Home > Centenaire de la canonisation de Jeanne d'Arc > Jeanne d’Arc, seule, pour tous et contre tous

« De même que Jésus, selon Pascal, est en agonie jusqu’à la fin du monde, de même Jeanne sera en procès jusqu’à la fin de la France » affirmait l’Académicien français, Jean Guitton. [1]Citation du paragraphe tirée du livre Problème et mystère de Jeanne d’Arc, Jean Guitton, Editions Fayard. p.9 Le 16 mai 1920 Jeanne d’Arc fut canonisée. Alors qu’elle fut réhabilitée vingt-cinq ans après sa mort, en 1456, pourquoi aurait-il fallu attendre si longtemps pour canoniser celle qui, en dix-neuf ans d’existence, recueillit un nombre si éloquent de documents, témoignages, faits de guerre et miracles ? Les historiens se divisent. Les théologiens s’y intéressent à peine. Jeanne fut le fer de lance des socialistes puis de la droite. Peintres et sculpteurs, dramaturges et cinéastes, mystiques et philosophes, poètes et politiciens, musiciens et chorégraphes, Jeanne d’arc continue d’inspirer les générations qui passent, mystère inépuisable pour qui s’en approche. Qui est-elle vraiment ? Voici la question donnant lieu à une belle épopée contemplative que nous vous proposons dans un contexte historique, métaphysique et politique confus et qui pourrait bien redonner un peu de goût du Ciel et de la France dans une vallée de larmes. 

 

Photo : Source

 

« La première fois, j’eu grand peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… après l’avoir entendue trois fois, je compris que c’était la voix d’un ange… Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : ‘Va, fille de Dieu’ » [2]Minutes du Procès de Jeanne d’Arc

« Va fille de Dieu », tel est l’appel lancé à Domrémy à une jeune fille de 16 ans par Sainte Catherine et Sainte Marguerite … Vaucouleurs, Chinon, Orléans, Reims, Compiègne et finalement Rouen où, après un procès de quelques semaines qui la condamne pour hérésie, Jeanne meurt brûlée vive sur le bûcher élevé pour elle place du vieux-marché. Il faudra quelques années pour que s’ouvre un procès de réhabilitation et quelques longs siècles pour que Jeanne soit élevée à l’honneur des autels. Nous fêtons aujourd’hui le centenaire de cette canonisation, le 16 mai 1920 par Benoit XV, qui, après plus de cinq siècles répondait enfin à Jeanne d’Arc qui par trois fois au cours de son procès inique s’était écriée : « j’en appelle au Pape ». Celui-ci s’adresse à la foule venue nombreuse : « Oh ! combien de fois, nos chers fils, vous avez entendu dire que le chrétien doit suivre la voix de Dieu !… Or, parmi ces âmes, apparaît radieuse la figure de Jeanne d’Arc qui, en toute chose et partout, s’est laissée conduire par la voix de Dieu ». En 1922, Jeanne d’Arc est proclamée patronne secondaire de la France ; elle sera rejointe dans cette mission en 1944 par une autre figure radieuse, qui lui vouait une dévotion toute particulière, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

Benoit XVI rendra hommage à la Pucelle d’Orléans, jeune fille au cœur simple et l’âme pure, à qui furent révélés les mystères de Dieu et son projet pour la France : « Les paroles de Jésus viennent à l’esprit, selon lesquelles les mystères de Dieu sont révélés à qui possède le cœur des tout-petits, alors qu’ils restent cachés aux sages et aux savants qui n’ont pas d’humilité [3]cf. Lc 10, 21 . Ainsi, les juges de Jeanne sont radicalement incapables de la comprendre, de voir la beauté de son âme : ils ne savaient pas qu’ils condamnaient une sainte ». Il continue, nous livrant le secret de son destin unique : « le Nom de Jésus, invoqué par notre sainte jusqu’aux derniers instants de sa vie terrestre, était comme le souffle incessant de son âme, comme le battement de son cœur, le centre de toute sa vie ». Le « Mystère de la charité de Jeanne d’Arc », qui avait tant fasciné le poète Charles Péguy, est cet amour total pour Jésus, et pour son prochain en Jésus. Cette sainte avait compris que l’Amour embrasse toute la réalité de Dieu et de l’homme, du ciel et de la terre, de l’Eglise et du monde. Jésus est toujours à la première place dans sa vie, selon sa belle expression: « Notre Seigneur premier servi ». L’aimer signifie toujours obéir à sa volonté. Elle affirme avec une totale confiance et abandon: « Je m’en remets à Dieu mon créateur, je l’aime de tout mon cœur »

