Au cours du mois de juillet à Santiago (Chili), la Fondation Telefónica accueille l’exposition des photos gagnantes du 55ème World Press Photo. Plus de 300 images sélectionnées parmi plus de 100 000 clichés professionnels soulignent la puissance de révélation du journalisme contemporain qui n’est pas sans rappeler les passages les plus abrupts de l’apocalypse.
© Samuel Aranda
Mystérieuse et douloureuse époque, qui pousse à son apogée le préoccupation pour la dignité en même temps qu’elle foule au pied comme jamais la personne humaine. Une époque écartelée entre la fascination du geste sportif et la violence sans nom des conflits ou de la nature, entre une nostalgie religieuse pour les grands dictateurs et la frénésie de la révolte. Et cependant, dans la trame mouvante de l’horreur, des bribes, des lumières, des visages.
Comme la précédente, les photos de l’exposition évoquent avec une crudité parfois insoutenable cette année d’actualité. De fait, le visiteur de l’exposition est plongé dans l’épouvante des conflits, la nausée de la violence, la douleur de l’exploitation. Il reçoit la face grave d’une survivante du tsunami au Japon (Denis Rouvre – France), puis, parmi les décombres, il découvre des signes d’espérance comme ce vieillard que se dévoue entièrement à sa femme atteinte d’Alzheimer (Alejandro Kirchuk – Argentine). Il se peut aussi que notre temps ressemble à cette jeune fille chinoise qui vient de se jeter par la fenêtre dans sa robe de mariée et que des mains secourables retiennent au-dessus du vide, comme le montre l’une des photos les plus marquantes de l’exposition prise par Li Yang (Chine).
D’aucun peut se demander s’il n’y a pas une certaine morbidité à organiser un concours autour de ces icônes de la souffrance. Il est vrai qu’on aimerait parfois que la réalité nous soit renvoyée avec plus de pudeur. Mais peut-on fuir le destin de tant d’êtres humains ? Un silence douloureux nous étreint à chaque image. Et Soudain, au milieu de cette fresque rappelant les danses macabres médiévales, une photo. Celle de Samuel Aranda (Espagne). Suite aux manifestations du 15 octobre 2011 au Yemen, une femme voilée tient son fils dans ses bras. Son fils à demi nu tordu de souffrance à cause des gaz lacrymogènes. On ne voit pas le visage de cette pietà. On voit son cœur[1].
Pour visionner toutes les photos de l’exposition.
Au cours de son tour du monde ce n’est qu’à Perpignan que l’exposition sera visible en France du 1er au 23 septembre 2012 sous le nom de « Visa pour l’image ». Pour plus d’informations.
[1] « Le péché de l'homme (mysterium iniquitatis) aurait le dessus et finalement il serait destructeur, le dessein salvifique de Dieu demeurerait sans accomplissement ou même se terminerait en défaite, si ce mysterium pietatis n'était pas inséré dans le dynamisme de l'histoire pour vaincre le péché de l'homme. » Jean Paul II, Exhortation Apostolique Post-Synodale Reconciliatio et penitentia 1984, n°19.