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L’America’s Cup revient en Angleterre !

Cette semaine a lieu à Plymouth la deuxième étape des confrontations préliminaires à la Coupe America. Le plus vieux trophée sportif du monde (1850) continue d’être convoité par les meilleurs des meilleurs : américains, anglais, néozélandais, espagnols, suédois et tout ce que le monde de la voile compte d’experts en match race. Les Français alignent quant à eux deux bateaux dont l’un est skippé par l’excellent Loïck Peyron. Dotée cette année de catamarans ultra-perfectionnés avec une aile rigide qui remplace la voile classique, ainsi que d’un grand dynamisme médiatique, la nouvelle formule de ces régates d’anthologie est désormais particulièrement attractive même pour le grand public. Redevenue américaine depuis l’année dernière, la Cup semble en effet avoir pris un coup de jeune et cela n’est pas sans plaire aux amateurs. A chacun sa rentrée !

CC BY chatani

A la différence de nombreux autres sports, la voile offre au public non amariné une telle multiplicité de visages que le néophyte en perd facilement le Nord. Qu’il suffise de dire ici que le temps a forgé à l’America’s Cup une réputation de mythe qui en fait l’épreuve phare tant désirée au cours d’une carrière de marin professionnel. Autrement dit, si le monde de la voile était hiérarchisé en castes, les vainqueurs de l’America seraient les plus élevés des brahmanes et les plus susceptibles d’atteindre dès cette vie le panthéon des immortels. Ils sont un peu moins d’une quarantaine à ce jour à y être entrés.

Dans un contexte de joutes verbales et orgueilleuses entre les marines les plus puissantes du monde occidental au XIXème siècle, la fameuse aiguière d’argent massif a été gagnée une première fois par les marins américains qui étaient venus défier leurs frères aînés d’Angleterre. Après des semaines de provocations relayées par voie de presse, le New York Yacht Club obtint en effet des anglais qu’une course soit organisée pour savoir qui étaient les meilleurs marins du monde. Le 22 août 1851, à l’occasion de l’exposition universelle à Londres et en présence de la reine Victoria, la goélette America défia quatorze des meilleurs navires britanniques de l’époque et boucla le tour de l’île de Wight avec une très confortable avance sur ses concurrents. La légende prétend qu’au moment où les vainqueurs passèrent la ligne, la reine demanda à son majordome qui était le second et celui-ci de répondre : « Majesté, il n’y a pas de second ! »

CC BY Peter G Trimming

Les Américains reçurent alors en récompense le célèbre trophée et le léguèrent au New York Yacht club à condition que celui-ci s’engage à en organiser régulièrement la remise en jeu. Il fallut attendre 1983, une trentaine de tentatives et toute la persévérance australienne pour rompre une écœurante suprématie américaine de cent trente-deux longues années. Depuis cette date fatidique, Néozélandais et Suisses ont su à leur tour chiper aux enfants de l’oncle Sam un bien que ces derniers ne manquèrent jamais de récupérer aussi vite que possible. A ce jour, la Coupe est redevenue américaine après dix-huit ans de fugue.

La particularité de cette épreuve est qu’elle est à chaque fois mise en jeu par défi. Si personne (challenger) ne vient défier le détenteur (defender) de la Coupe, il ne se passe rien. Au moment où un défi est proposé et accepté, le détenteur de la coupe organise avec d’autres équipes de son pays une série de courses pour déterminer qui sera le defender en titre. De leur côté, les différents challengers des autres nations s’organisent aussi entre eux – c’est la Coupe Louis Vuitton – pour savoir qui ira défier le defender. A proprement parlé, l’America’s Cup est cette ultime confrontation du meilleur challenger contre le meilleur defender.

Dès l’origine, un règlement (deed of gift) a pu définir un cadre pour ces défis : jauge des bateaux, temps de préparation, forme des courses, etc. Cadre souple qui permet des aménagements et des modifications lorsque les deux parties sont d’accord, mais cadre qui souffre d’un besoin très juridique d’interprétation, et la Cup est ainsi devenue familière des tribunaux, ce qui n’a pas été sans la rendre un peu plus indigeste dans les médias.

Aujourd’hui, après des années de débats, d’évolutions ou de louvoyage juridique, un nouveau mode semble avoir été trouvé avec ces bateaux extrêmes que sont les AC 45 : multicoques ultra rapides et ultra maniables dotés d’une aile d’avion en guise de grand voile qui offrent à la fois spectacle et performances strictement sportives, tout en limitant les dépenses.

Grâce au dynamisme américain, la Cup a ainsi retrouvé ses lettres de noblesse : faire courir les meilleurs marins du moment sur les meilleurs bateaux du moment. Malgré l’internationalisation des équipages, ce sont bien les pays qui courent les uns contre les autres et qui espèrent mettre l’aiguière d’argent au chaud sous leur aile…

Pour les français qui n’ont jamais réussi à dépasser le stade des préliminaires entre challengers (ils n’ont donc jamais défié le defender), cette nouvelle édition est pleine de promesses. La réputation des français en multicoques les place en effet de facto parmi les prétendants sérieux au sacre. Au cours des différentes étapes préparatoires qui auront lieu jusqu’en juillet 2013, ils vont devoir cependant se frotter à l’extrême professionnalisme des équipes adverses. Ces étapes qui ont le mérite d’aller dans le monde entier et de « faire voir » la Cup dans un format accessible, permettent aussi aux équipes de se jauger entre elles.

De juillet à septembre 2013, les challengers s’affronteront lors d’une phase finale et sur un bateau identique quoiqu’aux dimensions nettement élargies (l’AC 45 deviendra AC 70), le meilleur challenger aura alors l’honneur d’affronter le meilleur defender américain pendant une petite semaine et un certain nombre de courses. A l’issue de cet ultime match, le monde saura enfin si les Américains sont une fois de plus les meilleurs marins du monde… Et le vainqueur de rapporter (ou de garder) l’aiguière dans son pays.