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Aynur Doğan : “Mes émotions parlent kurde”

Aynur Doğan née le 1er mars 1975 dans une petite ville de montagne dans la province de Dersim en Turquie, est musicienne et chanteuse kurde contemporaine. Fuyant les conflits politiques en 1992, elle se réfugie avec sa famille à İstanbul où elle étudie la musique et le chant à l’école de musique ASM et sort son premier album en 2002. Elle a travaillé également avec certains musiciens iraniens comme kayhan kalhor et Abdollah Alijani Ardeshir.

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« Mes émotions parlent Kurde ! » avec ces paroles, Aynur Doğan révèle la source première de ses chansons : la musique traditionnelle kurde. Avec sa voix luxuriante et son regard lumineux sur scène, elle chante sa propre identité, ce qui l’habite profondément, ce qu’elle est, ainsi que le destin de son peuple kurde : sa souffrance et sa beauté.

Au fil des années, Aynur est devenue comme ambassadrice de son peuple kurde et de sa musique traditionnelle dans le monde entier. Ce peuple kurde qui porte une histoire remontant à plus de 2 000 ans, qui est l’un des plus grands groupes ethniques du monde, sans qu’il n’y ait pour autant un pays qui lui soit propre. Ce peuple non-arabe, en grande partie islamique ( bien qu’il y ait aussi des Kurdes juifs et chrétiens ) qui a été perdant lorsque les frontières du Moyen-Orient ont été fixées au début du XXe siècle. Parmi les kurdes, les plus persécutés, ce sont les alévites ( qui sont des anciens chrétiens ayant pris une forme ultra « laïque » de l’islam ), mais il y a aussi des zoroastriens et des yézidis, auxquels la religion musulmane leur a été imposée ; beaucoup de kurdes défendent leur minorité religieuse et c’est une des raisons qui fait qu’ils n’ont aucun soutien. Ce peuple qui, tout en perdant sa terre, a gardé précieusement sa culture et sa musique traditionnelle, à travers la voix d’Aynur. Elle donne des concerts en France, Suisse, Autriche, Etats-Unis, Allemagne, Canada … portant la culture kurde dans le monde entier…

Habitée par cette force intérieure, celle d’appartenir profondément à ses racines kurdes, à la beauté de sa culture et la conscience de la mission qu’elle porte de la transmettre à travers son art, Aynur a défié la Turquie en affirmant sa condition de femme dans un pays marqué par un Islam particulièrement violent. En 2004, elle sort l’album Keçe Kurdan, mais il a été interdit par la cour de la province de Diyarbakır en février 2005 au motif que les paroles contenaient de la propagande en faveur d’une organisation illégale. Le tribunal avait déclaré que l’album « incite les femmes à prendre le maquis et promeut la division ». L’interdiction a été levée plus tard en 2005.

 

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La musique d’Aynur est basée sur des chansons folkloriques traditionnelles kurdes, et ses paroles expriment la vie et les souffrances du peuple kurde et en particulier des femmes kurdes. Musicalement, elle essaie de mélanger le kurde avec la musique occidentale, en créant son propre style et en interprétant son répertoire traditionnel d’une manière moderne et fraîche : « Mon inspiration vient de ma propre tradition, mais en même temps, je suis ouverte à de nombreux types de musique. Je fonde ma composition sur des œuvres traditionnelles, que j’interprète de façon moderne, pour la faire connaître à un public plus large et contemporain. Je mélange les éléments traditionnels avec mes propres éléments, mes propres mélodies. »

Le 16 mars 2017, Aynur était la première femme à recevoir le Prix de l’Institut Méditerranéen de Musique. Elle le dédia aux femmes courageuses de son pays d’origine : « C’est un grand honneur pour moi. J’ai grandi avec les voix des femmes qui se lamentaient à cause de la guerre et des enfants qu’elles ne pouvaient pas élever… Je dédie ce prix à nos femmes qui, malgré la violence et l’oppression, ne baissent pas la tête ».

Sur son Blog, nous pouvons lire ces deux témoignages :
Le premier, celui du célèbre violoncelliste Yo-Yo Ma : « Entendre la voix d’Aynur, c’est entendre la transformation de toutes les profondeurs de la joie et de la souffrance humaines en un seul son. Elle pénètre si profondément dans notre âme, elle pleure dans nos cœurs, et puis nous sommes unis pour un instant, unis comme un seul et même être. C’est inoubliable ! »
Et le deuxième, celui de Javier Limón, directeur artistique de MMI : « Chaque fois qu’Aynur prend une mélodie, elle la fait sienne, la transforme en quelque chose de beau, et chaque note, chaque microtone, chaque mot atteint une profondeur et une beauté inégalées. Elle est une raison pour aimer la musique »

Lors d’une interview [1]https://www.profession-spectacle.com/aynur-dogan-la-grande-artiste-kurde-qui-defie-la-turquie-en-concert-a-paris// avant son dernier concert à Paris, un journaliste lui pose cette question : « Vous allez chanter à l’Institut du monde arabe à Paris, mais vous n’êtes pas arabe vous-même. Comment vivez-vous le fait d’être Kurde dans le monde arabe et de parler un langage proche de l’iranien en Turquie ? »  Et à elle de répondre : «  Je pense que la musique est l’un des plus anciens langages, qui fait que nous nous sentons tous pareils. Quand vous écoutez de la musique dans une autre langue, que vous ne connaissez pas, vous ressentez la même chose mais vous y mettez votre signification propre, en fonction de votre histoire et des expériences vécues. La langue est seulement une voie pour exprimer les sentiments. La musique ou les arts ont le pouvoir incroyable de raccourcir les distances entre les sociétés, de favoriser la solidarité, de devenir plus proche des autres et d’apporter une paix intérieure. Je pense que ce devrait être notre perspective dès lors qu’il s’agit de musique. »

Elle rappelle ainsi que l’art est bien plus qu’un simple langage dont il suffirait de l’apprendre de l’extérieur comme si on apprenait l’anglais, l’arabe ou l’espagnol. Mais s’il jaillit de l’intérieur il est alors authentique et rejoint le cœur de l’Homme bien au-delà de la langue qu’il parle ou de la culture dans laquelle il vit. La vraie Beauté rejoint les cœurs, les saisit et les ramène vers la communion.

Vidéo interprétant sa chanson  « Nomade ». Cette musique et sa voix révélant tantôt la douce nostalgie de son peuple et tantôt le drame et la souffrance de ses femmes. Voici un extrait des paroles de cette chanson : « Nomade. La nuit est sombre, la nuit est sombre eman eman eman. Ça m’a rendu folle, Eman Eman Eman. Je ne suis nulle part. Je suis une acanthe que le vent emporte… »

 

Keçe Kurdan, les “Filles kurdes » video Enregistrée en direct à l’Elbphilharmonie 2017 Great Hall HAMBURG

 

Qumrîkê , « Erreur »

 

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