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Irmã Dulce, le bon ange de Bahia, canonisée

Ce dimanche 13 octobre, suite à la reconnaissance du miracle dont fut le bénéficiaire José Mauricio Moreira, le pape François canonisera la Soeur Dulce dos pobres [1]De son vrai nom Maria Rita de Sousa Brito Lopes Pontes, Dulce fut son nom de religion, et « dos pobres », des pauvres, son qualificatif populaire , pieusement appelée « le bon ange de Bahia » par les habitants de Salvador.

 

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« Nega, você é muito linda » [2]Ma chérie, tu es si belle ! Cela faisait déjà trois ans qu’ils étaient mariés, et pourtant, ce matin de décembre 2014, Mauricio voyant son épouse pour la première fois, s’émerveillait de sa beauté. Le glaucome qui avait détruit son nerf optique était bien toujours là, mais de façon scientifiquement inexplicable, après 14 ans de cécité, Mauricio venait de retrouver la vue, après avoir supplié la bienheureuse Soeur Dulce de calmer ses douleurs et de lui permettre de dormir un peu.

75 ans auparavant, ce petit bout de femme qui mettait à dure épreuve son habit religieux sur les pontons branlants des pilotis de la ville basse alpaguait un jeune homme qui rentrait de la plage : « jeune homme, s’il vous plait ! Enfoncez cette porte pour moi ! » D’abord hésitant, puis convaincu par l’argumentation de cette jeune Soeur, l’inconnu s’exécuta, libérant ainsi le passage au premier squat de la charité : Soeur Dulce y installa un adolescent de la rue brûlant de fièvre, rejoint rapidement par d’autres mendiants en piteux état, qui occupèrent aussi les autres maisons voisines, vides.

La Mère supérieure, un peu bousculée par cette nonne peu préoccupée des bonnes façons religieuses, lui laissait cependant une certaine latitude ; mais le propriétaire des maisons ne l’entendit pas ainsi, et la fit expulser. Ni une, ni deux : la Soeur transféra son petit monde dans un marché abandonné. Le maire de Salvador la fit appeler, et lui demanda de partir : elle s’installa sous les arcades de la Basilique de Bonfim, lieu emblématique de la ville. Cela n’était pas propre à montrer aux touristes : le maire la pria de se trouver un nouvel endroit… Ne sachant plus trop où aller, et se refusant à abandonner ces miséreux à leur sort, la religieuse les installa dans le poulailler du couvent ! Et comment obéir de meilleure façon à la Mère supérieure lui ordonnant de s’occuper de la demeure des gallinacées, qu’en offrant à ces dernières, comme refuge, l’estomac de ses protégés? Ainsi naquit le refuge Saint Antoine, aujourd’hui le plus grand hôpital gratuit du Brésil, offrant trois millions et demi d’actes médicaux par an….

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Soeur Dulce dos pobres, »le bon ange de Bahia » . Son qualificatif, son nom, son apparence : tout laisse paraître un parfum de douceur… Et pourtant, quelle énergie fabuleuse habita ce petit corps d’1m47 constamment diminué par un emphysème pulmonaire ! De sa propre santé, Dulce dos pobres n’avait cure. Ne dormit-elle pas trente ans durant assise sur une chaise en bois ? Elle avait promis à Dieu cette pénitence, s’Il lui faisait la grâce de guérir sa sœur ainée, menacée par l’hémorragie qui ne s’arrêtait pas suite à une fausse couche… Mais, outre le devoir sacré d’obéissance à sa promesse, Dulce découvrit un autre bienfait à sa pénitence : les gens qui la visitaient, ignorant cette promesse, lui offraient des lits, qui servaient aussitôt à son refuge… Elle ne retrouva un vrai lit qu’après que son médecin lui eut expliqué qu’elle risquait de mourir et d’abandonner ses pauvres. C’était le seul moyen de pression efficace pour obtenir d’elle un peu de ménagement pour sa santé [3]Ni même le pape Jean Paul II y était parvenu, quand en 1980, en visite à Salvador, il lui avait glissé « continuez, sœur Dulce ! mais prenez soin de votre santé. Il vous faut faire un peu … Continue reading

A la fin de sa vie, chaque nuit était une lutte. Des volontaires se relayaient pour tenir sur son visage un masque à oxygène, elle haletait, râlait, mais bientôt se levait et aussitôt reprenait son interminable pèlerinage entre les lits de son hôpital…

