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Merah, la violence comme exutoire de la haine de soi et des autres ?

de Bruno Anel       6 avril 2012

Un jeune français d’origine algérienne, Mohamed Merah, a assassiné sept personnes, dont trois enfants juifs, avant d’être lui-même abattu par la police. Si ses motivations ne sont pas encore élucidées, ce drame ramène au premier plan de la campagne électorale le problème des banlieues.

Rappelons les faits : le 11 mars dernier, un militaire parachutiste est abattu à Toulouse par un homme casqué qui s’enfuit sur un scooter. Le 16 mars, deux autres soldats sont tués dans les mêmes conditions à Montauban, à une cinquantaine de kilomètres, et un troisième est grièvement blessé. Enfin, le 19, un adulte et trois enfants sont tués dans la cour du lycée juif Ozar-Hatorah de Toulouse, toujours par l’homme au scooter. Toulouse a peur, la presse internationale s’empare de l’affaire, la communauté israélite s’émeut, les candidats à l’élection présidentielle interrompent la campagne et la France se recueille. Malgré les précautions prises, l’homme au scooter a laissé trop d’indices derrière lui et il est rapidement identifié : il s’agit de Mohammed Merah, un jeune toulousain né en France dans une famille d’origine algérienne. Après un siège de trente heures, il est abattu par les policiers d’élite du RAID.

Les motivations du jeune homme sont loin d’être élucidées. S’agit-il d’actes de terrorisme ? Certains indices le laissent penser : Merah s’est réclamé d’Al Quaïda, il a fait de brefs séjours en Afghanistan et au Pakistan, il était  surveillé par les services de sécurité. Son frère Abdelkader qui a été arrêté, semble avoir été en lien avec des milieux djihadistes. Mais les spécialistes restent sceptiques : Merah n’était pas un musulman pratiquant;  il n’est pas très difficile d’aller se faire initier au maniement des armes en quelques jours au Pakistan et n’importe qui peut se réclamer d’Al Quaïda. En revanche, Mohammed Merah présentait toutes les caractéristiques du délinquant de banlieue : né dans le quartier du Mirail à Toulouse, il grandit dans une autre cité difficile de l’agglomération. Il est le cinquième enfant d’une famille abandonnée par le père. Il a vite délaissé sa formation de carrossier pour vivre de vols et de trafics et il a déjà eu affaire avec la justice.  Sa mère dit ne plus avoir aucune influence sur lui depuis longtemps.

L’avenir dira peut-être si Mohammed Merah a pu être le bras armé d’une organisation terroriste, s’il a pu être une proie facilement manipulable, ou si son désir de djihad n’était que l’habillage ultime d’une révolte intérieure . Quoiqu’il en soit, le drame de Toulouse ramène le problème des banlieues sur le devant de la scène, à un moment où elles étaient plutôt absentes de la campagne électorale.  Les candidats savent en effet que toute évocation du sujet peut avoir un effet boomerang, à commencer par le président sortant qui était déjà en charge de la sécurité il y a dix ans. On préférait dénoncer en termes généraux l’immigration comme facteur d’insécurité mais aussi de menace pour l’emploi. Voire, comme l’a fait le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, lancer un débat ravageur sur l’inégalité supposée des civilisations, sans viser personne bien sûr. L’épisode dramatique de Toulouse est venu rappeler brutalement que les « cités » sont toujours là, avec leur cocktail  susceptible de dégénérer en violence à tout moment : ghettos, échec scolaire, chômage, bandes, drogue, trafics… Mohammed Merah n’était pas un immigré : il était né en France, il était Toulousain, il était Français, par sa nationalité sinon par sa culture. Il présentait en effet d’autres symptômes d’un mal social qui n’atteint pas que les jeunes des banlieues : famille décomposée, absence de référence à l’ autorité, rupture de transmission morale, culturelle et religieuse. Les observateurs n’ont pas manqué d’établir un parallèle avec Anders Breivik, auteur des attentats d’Oslo en 2011.

