mange n’importe quoi, on s’habille de n’importe quelle façon, on regarde n’importe qu’elles images, on vit n’importe comment, on est n’importe qui…
L’identité. L’identité d’un personne, d’une chose, d’un lieu, d’une chose,
L’identité, le mot même me donne des frissons, il y a là un goût de bonheur, de chaleur, de calme, l’identité c’est quoi ?
Connaître à qui on appartient, connaître sa place, connaître sa propre valeur, connaître son centre, savoir qui on est ? Comment reconnaître son identité ?
Nous nous fabriquons des images de nous-mêmes,
Nous essayons de ressembler à ces images, c’est ça l’identité ?
L’accord entre les images que nous donnons de nous-mêmes et nous-mêmes ?
C’est qui nous-mêmes ?
Nous vivons dans les villes, les villes vivent en nous, le temps passe nous déménageons d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre, nous changeons de langage, nous changeons d’habitude, nous changeons d’avis, nous changeons d’habit, nous changeons tout, tout change, vite.
L’identité c’est out, c’est démodé. Qu’est ce qui est en vogue ? La mode, c’est toujours in, l’identité et mode est ce un couple de contraire ? » Wim Wenders Carnets de notes.
Wim Wenders avoue qu’il n’était pas intéressé par la mode avant de rencontrer Yoshi Yamamoto. Avec Yoshi, il a découvert que la mode est un art qui exprime profondément la nostalgie du cœur humain : désir de beauté, désir de créativité, désir de demeurer dans un monde où tout passe, désir de dépasser l’apparence pour atteindre son identité, désir d'être "in", dans le présent.
Un grand merci pour cet article!
La mode n'est elle pas un moyen d'expression pour les créateurs dans un premier temps mais aussi pour nous ? Lorsque je choisis tel ou tel vêtement, que j'en ai conscience ou pas, j'exprime qui je suis: mon besoin de confort ou d'élégance, de détente ou de professionalisme, d'ouverture ou d'autorité, de dynamisme ou de calme, de rigueur ou de créativité …
Comment pourrait-on laisser la mode de côté et la considérer comme superficielle ou quantité négligeable? Elle dit un peu de nous même, un peu des autres, beaucoup de notre société.