C’est que la Soeur Dulce avait découvert la source d’une brûlante charité, et cette source ne s’arrêtait jamais, cette charité ne lui laissait aucun répit. Le pauvre, c’est le Christ… Quatre heures : c’était là tout le repos qu’elle accordait à son corps, sommé de s’agiter, par monts et par vaux, pour trouver la nourriture et l’argent nécessaires à la subsistance de « ses » pauvres. Elle ne connaissait plus alors la timidité, ni le respect humain, ni la prudence politique. Elle se laissa approcher par des hommes politiques de tous bords, dont certains nourrirent à son égard une véritable vénération, comme le président José Sarney, qui, avec l’appui de la reine Silvia de Suède, la présenta pour l’obtention du prix Nobel de la paix en 1988. « Mon parti, c’est les pauvres », répondait-elle à ceux qui s’étonnaient… Si elle ne parlait jamais d’elle, ni ne répondait aux questions sur sa vie privée, elle savait pourtant tourner à l’avantage de son refuge son image médiatique, comme lorsqu’elle se fit « mannequin » pour une campagne de la compagnie de téléphone bahianaise.

Tous les jours, elle faisait sa tournée de mendiante : elle passait à l´école chercher quelques enfants (selon ses critères : ils devaient être bien peignés et avoir l’uniforme impeccable) qu’elle logeait dans sa kombi blanche, puis elle choisissait un quartier commercial, et avançait méthodiquement de boutique en boutique : « qu’allez vous me donner pour mes pauvres ? ». Dona Conceição, l’une de mes paroissiennes, me racontait hier que sa tante, ayant un commerce au quartier de Saldanha, l’a bien connue, et lui donnait toujours l’aumône. Mais quand la petite Soeur apparaissait au début de la rue avec sa troupe d’enfants, alors les commerçants se passaient le mot : « la voilà ! », et certains s’empressaient de fermer boutique…

C’est que la Soeur Dulce était devenue une autorité morale à Salvador, qu’on ne pouvait éluder. Paulo Coelho, écrivain bien connu, racontait ces jours-ci un souvenir d’adolescence. En fugue avec un ami, ils s’étaient retrouvés sans le sou à Salvador ; n’en pouvant plus, il voulait retrouver sa famille à Rio de Janeiro. Ayant entendu parler du « bon ange », il la chercha pour lui demander de l’argent. « De l’argent, je n’en ai pas, mais va à la gare routière avec ceci », et elle griffonna quelques mots sur une page de son carnet : « ces deux jeunes gens demandent un voyage gratuit jusqu’à Rio ». Un peu dubitatif, les garçons obéirent pourtant, et à leur grande surprise, le premier chauffeur de bus à qui ils montrèrent le papier les fit monter dans son car !

Dona Antonieta, une amie visiteuse de prison, me racontait que lorsqu’elle était jeune, elle fut un temps secrétaire du « ministre » de la santé de l’Etat de Bahia. Un jour la Soeur Dulce passa devant elle avec son sourire et s’engouffra dans le cabinet du ministre, sans répondre à ses explications sur la nécessité de prendre rendez-vous… La jeune femme se rua derrière elle, paniquée, mais son patron la rassura : « ne vous en faites pas, c’est la Soeur Dulce, elle est comme ça… »

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C’est constamment que l’on écoute ce genre de souvenirs, ici à Salvador. Très nombreux sont ceux qui l’ont connue, croisée, et qui sont restés marqués quelquefois par un simple geste ou regard… Sa canonisation, dimanche, est un véritable évènement, non seulement local, mais national. Ce sera la première sainte née sur le sol brésilien ! Troisième canonisation la plus rapide de l’histoire, après Jean Paul II et mère Thérésa, à qui Soeur Dulce avait vainement tenté de confier la gestion de ses œuvres sociales.

Sainte Dulce des pauvres, priez pour nous, pour que nous soyons trouvés dignes des promesses du Christ!

References

References
1 De son vrai nom Maria Rita de Sousa Brito Lopes Pontes, Dulce fut son nom de religion, et « dos pobres », des pauvres, son qualificatif populaire
2 Ma chérie, tu es si belle
3 Ni même le pape Jean Paul II y était parvenu, quand en 1980, en visite à Salvador, il lui avait glissé « continuez, sœur Dulce ! mais prenez soin de votre santé. Il vous faut faire un peu plus attention à vous… » La sœur avait affronté la pluie pour voir le pape qu’elle vénérait, contractant une pneumonie, et s’était retrouvée toute timide, quand, montée sur l’estrade ou sa sainteté célébrait la messe, la foule entière s’était mise à scander son nom : « irmã Dulce est notre mère »…
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