L’étrange dialogue que Merah a mené avec les négociateurs du RAID, pendant les dernières heures de sa vie, ressemblait parfois à une confession. Comme Breivik, il avait besoin de se mettre en scène, allant jusqu’à filmer ses propres meurtres. L’alchimie complexe de l’échec, du blocage social et de la disparition des « valeurs » est-elle susceptible d’engendrer une haine de soi et des autres qui n’a plus qu’à trouver un exutoire ? Un besoin de reconnaissance tel que le meurtre semble le seul moyen de le satisfaire ? Notre société, encore anesthésiée par les douceurs de la consommation, préfère ne pas voir la misère qui se cache en son sein : celle des cités, celle des sans-abri, celle des jeunes au chômage, celle des familles à la dérive. Alberto Toscano, journaliste italien et observateur perspicace des réalités françaises, remarquait récemment que la campagne présidentielle ressemblait à une pièce de théâtre d’où serait banni tout sujet susceptible de démoraliser l’électeur. Nous ne sommes pourtant à l’abri ni des crises qui affectent nos partenaires grecs ou espagnols et des traitements de choc qui les accompagnent, ni des actes horribles  issus d’un nouveau nihilisme  engendrés par le désespoir.

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8 Commentaires

  1. Fix de Fontenille

    Je suis abasourdi par cet article, «politiquement correct ».
    Rien n'est dit sur l'influence destructrice du « Nazislam » dans notre société et dans le monde en général. Des quartiers, des régions, des pays tombent les uns après les autres… Mais non ça n’existe pas, il ne faut pas écouter les monstrueux réactionnaires de droite !
    Maintenant pour mettre nos enfants à l’abri, il faut déménager dans des quartiers inabordables ou payer des écoles libres hors de prix ! Ah c’est certain, le riche, bien à l’abri de son St F.Xavier de Paris 7eme, de St Louis Versailles/le Chesnay, ou du Mourillon St Paul, il n’a pas (encore) trop de soucis à se faire ! Mais le Français moyen, lui, n’en peut plus. Il ne peut plus.
     Cet article essaie d’expliquer le cas  Merah  par la pauvreté, le déracinement familiale…c'est encore la faute de la société, la so-cié-té. On croirait entendre un sketch des nuls. Et puis la théorie du complot n’est pas loin.
    Il y a toujours eu de la pauvreté dans les banlieues, et pas tellement plus hier qu'aujourd'hui. l y a toujours eu des familles éclatées. Mais une telle barbarie en France, ça c'est nouveau! Poursuivre une petite fille dans une école pour la tuer à bout portant en l’agrippant par les cheveux, ça c’est nouveau ! L’imprégnation de notre environnement immédiat par cette idéologie, ça c’est nouveau !
    Il y en a également marre d’entendre que l’immigration de ces 40 dernières années n’y est pour rien ! Qui a ramené ce fascisme vert en France ? Les vagues d’immigrations antérieures ? Les italiens ? Les  Polonais? Les Espagnols ? Les Portugais ?
    Le vrai danger, c’est cette idéologie, ceux toujours plus nombreux qui la colportent et leurs alliés objectifs : les chantres du politiquement correct.
    Ouvrez les yeux, sortez de vos quartiers, allez faire un tour ces jours-ci au Bourget, prenez le métro en levant le nez de votre Iphone ! Voyez les barbus et les « femmes sandwich » du Nazislam !
     

  2. bekeongle

    Les media n'ont fait que danser la danse du scalp autour de cette tragédie, sans jamais approcher les flammes qui les auraient dévorés.
    Car une des causes à retenir et qui n'a jamais été évoquée probablement une seule fois, c'est la responsabilité écrasante de ceux qui clamaient le mot "intégration" sans donner la moindre consistance à leur incantation. 
    C'est le propre de la mentalité de gauche et là , je ne parle nullement d'une quelconque option politique.
    La pensée de gauche, c'est celle que l'on retrouve chez Judas, le premier à avoir réclamé pour les pauvres la vente de ce qu'il était jaloux de n'avoir jamais pu posséder. Or, comme le dit l'Evangéliste, les pauvres, il s'en souciait comme d'une guigne ….
    La symbolique de le droite, siège de la bénédiction où se rassembleroont les brebis, et de la gauche, lieu de la malédiction où iront les boucs, est toujours à considérer sous un angle spirituel.
    Les vociférateurs de l'intégration depuis 40 ans, qu'ils appartiennent à des partis politiques dits de gauche, type Mitterand, ou dits de droite, type Chirac, unis dans la même méprise sur le sens des mots et de leurs conséquences, ont donc agité le drapeau de "l'intégration" sans jamais lui donner le moindre contenu effectif.
    Merah est donc le produit de leur indigence criminelle car comment un garçon de 20 ans qui ne sait pas d'où il est, qui ne sait dire guère plus de 200 mots de la langue du pays qu'il habite, qui n'a strictement aucun avenir devant lui autre que celui de paria,  comment ce garçon peut-il être attiré par autre chose que la violence pure qui lui aura fait vivre les seuls moments forts d'une pauvre vie où il aura eu l'illusion d'être le maître de son destin?
    Il y aura d'autres Mérah car les faibles, on le sait bien, sont le vivier des violents qui savent, eux, contre qui ils luttent  : comment peut-on à ce point oublier les leçons de l'Histoire la plus sordide de la montée en puissance des nazis ???
    Alors les crétins mediatiques peuvent toujours vous mettre en garde contre les amalgames : eux , ils sont sourds, aveugles et muets, et ils font le lit de toutes les violences à venir ….
     
