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Michael Triegel – Portrait d’un portraitiste du Pape

Il est assez courant que chacun des papes se fasse peindre un portrait. Et pas un, mais plusieurs. Vous êtes-vous déjà demandé qui fait ces tableaux ? A quels artistes le Vatican demande-t-il de faire un portrait de la tête de l’Eglise elle-même ? Le nom de Michael Triegel vous dit-il quelque chose ? Cela vaut la peine de connaître l’histoire et l’œuvre du portraitiste Benoît XVI.

 

Michael Triegel. Photo : Source

 

Erfurt, 1968. – Michael Triegel vient au monde, au cœur même de l’ère communiste Allemande. Elevé dans une famille athée, il est forcé de devenir violoniste. Cependant, il trouve une autre passion – la peinture. Il fait partie du groupe d’artistes New Leipzig School. Bien qu’ils n’aient pas développé un style de peinture très uniforme, leurs œuvres témoignent dans la forme, de l’atelier artistique et le choix des thèmes, du souci d’aborder les problèmes économiques et sociaux du bloc de l’Est.

« Ce qui est beau, c’est ce qui résulte d’une nécessité intérieure, spirituelle ». Cette maxime de Wassily Kandinsky témoigne bien de l’état d’esprit de Triegel. Comme toute sa famille et la grande majorité de la société de la RDA, il était fasciné par l’art sacré. C’est cet art qui lui a donné un sens de la transcendance et lui a offert un moyen de sortir du monde des objets vers quelque chose de plus grand. Comme il le souligne lui-même, l’idée du salut chrétien était pour lui une contre-proposition à l’époque et dans ces circonstances, quelque chose qui l’attirait et que la société communiste allemande de l’époque ne lui offrait pas du tout.

Mais pendant longtemps, malgré une certaine fascination pour la religion, il est resté athée. Il commença pourtant à recevoir des commandes pour faire des vitraux, des peintures ou des autels dans des églises (catholiques et évangéliques). Puis il attendit « son Damas » espérant se convertir comme saint Paul.

Déterminante fut la proposition de peindre un portrait du Pape Benoît XVI et de le rencontrer personnellement. Puis au cours d’une retraite ignatienne, il décida de demander le baptême. « J’ai senti ma foi couler de ma tête vers mon cœur » . Il fut baptisé à Pâques 2014. Quand on lui demanda pourquoi il avait choisi la foi catholique, il répondit : « Je cherche un mystère, une vérité qui va au-delà de ce que nous sommes capables d’exprimer en paroles. De plus, la sensualité et l’image jouent un rôle important dans le catholicisme. Je suis tout de même peintre. »

Triegel attache une grande importance à la beauté et à la vérité dans ses tableaux. Il se demandait pourquoi c’était à lui – alors athée – que les autorités ecclésiastiques proposaient de peindre. Il lui a été répondu : « Tout simplement parce que vous peignez vos doutes et vos désirs, parce que vous le regardez de l’extérieur et ne reproduisez pas immédiatement ce en quoi nous croyons, c’est pourquoi nous vous voulons. Parce que vous posez des questions sur quelque chose que nous n’avons peut-être même pas vu. »

 

Michael Triegel, Deus absconditus, 2013. Photo: Source

 

Cependant, ses œuvres ne sont pas partout encensées d’éloges. Son art est souvent accusé de kitsch et de duplication de vieux clichés. Triegel utilise en effet des techniques et des images tirées de peintures de maîtres de la Renaissance, combinant souvent cela avec un regard un peu moderniste. Grâce à cette combinaison, ses œuvres commencent à intriguer. Il dit vouloir exprimer la beauté qui est devenue un sujet tabou dans l’art contemporain. Son art, cependant, est loin d’être « magnifiquement peint ». Les personnages qu’il montre ne sont ni parfaits ni exagérés. Il ne choisit pas des gens qui sont exceptionnellement beaux pour leurs modèles, mais des gens ordinaires qui vivent près de lui. Parfois ses propres enfants posent pour lui, parfois un coiffeur. C’est un art qui n’est pas censé confirmer quoi que ce soit, mais provoquer la réflexion et susciter des émotions. En regardant ses peintures, nous constaterons que c’est ce regard très objectif de l’artiste qui nous fait nous arrêter sur ses œuvres. Triegel n’est pas une copie contemporaine du Caravage, mais un artiste avec sa propre vision de la réalité. Mais son travail n’est pas seulement une beauté pour la beauté – « si je disais : oh, tout est si beau – alors je n’aurais plus besoin de peindre ».

Michael Triegel est une exception à l’époque de l’épanouissement et de la domination absolue de l’art abstrait et conceptuel. Non seulement il s’oriente vers les modèles classiques mais il s’attache aussi à un usage sérieux du symbolisme chrétien. Cela ne change rien au fait qu’il est aujourd’hui l’un des peintres contemporains allemands les plus célèbres. L’historien de l’art allemand Richard Hüttel a dit de lui : « Il y a ceux qui, voyant ses œuvres, frappent sur leur front et disent : c’est si vieux jeu. Mais je pense que c’est lui qui est à l’avant-garde« .

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