La nouvelle de son assassinat, il y a cinq ans, a frappé le monde entier d’un grand découragement. Il était le ministre des minorités religieuses du Pakistan, et chargé par le président Zardari d’amender la fameuse loi anti blasphème, source de nombreux excès. Par sa mort violente, Shahbaz Bhatti a pourtant donné le témoignage le plus lumineux qui soit : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13). Cinq ans, c’est aussi le délai requis par la Congrégation pour la cause des saints, au Vatican, avant de pouvoir introduire une éventuelle cause de béatification ou de canonisation.
« Après la mort de Shahbaz Bhatti, la condition des minorités religieuses au Pakistan s’est nettement détériorée. Que ce soit par le plus grand nombre d’attaques contre elles, ou par le manque de représentation au niveau fédéral ». C’est ainsi que le professeur Shahid Mobeen, enseignant d’islamologie à l’Université pontificale du Latran, et ami du ministre assassiné, décrit la situation actuelle des minorités religieuses.
Shahbaz Bhatti a été le premier et l’unique ministre fédéral pour les minorités religieuses. Après sa mort, survenue le 2 mars 2011, par le fait de fondamentalistes, le ministère a été réduit à un simple département du Ministère pour les affaires religieuses. « De cette façon, ni les chrétiens, ni les autres non musulmans, n’ont plus aucune représentation politique. L’unique ministère fédéral chrétien est celui de la Navigation, qui n’a donc pas de possibilité d’intervenir sur la conditions des minorités religieuses ».
Shahbaz Bhatti avait dédié toute sa vie à la défense des droits des non musulmans. C’est pour cela qu’il avait accepté la charge de ministre fédéral en 2008. « Il a consenti [à assumer cette charge] uniquement parce qu’il désirait que les minorités puissent contribuer à la croissance du pays, se rappelle Shahid Mobeen. Malheureusement, au Pakistan, l’exercice de la citoyenneté des non musulmans est interdit jusqu’au niveau législatif. Et Shahbaz, qui aimait profondément sa terre, a lutté afin qu’ils puissent eux aussi participer au développement de la société ».
La principale bataille du ministre catholique s’est portée contre l’abus de la loi soi-disant anti blasphème, norme correspondant à certains articles du code pénal pakistanais qui punissent par la prison à vie toute profanation du Coran et par la peine de mort toute insulte contre le prophète Mahomet. « Quand l’affaire d’Asia Bibi, pour la libération de laquelle Shahbaz s’est beaucoup engagé, fut relayée au niveau international, le président Zardari le nomma président de la commission pour la révision de la loi. Il aurait dû mettre au point des amendements pour limiter l’usage impropre de la norme. Mais, ses assassins – probablement des talibans – ne l’ont malheureusement pas laissé faire ». Il reste le courage d’un homme qui a réussi à attirer l’attention du monde sur la condition des minorités religieuses au Pakistan.
Quelques mois avant d’être tué, en novembre 2010, il avait rencontré le Pape Benoît XVI. « Le soir d’avant, il était très ému et pendant la rencontre il a été très touché en écoutant le Pape émérite exprimer sa grande préoccupation pour les chrétiens pakistanais ». Aujourd’hui, cinq ans après sa mort, les chrétiens et l’Église du Pakistan demandent que soit introduite la cause de sa canonisation. Une demande signée à l’unanimité de la Conférence épiscopale pakistanaise et envoyée à Rome juste après l’assassinat. « Le Saint Siège a autorisé l’ouverture d’une enquête qui doit être conduite par l’évêque du diocèse où le martyre a eu lieu, celui d’Islamabad-Rawalpindi. Le siège épiscopal est cependant vacant depuis plus de deux ans ». Le dernier évêque, Monseigneur Rufin Anthony est parti en retraite en 2013. Du début d’enquête cependant est ressorti un document signé par le père spirituel de Shahbaz Bhatti, monseigneur Anthony Lobo, évêque émérite d’Islamabad-Rawalpindi. « L’intéressé m’a donné personnellement une lettre dans laquelle il affirme que deux ans avant sa mort, Shahbaz était devenu laïc consacré ». Une nouvelle à propos de laquelle le ministre avait gardé le secret, tout comme le choix de renoncer à avoir une famille pour pouvoir se dédier totalement à sa cause. « Une décision qu’il avait prise parce qu’il était conscient qu’il pouvait être tué. C’était cependant aussi une personne extrêmement solaire et positive. Il était seulement attristé par les persécutions et les discriminations contre les minorités religieuses. Mais, même dans ces moments là, il ne perdait jamais la lucidité et cherchait une façon d’affronter les injustices ».
(Trad. VB)