     

  3. Bruno ANEL

    Je n'ai pas écarté la possibilité que Merah soit un "produit" de l'islamisme. En procédant depuis dix jours à des arrestations dans les milieux islamistes, le gouvernement français semble vouloir accréditer cette thèse. Mais  les liens de Merah avec les milieux islamistes ne sont pas clairement établis, et on ne peut isoler sa dérive de son histoire personnelle dans laquelle l'islamisme n'intervient en tout état de cause qu'en fin de parcours. Qu'il soit un terroriste arrangerait beaucoup de monde. S'il est seulement un enfant perdu des banlieues, cela souligne l'échec tragique de la politique d'intégration depuis… 35 ans au moins. On peut critiquer la politique d'immigration, mais Mohammed Merah n'était pas un immigré: il est né en France, pays de droit du sol. C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement français a souhaité son inhumation dans son pays natal.
     

  4. bekeongle

    Oui, français de ce droit du sol si contestable, on le sait tous, puisque Napoléon l'avait établi pour engraisser ses corps d'armée.
    Mais droit d'être français, dans ce contexte, est une insulte au bon sens et le seul attrait pour beaucoup de ces "français", ce sont les subsides de l'Etat (cf Mayotte, dernière trouvaille ds ce registre, et qui va coûter fort cher à ceux qui casquent ….)
    Car, encore une fois, Mérah avait le droit, lui aussi d'apprendre à l'école autre chose que les fariboles que l'Education Nationale serine à tous les écoliers, créant de ce fait une inégalité radicale entre ceux qui n'ont pas de racines et ceux qui en ont ! 
    Education Nationale = inégalité foncière, démocratique, laîque et obligatoire ….. Bravo à tous ces doctrinaires qu'une affaire comme celle-là n'amène même pas à une réflexion sur leurs propres responsabilités !
    Maître-mot : pas d'amalgame, comme çà on ne parle ni des carences éducatives, ni des relations avec un islam pervers qui fait des ravages partout (le Mali commence à y goûter ….)

  5. rubyssurongle

    Juste une précision à propos de l'inhumation de l'ex-ennemi public n.1 "français"… Il n'a pas été enterré en France par choix du gouvernement français, mais par refus du gouvernement algérien. Pour les algériens, il n'y a en effet aucun doute sur le fait que Merah soit un épigone de l'islamisme radical, et il était de ce fait dangeureux de lui donner un droit de sépulture. S'il y en a qui n'ont pas eu de doute sur l'amalgame de fait, ce sont donc bien ses propres frères de sang.
     

  6. Farida

    Heureusement qu'il y a les commentaires pour ramener un peu d'esprit critique dans cette analyse affligeante et mille fois entendue par les doctrinaires de gauche…
    S'il-vous-plaît, Monsieur Anel, ne nous enlevez pas le droit à la liberté individuelle en excusant de tels actes par des critères extérieurs… Je suis moi aussi née en France, d'origine algérienne, et votre article m'est une insulte.

  7. Bruno ANEL

    Je me permets, une fois de plus, de rappeler aux commentateurs que je n'ai exclu aucune hypothèse : Merah a pu être manipulé de l'extérieur. J'ai simplement dit que des observateurs restaient circonspects à ce sujet, ne serait-ce que parce que le mode opératoire qu'il a utilisé n'était pas celui des terroristes pilotés de l'extérieur . Mais la dérive de Mérah s'explique aussi par son histoire personnelle . Je suis d'accord avec vous, Farida, pour estimer qu'il a agi par choix: c'est sa liberté qui l'a conduit au crime. L'individu n'est pas entièrement conditionné par son environnement social: mais il serait absurde de prétendre que celui-ci n'a aucune influence sur les comportements.

  8. Merci Bruno, pour cet article,
    de toute façon, islamiste ou pas,
    responsable ou pas, un tueur renvoit toujours quelque chose de la société où il évolue,
    que ce soit en Norvège, en belgique ou en France.
    On peut aussi imaginer la révolte de quelqu'un ayant vu des enfants mourrir dans d'autres pays, sans que ça ne choque personne?

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