de Guillaume Trillard 25 mai 2011
"DSK – KO". Ce titre provocant résume à lui seul l’ambiguïté de la couverture médiatique de ce triste événement. D’un côté, l’énième victime d’un crime sexuel révoltant commis par un homme incapable de gérer ses pulsions et d’en mesurer les conséquences. De l’autre, la chute pathétique d’un homme, livré à la presse mondiale, affaibli, humilié, déchu.
Beaucoup d’explications déferlent sur nos journaux. La vie de ce Sciences-Po (IEP) – HEC, surdoué de l’économie et de la politique, est épluchée. Son origine, sa vie affective, sa vie de famille, tout est analysé. Les psychanalystes appelés à la rescousse mettent en parallèle les pulsions sexuelles et celles du pouvoir : « Le pouvoir est à la politique ce que l’aphrodisiaque est au sexe » [1]. D’autres avancent l’hypothèse du « suicide politique » d’un homme reculant devant l’échéance présidentielle. Tout est imaginé, jusqu’à l’éternelle théorie du complot, ultime manière pour l'homme d’éviter les vraies questions et de ménager la chèvre et le chou.
"DSK – KO", ce jeu de mots totalement déplacé à la Une de Libération semble s’amuser de la vie politique comme d’un jeu sur le ring en laissant bien peu d’espace à la présumée victime. Car la vraie question que suscite cet acte et qu’il reviendra à la justice américaine de qualifier n’est pas seulement celle de l’avenir politique de ce combattant du PS sur le ring des primaires et de la présidentielle. Elle est celle d’un homme et de sa responsabilité. « Pina m’a appris à être libre, à m’exprimer par la danse, à assumer mes actes », dit l’un des protagonistes du film magnifique de Wim Wenders, un danseur qui affirme que poser des actes a des conséquences qu'il convient d'assumer, qui reconnaît également qu’une éducation lui a été nécessaire : « Elle m’a regardé pendant vingt-deux ans, tous les jours »…
C’est bien la question que pose l’événement DSK, au-delà même de notre positionnement politique, de notre admiration ou aversion pour le socialiste ex-futur président. Diplômé dans les meilleures universités, engagé sur tous les fronts, dominant peut-être parfaitement les rouages de l’économie et de la finance mondiales et pourtant si faible, incapable de dompter cette part d’humain commune à chacun d’entre nous. La vie combien exigeante de ces hommes publics conduit parfois à un réel dédoublement de personnalité, difficile de le nier. Les masques de la Commedia dell’arte sont plus que jamais de mise : ils révèlent et protègent les personnages dans leurs rôles mais finissent par les introduire dans une illusion sur eux-mêmes puis sur les autres. Comment ne pas relever ces premières réactions à chaud de Jacques Lang : « Il n’y a pas mort d’homme », puis celle de Jean-François Kahn : « Il s’agit d’une histoire de troussage de bonne » bien heureusement démenties par la suite…
Distance nécessaire pour protéger leur vie privée pour certains, schizophrénie destructrice pour d’autres, tout tient dans un équilibre si précaire. La chute de DSK rappelle cruellement que l’homme est une seule chose, « UN », que la fragmentation de son existence ne peut devenir le prétexte pour contourner ce long travail sur lui-même, pour faire sien chacun de ses actes, pour en rendre compte, pour les assumer, tous… dans une prison ou dans un appartement sous surveillance de New York. A quoi bon conquérir le monde si l'homme en vient « à perdre son âme » ?
Comment ne pas se sentir solidaire de cet homme abattu, démasqué qui nous remet tous devant l’enjeu même de notre propre existence, de notre éducation à la responsabilité, toujours à reprendre? « Si tu es fidèle aux petites choses, il t’en sera confié de plus grandes ».
"La roche Tarpeïenne est proche du Capitole" , disaient les Romains, voulant signifier par là que la chute est d'autant plus grande que l'on tombe de haut. Rarement cette sentence aura été aussi justifiée, à la fois par la rapidité de la chute et le contraste agressif des images. Rien à voir avec la lente descente aux enfers d'un autre grand de ce monde, Richard Nixon, empêtré pendant des mois dans ses mensonges sur le Watergate, en 1974. J'ignore ce qu'il en est du fond de l'affaire, puisque pour l'instant on ne connait que la thèse de l'accusation. J'ai peur cependant qu'elle corresponde à peu prés à la vérité. C'est dommage : DSK valait mieux que cela. Qui se souviendra de ses efforts pour redonner au FMI sa fonction premiere – être une caisse de solidarité pour pays pauvres – et pour atténuer les conséquences sociales des plans d'économie drastiques que le FMI impose aux pays qu"il aide ? Comme le souligne P.Guillaume, il n'est que trop évident que la frontière entre le meilleur et le pire ne passe pas entre les hommes, mais à l'intérieur de chacun de nous.
Merci pour cette réflexion. Une bouffée d'air. Enfin, nous est redonnée la vraie problématique: la responsabilité c'est-à-dire la capacité d'assumer nos actes. Je crois comme vous que chaque acte informe notre personne et qu'il est impossible à terme de jouer sur plusieurs tableaux sans finir par s'effondrer. Merci de relancer le débat car un voile pudique risquerait d'être si rapidement posé sur ce crime.
J'apprécie de vous voir vous risquer à ces questions qui font notre quotidien. Merci POINTS-COEUR. Je regrette par contre que vous ne parliez pas de l'Omerta de ses amis politiques car il y a là quelque chose de honteux. Même Elisabeth Guigou, ancienne ministre socialiste de la justice, a eu le courage de reconnaître sur RTL la réputation de DSK. "Ce qui est vrai, c'est que Dominique Strauss-Kahn a depuis toujours une réputation d'homme qui s'intéresse vraiment aux femmes, et même de libertin", a-t-elle déclaré. Selon elle, cette réputation était "très connue de tout le monde". C'est ainsi que certaines agences de presse avaient renoncé depuis longtemps à prendre le risque d'envoyer des femmes journalistes pour l'interviewer… ça en dit long. Nous l'avons échappé belle car la compétence technique ne suffit pas pour être président…
Tant que la justice suit son cours, je trouve que le silence des politiques, amis ou ennemis, est au contraire bienvenu et marque d'appaisement. Le traitement médiatique de cette affaire, inédit car directement inspiré des pratiques américaines, est de toute évidence excessif. Inutile d'en rajouter par une opinion politique qui, par définition, sera calculée et tout sauf personnelle.
derriere tout les titres aussi racoleur les un et les autres il y a deux personnes avec chacune leur pierres a porté aussi lourdes et encombrantes, alors je préfere posé un regard de compassion et d'amour sur eux.
je leur souhaite de pouvoir vivre cette épreuve en vérité car nul ne la connais, sinon le Père.
Yannick