Don Thibault Lambert, diacre de la communauté Saint-Martin, en mission à Placetas, diocèse de Santa Clara (Cuba), nous livre son témoignage de la visite du pape au peuple cubain. Loin des récits médiatiques préfabriqués, cette expérience vécue de l'intérieur met en lumière une grande espérance au cœur d'une dictature communiste de 54 ans.
Évidemment, ce furent trois jours extraordinaires : 150 paroissiens emmenés à Santiago pour la messe du lundi (650 km à l’est de Placetas, 12h de car cubain…) et 250 à la Havane (350km à l’ouest) le mercredi, tout cela de nuit (mes 30 ans rendent les nuits blanches difficiles…). Nous sommes donc rentrés le mardi à 17h de Santiago et repartis à 20h pour la Havane…
Ces voyages, certes éreintants, en valaient la peine. Ce n’est pas tous les jours que le pape vient à Cuba : la première (et unique) visite d’un pape avant celle-ci : Jean-Paul II en 1998.
Bref, beaucoup de mouvements en une période que d’aucuns qualifient de « changements » pour l’île.
Il faut d’abord parler de la foi, c’est le plus important. Le politique, plus médiatique, risque de cacher l’essentiel de ce voyage : le pape pèlerin de la charité, se rendant sur le lieu de pèlerinage de la Vierge du Cobre, renforçant la foi du peuple cubain, apportant l’espérance de la Bonne Nouvelle à un peuple éreinté.
Le pape a bien rappelé que la foi seule, accompagnée de la connaissance de l’homme et de la recherche de la vérité, pouvait rendre réellement libre. Je retiens particulièrement des mots du Saint-Père l’insistance sur le rôle naturel de l’Église dans l’éducation (écoles confisquées à l’Église en 1961), du rôle de la famille (qui est ici très déstructurée, beaucoup plus qu’en France encore), de l’importance de l’approfondissement de la foi.
Évidemment, le voyage avait une forte teneur politique. Parce que dans un pays où sévit une dictature, tout est nécessairement politique, puisque l’État organise tout. Ainsi, les Havanais et habitants des provinces où le pape s’est rendu ont-ils été priés d’utiliser les trois jours fériés décrétés par l’État à l’occasion de la visite du souverain pontife à bon escient : tous les fonctionnaires ont été tenus d’aller à la messe… à l’image de tout le gouvernement. Les bus étaient loués par l’État pour acheminer les pèlerins, avec un responsable sanitaire (lire plutôt « agent de la sécurité d’État ») dans chaque bus. Le tout en « caravanes », entourées de motards de la police pour escorter les citoyens-camarades se rendant à la messe du Saint-Père.
Pendant ce temps, opposants politiques et assimilés étaient emprisonnés pour ne pas perturber la réception faite au successeur de Pierre. Les moins virulents se sont vus interdits de téléphone portable : lignes coupées d’autorité par l’agence nationale des téléphones. Parmi les victimes, notre bon cher Don Jean-Yves, curé de Placetas…
Et lorsqu’un homme se lève et a le courage de crier « Libertad ! A bajo la dictadura ! a bajo el communismo ! » juste avant le début de la messe de Santiago, pendant un moment de silence, c’est un type de la « Croix-Rouge » qui lui saute dessus, le tabassant à coups de civière. Les hommes de la Croix-Rouge, eux non plus, ne sont pas que de la Croix-Rouge. Et il n’y a pas que la Croix-Rouge : tous les lieux, tout au long de la visite, sont gorgés d’agents de la sécurité d’État, de la police politique en civil. D’ailleurs, l’ambiance des messes était terne : le peuple cubain, si prompt à danser, à faire la fête, était tout à fait sclérosé : pas de chants, de cris de joie. Les seuls se sentant disposés à lancer des slogans étaient des jeunes venus de pays étrangers (Mexicains, Espagnols). Les Cubains ont peur, peur encore, peur toujours. Et, si on le déplore, on le comprend : depuis 50 ans, la liberté d’expression est muselée… alors crier « Viva el papa ! », c’est impensable ! Bienvenue à Cuba.
Le coup du sauveteur Croix-Rouge se transformant en agent musculaire du régime a sans doute dû rendre furieux l’archevêque de Santiago, qui a délibérément, devant les télévisions, refusé de serrer la main de Raul Castro, son chef d’État. Ça fait tache dans les images de propagande voulant montrer l’unité des principes révolutionnaires cubains et de l’aspiration chrétienne à la justice et à la liberté (pour cela lire le discours de Castro à l’aéroport lors du départ du Saint-Père : un bijou d’hypocrisie !).
En résumé, je dirais que ce furent de beaux jours pour Cuba, jours où Dieu avait toute sa place, en cette Terre cubaine où ses droits ont été et sont bafoués sans vergogne. De beaux jours d’espérance pour les chrétiens mais aussi pour l’ensemble des Cubains, qui ont vu, en la personne du pape, l’Église, donc le Christ, leur manifester son amour, sa prédilection, son souci pastoral. Enfin, et ce n’est pas rien, jours bénis où le peuple a pu entendre officiellement quelqu’un ayant autorité (même aux yeux du régime, cf les discours de Castro) et ayant un discours différent.
Pour tout cela, et aussi parce que les foules de la place de la Révolution (où eut lieu la messe de La Havane) et de la place Maceo de Santiago étaient constituées à 75 % de jeunes, je crois que cette visite du Saint-Père est à la hauteur des espérances : parce qu’en recevant Benoît XVI, les Cubains ont eu accès à un message d’amour. Ils ont entendu qu’ils sont aimés, qu’ils ont une valeur personnelle inaliénable, qu’ils ont un avenir et peuvent donc vivre de l’espérance. Trois choses qu’il est facile d’oublier ici.
Je rends grâce pour ces trois jours bénis et vous confie Cuba, la liberté du peuple cubain et celle de l’Église.
Effectivement, la liberté est le plus beau des présents,
cependant Cuba a le mérite de représenter quelque chose:
un pays catholique qui ne soit pas assujeti à la principale idole moderne, et à sa court d'injustices: l'argent.
Pourquoi est ce que l'Eglise ne propose elle pas une alternative à ce nouvel ordre mondial?