Gabriel Dupuis est expatrié en Inde depuis quelques années. Il nous fait par de son expérience et de son regard sur la grandeur humaine et spirituelle de ce pays.
Depuis combien de temps vivez-vous en Inde ?
Je suis arrivé dans le sud de l’Inde il y a exactement trois ans. J’y suis resté un an et demi avant de partir dans le Nord. C’est maintenant la dernière ligne droite, car il est prévu que je retourne en France en fin d’année.
En quoi consiste votre travail ?
J’ai participé dans un premier temps au démarrage d’une usine de production comme contributeur à la formation des équipes locales. Après deux ans, j’ai rejoint nos bureaux dans le Nord pour accompagner les équipes des services administratifs et techniques.
En venant en Inde, vous avez été sûrement confronté à des problématiques nouvelles, liées à la culture ; comment cela s’est-il passé ?
Nous sommes implantés dans de nombreux pays et sommes plutôt rôdés à un travail interculturel au quotidien. Pour ma part, j’ai été surpris par la facilité de collaborer avec les Indiens. Ils ont une énorme capacité d’adaptation et un talent extraordinaire pour s’adapter à une autre culture. On le voit notamment à leur capacité d’apprendre les langues, de pratiquer l’anglais.
Comme expatrié, c’est à nous d’adopter un certain nombre des pratiques locales et d’accepter la manière de faire des Indiens. Ce n’est pas toujours un travail facile, car il faut reconnaitre ce qui est positif et accepter ce qui vient de la culture. Mais aussi, quand on est une organisation reconnue pour son niveau d’excellence, il faut être également rigoureux sur un certain nombre de pratiques. Nous avons ainsi défini et appliqué nos propres règles, et avons formé nos collègues indiens pour la réalisation de leur mission. Cela se fait dans un respect mutuel.
Quel est l’avantage de travailler avec les Indiens ?
A titre personnel, comme chrétien lié à l’Opus Dei, j’ai été positivement impressionné par la spiritualité de l’Inde. C’est un pays où, de fait, chacun croit en un au-delà et en Dieu. La manière est différente, mais au fond, ce peut-être le même Dieu. J’ai trouvé cela extraordinaire et très positif que l’on puisse parler de son expérience de foi avec pratiquement n’importe qui. Pour les Indiens, la dimension spirituelle de la personne est une évidence. Quand on vient de France où la norme culturelle est l’athéisme, quelle bouffée d’oxygène ! Quelle ouverture ! Cela change totalement le regard que l’on pose sur l’autre personne et donne une profondeur, une élévation dans les rapports humains.
Les Indiens ne cachent pas leur vie spirituelle, ils sont quasiment quotidiennement en contact avec le temple et ont régulièrement des moments de méditation. Cela fait partie de leur vie. Très rapidement les sujets religieux sont abordés. Quoique vécue d’une manière différente, avec d’autres rites, c’est le même genre d’approche spirituelle, le même type d’élévation. On se comprend donc très vite. Dans une entreprise indienne, on n’est pas simplement collègue de travail, et la relation de confiance n’est pas uniquement établie sur des objectifs professionnels.
Pour moi c’est une valeur ajoutée très forte à cette expatriation. Ici, le trésor que j’ai découvert, c’est la grandeur humaine et spirituelle de l’Inde.
Parlez-nous de votre engagement
C’est un engagement de chrétien qui essaie de vivre sa foi dans la vie normale, familiale, professionnelle, associative, etc. Le support que nous recevons nous aide chaque instant de notre vie. Pas plus, pas moins.
L’enseignement de notre groupe nous encourage à aligner modestement notre vie sur les pas du Christ.
En Inde, votre charisme a-t-il reçu un écho favorable ?
Les premiers fidèles de l’Œuvre sont arrivés il y a environ vingt ans à Delhi. Ils ont alors commencé leur activité d’apostolats et de formation. Aujourd’hui nous poursuivons pas à pas cette infusion de l’enseignement dans les environnements avec lesquels nous pouvons être en contact : aussi bien les gens installés dans le Centre de Delhi que les laïcs qui ont une vie totalement ordinaire. Nous semons. Poussera ce qui pourra.
Personnellement j’ai été assez proche d’un certain nombre d’églises ou de paroisses. J’ai pu y établir quelques contacts amicaux, en particulier avec un jeune Indien très engagé, chef de chœur, bon musicien, dynamique, avec un certain zèle spirituel et qui d’ailleurs est devenu un de mes collègues.
Comme les fidèles de l’organisation originaire de tous les autres pays, nos frères indiens rentrent naturellement dans l’état d’esprit de l’Œuvre, et acceptent les objectifs de vie sans plus de difficultés. Sincèrement, je ne vois pas de différence dans la manière d’aborder la spiritualité et le message de Saint José Maria. Nous sommes une grande famille, sans différence notable sur le fond.
Comment avez-vous rencontré Points-Cœur ?
Cela s’est passé de manière tout à fait fortuite, grâce aux confitures qui sont fabriquées ici. J’ai ainsi eu l’occasion de me rapprocher du Jardin de la Miséricorde et de rencontrer ceux qui y habitent. Et, dès que l’on se retrouve dans une communauté où le fil conducteur spirituel est le même, cela crée un rapprochement, une fraternité naturelle. Personnellement j’ai toujours apprécié de venir au Jardin, parce que c’est un endroit de paix, de partage, où chacun est considéré comme un trésor, où l’on prend soin de tout le monde, des plus pauvres avec beaucoup de tendresse. C’est une belle démonstration de vie chrétienne dans un environnement qui n’a pas forcément la même approche spirituelle. L’Inde est tout de même un pays rude, même si les gens sont spirituels. C’est un peu la lutte pour la survie. Dans ce contexte, et ne serait-ce que pour cela, le Jardin de Points-Cœur est un trésor à découvrir. Mais, il y a beaucoup d’autres trésors à découvrir au Jardin.
Propos recueillis par Denis Chane-Sing-Guan
Ce témoignage tout simple est aussi très riche et montre combien la croissance économique ne dit pas tout d'un pays. Merci à son auteur et à Denis pour cette interview. L'Inde est un pays bien mystérieux que l'on voit prendre toujours plus de place sur la scène du monde. Nous pouvons espérer avec Gabriel Dupuis qu'elle ne perdra pas son âme en chemin.