Chez Jeanne tout nous semble unifié dans un cœur simple et sans partage, dans sa confiance absolue en Dieu. Elle semble voler au-delà des distinctions classiques. Impossible pour elle de séparer mystique et politique, Le Christ et son Eglise (« c’est tout un de Notre Seigneur et de l’Eglise »), le Ciel et la terre (Dieu, « Roi du ciel et de la terre » avait elle fait coudre sur son étendard), sa volonté et celle de Dieu (« Messire Dieu premier servi »), la nature et la grâce (« Les hommes d’armes batailleront, et Dieu donnera la victoire »). Même l’habituelle séparation des états de vie semble se briser sur Jeanne : elle vit à la fois l’état religieux dans la chasteté, la pauvreté, l’obéissance et la vie laïque dans une mission politique.

Jeanne, figure lumineuse de sainteté, fascine depuis toujours car en elle resplendit l’unité, la simplicité de Dieu, la simplicité de l’Amour « qui embrasse toute la réalité ». Hors du temps, au-delà des clivages, Malraux l’invoque le 8 mai 1961 : « Ô Jeanne sans sépulcre, toi qui savais que le tombeau des héros est le cœur des vivants, regarde cette vile fidèle ! Jeanne sans portrait, peu importent tes vingt mille statues, sans compter celles des églises : à tout ce pour quoi la France fut aimée, tu as donné ton visage inconnu ». Unité et universalité de Jeanne, en témoignent les innombrables films, livres, spectacles et fêtes johanniques, chansons, jusqu’à celle de Léonard Cohen qui voit une gloire discrète dans les yeux de Jeanne en imaginant le dialogue entre la pucelle en robe de mariée, celle du martyr, et le feu qui s’apprête à la consumer : « Et puis elle a clairement compris / que s’il était le feu, oh alors elle devait être le bois / Je l’ai vue grimacer, je l’ai vue pleurer / J’ai vu la gloire dans ses yeux / Moi, je désire l’amour et la lumière / Mais cela doit-il être si cruel et oh si brillant? »

 

 

En cette période où nos déplacements sont limités, Terre de Compassion vous propose d’être le bâton qui vous fera pèlerin pour un voyage entre aujourd’hui, centenaire de la canonisation de la Pucelle d’Orléans et le 30 mai, jour de sa fête liturgique et de sa naissance au ciel. Ce pèlerinage intérieur prendra la forme d’une série d’articles pour offrir quelques points de vue depuis les cimes sur « la radieuse figure de Jeanne d’Arc » [4]Benoit XVI.

La première étape nous emmènera, au détour d’un lac de montagne ou d’une rivière sauvage, à contempler un reflet de Jeanne à travers les yeux de deux artistes, dans un diptyque unissant Jean Anouilh et Péguy. Jean Anouilh nous offre dans l’Alouette, un portrait plein de finesse, de réalisme et d’humour de Jeanne d’Arc. Si le titre peut surprendre, ce nom d’alouette va si bien à notre amie : « Pourtant léger et de taille modeste l’oiseau ne fréquente que les extrêmes. Il s’élève très rapidement et se laisse tomber avec une brusquerie inversement proportionnelle à la rapidité de son élévation. Discrète et sans prétention, l’alouette au plumage mordoré n’en est pas moins pourvue d’une force symbolique puissante. Ses élans successifs de la terre au ciel et du ciel à la terre font d’elle une médiatrice. Elle représente l’heureuse harmonie du terrestre et du céleste. L’alouette vole dans les hauteurs, mais c’est à terre qu’elle se bâtit un nid d’herbe sèche. Son envol évoque la force de l’élan juvénile et son grisolle est un chant d’allégresse. C’est un peu de cette façon que l’on perçoit votre Jeanne, cher Monsieur Anouilh ». Impossible, depuis plus d’un siècle, de parler de Jeanne sans faire appel à celui qui en a dressé un portrait intérieur d’une merveilleuse justesse ; Péguy ira jusqu’à écrire : « Jeanne d’Arc est mon modèle, puisque j’ai entrepris de consacrer tout ce que j’ai à la représentation de cette grande sainte ». Il est fasciné par l’unité presque transcendantale de la Pucelle d’Orléans : « Pour Péguy la figure qui est au centre de tout est Jeanne d’Arc, ce croisement unique de l’Eglise et du monde, d’action religieuse et d’action profane, et cela justement parce qu’elle est « peuple » et – comme Péguy le lui attribue dès le début – parce qu’elle agit en vertu d’une solidarité totale ».

