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Moyen-Orient : Revenir aux origines … et aux pourquoi?

Le Père Samir Khalil était un des invités du dernier colloque de la Basilique Notre-Dame-des-Victoires à Saint-Raphaël, dans le Var. Cette année le thème choisi était la situation des Chrétiens au Moyen-Orient. Le Père Samir, prêtre égyptien, professeur d’islamologie et de la pensée arabe à Rome et à Beyrouth, a créé, dans cette dernière, l’Institut du CEDRAC qui regroupe toute la documentation sur l’héritage chrétien au Moyen-Orient. Il a donne, toujours à Beyrouth, un enseignement sur le christianisme à des Imams.


CC BY-SA Lebnen18

Afin d’aider les participants du colloque à mieux comprendre les enjeux de la présence chrétienne au Moyen-Orient, le conférencier dressa un panorama historique de la très longue cohabitation entre chrétiens et musulmans dans toute cette région. Il expliqua comment un échange mutuel pluriséculaire, et une complémentarité se vivait réellement, non sans certaines tensions. L’influence chrétienne a été très importante, en particulier dans le domaine culturel, les églises orientales, par leur ouverture vis-à-vis de l’Occident, ayant traduit de nombreux ouvrages scientifiques et philosophiques en arabe[1]. Les dynasties égyptiennes musulmanes ont su mettre à profit ces connaissances et permettre, jusqu’au début du XIXème siècle, à de jeunes musulmans de se former en Europe dans tous les domaines, dans un grand désir de pouvoir en faire bénéficier leur société.

Pourquoi en est-on arrivés à une situation qui semble vraiment difficile aujourd’hui, interroge le Père Samir. Un contexte politique difficile a mis les pays arabes en échec face à la nouvelle et jeune nation israélienne dès 1948 [2]. Suite à cette difficulté vécue dans un contexte d’erreurs politiques de la part du Roi d’Egypte de l’époque et d’absence d’une autorité dans le monde musulman (Le dernier Califat fut aboli durant l’Empire Ottoman par Atta Turc en 1924), Nasser prend le pouvoir en Egypte. Dans ce même contexte, un retour à l’âge d’or de l’islam, celui de l’Egire du VIIème siècle, porté par les voix de quelques auteurs et fondateurs de mouvements gagne l’audience d’un public de plus en plus large dont le niveau d’éducation a considérablement baissé depuis les réformes idéologiques du régime socialiste de Nasser. L’intention de ces auteurs se voulait une recherche d’un islam authentique, par un attachement « à la tradition d’une manière cristallisée, en vivant dans son espace propre mais non avec son temps, immergé perpétuellement dans un passé qui n’existe déjà plus. » [3]. A ce jour, certains, donc, rejettent en bloc le progrès, tout ce qui est lié à l’Occident, et surtout l’usage de la raison, comme un danger pour l’application des textes sacrés, remettant en cause le « Tenzil », c’est-à-dire le fait que les textes sont paroles descendues directement de la bouche de Dieu et donc doivent être vécues à la lettre.

Notre conférencier a ensuite expliqué comment l’Eglise Copte, malgré le désir d’émigrer de beaucoup de ses fidèles, puise sa force dans le Christ ; héritière d’une très ancienne tradition monastique le chrétien copte alimente dans la prière et la riche liturgie la conscience de sa mission de témoignage jusqu’au bout (dès les premiers siècles, sous Dioclétien, l’Eglise Copte compte beaucoup de martyrs). Le Père Khalil termina alors son intervention en invitant fortement à maintenir le dialogue et l’amitié là où cela était encore rendu possible et à vivre l’entraide mutuelle avec les  musulmans que nous sommes amenés à côtoyer où que nous vivions. Quand, cela est donné, un échange théologique peut enrichir mutuellement et être l’occasion de s’interroger plus profondément sur le sens de la tradition pour avancer dans le chemin d’une foi qui rend toujours plus libre. « La considération de la tradition comme quelque chose à renouveler constamment, quelque chose à vivre à la première personne, quelque chose qui doit arriver ici et maintenant pour que ce soit vrai. Et ensuite la catégorie de l’autre, l’autre différent de moi : je me connais grâce à l’autre, à toi…. Le récipient de la tradition c’est nous. La tradition doit prendre une forme en nous ici et maintenant, pour être continuellement renouvelée et vécue »[4].


[1] Les chrétiens de l’Eglise Syriaque traduisirent, jusqu’au VIème siècle, toutes les sciences et la philosophie, du grec, qui était alors « la langue » de la culture,  au syriaque tout d’abord, puis à l’arabe. Aux IXème et Xème siècles, les chrétiens melchites ont vérifié de nouveau toutes les traductions en confrontant le texte original grec et l’arabe, ce qui a permis une plus grande précision.
[2] 1ère guerre israélo-arabe.
[3] Citation de Waël Farouq, écrivain et professeur égyptien musulman interviewé dans la revue « Huellas » de Communion et Libération ; article du 28/10/2004
[4] Citation de Waël Farouq, écrivain et professeur égyptien musulman interviewé dans la revue « Huellas » de Communion et Libération ; article du 28/10/2004

 

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