Après avoir fêté l’année dernière les trente ans de la disparition de Bob Marley, plusieurs hommages se sont récemment succédés : des ternes reprises de Yannick Noah au lumineux « Marley », documentaire sorti en salles le 13 juin dernier, retour sur la légende du reggae, pour qui la musique était l’expression de son être.
Robert Nesta Marley est né le 6 février 1945 en Jamaïque d’une mère noire Jamaïcaine et d’un père blanc d’origine anglaise. Compte tenu de l’ambiance post-coloniale régnant dans l’archipel des Caraïbes à cette époque, ses racines métissées seront pour lui un lourd fardeau, et Bob se revendiquera toujours Africain.
Bob Marely CC BY-SA 2.0 kronic.it
A l’âge de 17 ans, il se lance dans le Ska¹, et forme le groupe des Wailers. Leur musique n’aura de cesse d’évoluer, jusqu’à la création du reggae, puisant sa source dans le mouvement Rastafari². De là, Bob Marley et les Wailers connaissent un succès planétaire, et vendent plus de 300 millions de disques à travers le monde. Malgré une vie dissolue et pleine d’excès, l’ambassadeur du reggae devient l’idole de tout un peuple, fier représentant de la Jamaïque. Après des tournées mondiales et des sollicitations incessantes, Bob Marley décèdera le 11 mai 1981 à l’âge de 36 ans des suites d’un cancer généralisé.
Bande-annonce du film « Marley » de Kevin Macdonald.
« Le reggae est une musique populaire, un moyen d’informer les gens sur ce qu’il se passe autour d’eux, tout ce qu’on n’apprend pas à l’école »³.
Privé de scolarité, Bob Marley écrira très vite des chansons engagées, dénonçant les injustices subies par les Jamaïcains : un moyen pour la population, mise à l’écart des décisions prises par le gouvernement, d’être tenue au courant des actualités et de l’état de leurs politiques.
Tout au long de sa courte vie, Bob multipliera les compagnes (il reconnaîtra 11 enfants) ainsi que toutes sortes d’excès. Ses chansons seront imprégnées de ses expériences douloureuses :
« Le soleil ne brillera pas aujourd’hui,
La nuit sera sans lune ce soir,
L’obscurité s’est emparée de ma vie
A transformé le jour en nuit
Reste t-il de l’amour quelque part […] »
Concrete Jungle
Mais pourquoi Bob Marley fait-il lever les foules depuis bientôt cinquante ans ? Quel est cet attrait, de générations en générations pour sa musique ?
Tout d’abord parce qu’il avait une conscience aigüe que sa vie devait être donnée pour son peuple : « Ma vie m’importe peu, celle des autres est importante. Ma vie n’a d’importance que si elle peut servir à des tas de gens »³.
Peut-être aussi parce qu’il exprimait au mieux les souffrances du ghetto : il devient le chef de file de l’unité de son peuple tout en souffrant, paradoxalement, de la désunion de sa famille.
La musique devient son arme : une arme judicieuse mais difficile à manier, qui ne l’empêchera pas de tomber dans certaines idéologies. En voulant se faire l’avocat des causes perdues, il finira même par être censuré dans certaines parties du monde, notamment en Afrique du Sud, alors en pleine crise de l’Apartheid.
Celui qui est tombé au plus bas et qui a choisi malgré tout la voie de la non-violence n’a cessé d’étonner par sa force et son désir de liberté. Tout au long de sa carrière, il a tenté de servir la cause de son peuple, de ces hommes et ces femmes dont il se sentira vite responsable, en portant leurs douleurs et leur désir de libération et d’indépendance : n’en doutons pas, il était sur le chemin de la rédemption.
« […] Ne voudrais-tu pas m'aider à chanter ces chansons de liberté?
Parce que tout ce que j'ai c'est des chansons de rédemption
Des chansons de rédemption […] »
Redemption song, 1979
« Redemption song » par le groupe Playing for change, avec la participation de Stephen Marley, son fils.
¹ : Style musical provenant du jazz et du rythm’n blues.
² : Mouvement de rébellion et de libération des consciences fondé sur le culte d’Hailé Sélassié, roi d’Ethiopie au XXème siècle.
³ : Discours de Bob Marley, Kingston, 1980