La deuxième étape nous amènera entre monts et vallées pour contempler cette réalité paradoxale de l’obéissance et de l’autorité de Jeanne d’Arc, deux revers d’une même médaille, du même étendard sur lequel elle avait fait coudre Jhesus – Maria. L’obéissance radicale, exceptionnelle, de Jeanne à ses voix et à la volonté de Dieu, la conduit à l’accomplissement de sa mission. Comme Celui vers qui elle crie depuis son bûcher, elle n’a pas d’endroit où reposer sa tête, elle obéit sans détour, sans savoir où cette obéissance l’entraînera, si ce n’est peut-être vers le don de sa vie. De son obéissance totale naît une autorité unique, mystérieuse, à la fois naturelle et surnaturelle, qui lui permettra de convaincre, le Dauphin, de grands seigneurs, ses hommes, jusqu’aux Anglais à qui elle s’adresse sans aucune hésitation : « Et croyez fermement que le Roi du ciel enverra plus de forces à la Pucelle que vous ne lui sauriez mener avec tous vos assauts, à elle et à ses bonnes gens d’armes; et aux horions, on verra qui a le meilleur droit de Dieu du ciel ».

Le terme de notre pèlerinage sur les traces de la Pucelle d’Orléans nous offrira au détour de la dernière courbe de sentier, un point de vue sur cette unité chez Jeanne entre mystique et politique. Nous contemplerons avec Péguy cette unité, car « Ce que nous voulons savoir c’est ce qu’il y avait derrière, ce qu’il y avait dessous ». Fait étonnant, plus nous suivons le poète d’Orléans et moins nous apparaît une liste exhaustive de critères ou vertus du politique flanqué de mystique, sinon l’être d’une jeune fille dont la vie fut un coup d’épée dans le flanc du vieux monde flétri, comme une saignée pour soigner un corps malade.

 

Pour ceux qui souhaiteraient un petit rappel historique avant de débuter la marche, cette courte vidéo sera une bonne base de départ :

 

References

References
1 Citation du paragraphe tirée du livre Problème et mystère de Jeanne d’Arc, Jean Guitton, Editions Fayard. p.9
2 Minutes du Procès de Jeanne d’Arc
3 cf. Lc 10, 21
4 Benoit XVI
Vous aimerez aussi
Notre-Dame de Paris: le Chantier du Siècle
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle »
Les premiers martyrs du Japon
Diego Valencia, le sacristain mort pour sa foi à Algeciras

1 Commentaire

  1. Tom

    Jeanne, obtenez nous de Dieu un saint ou une sainte de votre lignée pour sauver la France.
    Nous comptons sur vous. La France se meurt tel un vieux chêne dont les racines et la terre ne veulent plus avoir de contact, Contact pourtant essentiel pour la survie. Nous nous mourrons Jeanne. .Nous nous desséchons sur place.. Hommes et femmes ont fermé leurs carreaux pour ne plus regarder la vie, le mouvement et l’être, ce don de Dieu par excellence mais aussi fragile qu’un brin.d’herbe mû par la brise du soir., Jeanne vous avez ainé Dieu et la France, donnez nous ce même amour, si juste, si beau, si vrai !

Répondre