de Guillaume Trillard 15 juin 2012
France, Temps de lecture : 3 mn
Quatre soldats morts en Afghanistan…
Une de ces nouvelles apparemment cyclique, devenue médiatiquement presque banale.
Invitation officielle des anciens présidents, des premiers ministres, des chefs de partis et autres personnalités dans le contexte particulier des Législatives.
Cérémonie dans le cadre somptueux et riche de mémoire des Invalides. Visages graves des soldats rendant les derniers honneurs. Douleurs des familles éprouvées, portées malgré elles au centre de l‘attention de la France entière le temps d’une journée.
Dans ce cadre assez codifié, Monseigneur Ravel – évêque aux armées – a prononcé une homélie particulièrement saisissante.
Abordant avec délicatesse la double passion habitant le cœur du militaire – passion de son épouse, de sa famille et passion du service de son pays, de la paix – il traite sans détour de l’angoissante éventualité de la séparation, c’est-à-dire de la mort au combat, en donnant notamment la parole à des témoins de la première guerre mondiale :
« Je ferai tout ce qu’il faut pour être fort… Il faut être énergique et surmonter ses peines, comme tu le feras toi aussi, douce chérie, car ton devoir est aussi noble à remplir que le mien. »[1] Deux jours plus tard, ce même soldat complète : « Si je ne te reviens pas demain, je partirai faire mon devoir avec toi sur mon cœur, ne te quittant pas un instant dans ma mémoire. »[2].
Répondant aussi à la question parfois implicite des risques encourus, de leur utilité, de leur sens, Monseigneur Ravel replace la vie de l’homme, ses actions et son engagement dans un cadre plus large que celui du simple héroïsme : « Le risque, nous dit-il, appartient au soldat : il faut le lui laisser. Quitte à lui pardonner ». Il cite ensuite Simone Weil : « Le risque est un besoin essentiel de l'âme. L'absence de risque suscite une espèce d'ennui qui paralyse autrement que la peur, mais presque autant… »[3]. Puis il complète avec les mots de Gustave Thibon : « L’être qui court le moins de risques est ici-bas l’être le plus voisin du néant : qui ne risque rien n’est rien… La destinée de chaque homme est commandée par la réponse intérieure qu’il fait à cette question : de l’amour ou de la mort, lequel est une illusion ? ».
L’évêque aux armées resitue enfin la démarche du militaire dans un cadre beaucoup plus large que celui de simples professionnels de la guerre : « Ils ne veulent pas assister impuissants à la débâcle de l’humanité ».
Beaucoup de militaires ont dû apprécier la profondeur de ce regard et de l’invitation qui leur a été ainsi faite, ainsi qu'à chaque homme à travers eux :
« L’armée ne vous les prend pas. Pas plus le hasard ou la folie délirante de ceux qui détournent le nom de Dieu. Ils donnent leur vie. Ils osent prendre un rude chemin, celui de l’action. Ils ne veulent pas assister impuissants à la débâcle de l’humanité. Le maréchal Lyautey écrivait : « Il y a deux catégories d’êtres, ceux qui absorbent, les parasites, ceux qui rayonnent, l’élite. »[4] « Rayonner comporte toujours un risque : ici, il est mortel. Avec l’amour, le goût du risque habite le cœur du soldat ».
Pour lire l'intégralité de l'homélie : site du diocèse aux armées
Voila un bel article, merci pere Guillaume.
Je pensais aussi aux 2 femmes gendarmes assassinées de sang froid. Merci à elles d'avoir risqué leur vie pour protéger celles des autres. Et dans ce cas, nous ne pourrons pas retirer nos troupes du terrain. Merci à ces hommes et ces femmes, rendons-leur honneur même de leur vivant.
Merci Père Guillaume de nous avoir fait connaître ce texte magnifique.
Enfin je peux lire cet article qui m'avait été recommandé! Merci Père Guillaume et bravo. Quelle joie et quelle fièreté d'appartenir à une Eglise qui compte des gens intelligents, pleins d'amour et de courage. Quel repos pour le coeur de lire du vrai et de beau!!! Merci!!