Le monde a été saisi de stupeur devant ces images surréalistes : ces veilleurs à genoux dans la nuit, en face à face avec les forces de l’Ordre. Les premiers têtes nues, mains vides. Les seconds aux casques masquant leurs visages, matraques et gaz lacrymogènes au poing. Les premiers, calmes, paisibles, presque souriants. Les seconds, tendus, agités presque violents. D’un côté l’innocence. De l’autre la puissance. D’un côté la résistance passive, de l’autre la puissance agressive. Bref, David dépouillé versus Goliath hyper-armé.
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Avec son style unique, le père Daniel-Ange, riche de sa longue expérience, nous propose de contempler les évènements avec une étonnante profondeur : au regard de l’histoire et à la lumière de l’Esprit Saint.
Varsovie 81 – Paris 2013 : même combat ?
Voici tout un peuple qui surgit, se dresse, se lève, se soulève, s’arc-boute : pour sauver une cathédrale construite au long des siècles menacée d’écroulement.
Cette très grande armée, impossible à contenir comme à compter, de tout âge, tout bord politique, toute couche sociale, toute religion, toute sensibilité, toute génération confondus, je l’ai déjà vue. A Paris, en 82, pour la liberté de l’école ? Non, mais en 89 à Budapest, Berlin, Bratislava, Kiev, Varsovie, Prague, Timisoara. Révolution passive mais massive. Résultat ? Démantèlement de ce dit rideau de fer – mais plutôt barrière d’acier enfermant – enfer-mant – une moitié d’Européens dans une prison de nations. Ecroulement de ce mur de béton brisant en deux Berlin pendant d’interminables décennies.
(…)
En voyant nos courageux jeunes coffrés brutalement par les CRS, j’étais projeté à Varsovie, Cracovie et Gdansk en 81. En plein état de guerre d’un Etat contre sa Nation, j’ai vu ces jeunes devant l’église Sainte-Anne (paroisse étudiante où prêchait ce héros de Jerzy Popieluszko), prier, chanter, autour des grandes croix de fleurs, piquées de bougies (on se privait de pain pour y jeter chaque matin des bouquets) sauvagement frappés par les redoutables « zomos », jetés en prison pour crime contre l’Etat. Bâillonnés, ils continuent à murmurer des cantiques.
Et voici nos jeunes, ici, 25 ans plus tard, menant un combat similaire. Avec le même courage. La même détermination. Le même sang-froid. La même intrépidité. Des jeunes filles assises en silence, parfois chapelet en main, brutalisées par des brutes en uniforme (mais sûrement des êtres humains dans le cœur. Violents au dehors, mais peut être sympathisants au-dedans).
Mais qui sont ces jeunes ?
Devant ces jeunes, – la majorité dans les grandes manifs, et ces veilleurs en sit-in la nuit – la stupeur nous saisit. Mais « Qui donc sont-ils ? Mais d’où viennent-ils ? » L’Apocalypse décode leurs logiciels : « Ils viennent de la grande épreuve… Ils ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau » (Ap 7,13). Ils ont traversé leurs années scolaires, où on leur inocule toutes sortes de contre-vérités dans les domaines historiques ou éthiques, jusqu’à ces sornettes enseignées doctement en Sorbonne ou à… l’école primaire : « Tu peux être femelle et masculin à la fois ». Et ils en sortent indemnes, le bon sens humain inné finissant par l’emporter. On les matraque de porno – venin de vipère (Mt 16,18) – jusque sur Ipod et smartphone, cela n’a pas tué leur âme. Ils sont rescapés de la guerre des puissants contre les plus faibles : celle qui transforme en tombeau notre premier berceau. Celle qui élimine les plus vulnérables susceptibles d’attraper un jour telle maladie – ils ont réchappé à l’eugénisme chromosomique, à ce massacre des saints innocents d’aujourd’hui. Comme Jésus lui-même, protégé qu’il était par un certain Joseph. Et Joseph, c’est aujourd’hui l’Eglise, qui se bat pour sauver l’homme quand il devient un loup pour l’homme. Pour sauver Jésus présent dans le plus vulnérable, le plus menacé de ses petits frères et sœurs de chair et de sang.
Vaclav Havel se posait la même question que celle d’Apocalypse 7,13, en voyant sidéré, ces foules de jeunes massés sur l’équivalent symbolique de notre place de la Concorde.
« Beaucoup s’étonnent de ce que les citoyens tchécoslovaques, aussi manipulés, humiliés, sceptiques et soumis, aient trouvé tout à coup une force extraordinaire et les instruments pacifiques nécessaires pour secouer le joug totalitaire. Nous en sommes les premiers émerveillés, nous demandant où donc ces jeunes qui n’ont connu aucun autre système politique ont pu étancher leur soif de vérité, leur liberté de penser, leur imagination politique, leur courage et leur pondération. Et comment leurs parents ont-ils pu les imiter ? Qu’est-ce qui a fait que les gens, tout à coup, aient su comment agir, sans avoir besoin de conseils ni d’instructions ?
Je pense que la situation actuelle, si riche d’espérance, est la conséquence de deux facteurs. En premier lieu, l’homme n’est pas seulement un produit du monde qui l’entoure : il est une créature qui tend vers quelque chose de plus élevé, même si le milieu et le monde environnant ont cassé cette tension en lui. Le second facteur résulte de la tradition humanitaire et démocratique de notre pays, affaiblie par l’ignorance de la population mais transmise silencieusement de génération en génération, si bien que chacun a pu la retrouver au fond de lui-même à l’instant nécessaire, et la traduire en actes. »
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Comment ne pas voir l’Esprit Saint en personne à l’œuvre ?
Depuis tant d’années dans homélies et conférences, en évoquant les affres d’une culture de mort, les aberrations des nouvelles idéologies, la peur devant une dictature de la pensée, je disais : comment le peuple par millions ne descend-il pas sur les Champs Elysées ?
Et voilà ! ça y est ! Enfin ! Enfin !
Comment ne pas voir l’Esprit Saint en personne à l’œuvre dans cette formidable insurrection populaire manifestant pour rien d’immédiatement gratifiant, mais gratuitement, simplement pour sauver nos enfants de demain, protéger nos familles d’aujourd’hui. En fin de compte, pour arracher notre peuple, et l’humanité, d’une implosion mortelle. Il faut être aveugle pour ne pas y décoder un signe saisissant des temps de la fin. Malheur à qui se tiendrait en dehors de ce courant, de ce torrent d’eaux vives qui finira par assainir les eaux corrompues de la politique. Sur le visage lumineux d’une clarté d’ailleurs, de ces veilleurs – marcheurs, comment ne pas déceler en filigrane ceux de nos futurs élus et politiciens, pères et mères, consacrés et évêques. Les visages de nos témoins, pasteurs et apôtres de demain car déjà d’aujourd’hui. Et même de nos martyrs car seul le sang crie plus fort que toute voix, quand le monde se fait sourd à force d’autisme. Et parce qu’on ne croit que ceux qui sont prêts à signer leur parole de leur sang. De leur sang et d’abord de leurs larmes. Ces larmes qui désarment les plus armés.
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Une immense espérance
De ces jeunes soyons dignes et fiers. Vivons à la hauteur de leur cœur. Ne les méprisons pas. Ne les décevons pas. Ne les trahissons pas. Que notre tiédeur n’éteigne pas leur ferveur. Que nos compromissions ne brisent pas leur élan. Que nos lâchetés n’étouffent pas leur radicalité.
(…)
L’avenir de la France est dans leurs mains vides. En attendant, c’est eux qui sauvent son honneur aux yeux du monde, aux yeux de Dieu. Eux, les beaux chevaliers de la vie, de l’amour, de la liberté. Eux les veilleurs éveillant notre émerveillement et hâtant l’Aurore. Eux les vainqueurs au grand cœur.
Ils signent ce que clamait le jeune président Libanais Bachir Gemayel : résister, c’est exister.
Extraits d’une méditation de Daniel-Ange, « Insurrection de lumière » du 1er mai 2013.
Retrouvez le texte intégral : http://www.zenit.org/fr/articles/pentecote-sur-un-peuple-qui-se-leve-se-releve-et-se-souleve
Le Père Daniel-Ange a toujours pratiqué l'emphase apocalyptique: je le sais, je l'écoutais déja il y a 30 ans. C'est une façon de voir les choses, mais le parallèle avec Varsovie me semble un peu risqué. Il n'est pas certain que l'image de ces jeunes face aux CRS fasse le tour du monde comme celle de l'homme seul face aux chars chinois de la place Tien-an-men en 1989.
résister activement, c'est comprendre Bien la volonté de Dieu pour nos vies… et exister, c'est evangeliser en faisant Sa volonté… Notre Espérance est le Courage d'agir (agire in italien). Notre Espérance s'appelle Jésus! Hebreux 11. Unis en prière for a great harvest of souls… Dieu nous bénisse tous! sonia
Merci pour ce très beau texte.
Il y a effectivement quelque chose de la fin des temps, maintenant comme en d'autres temps passés et futurs, dans ces moments où la tiédeur des uns et l'engagement des autres accomplissent de soi-même le Jugement Dernier, à chaque instant.