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Polytechnique : pour quelle élite ?

d'Anne-Laure Eymeri       14 juin 2012

« Pour la patrie, les sciences et la gloire ». En 1804, Napoléon donne cette devise à l’école Polytechnique, créée dix ans auparavant, et scelle par là même son destin de former l’élite de la Nation. Mais cette élite, d’où vient-elle ?


CC BY Marie-Lan Nguyen

 

Reproduction sociale et ouverture

A l’instar du sociologue P. Bourdieu, on peut voir Polytechnique comme un outil de reproduction sociale où les enfants des dirigeants d’aujourd’hui deviendront les dirigeants de demain ; et cela est vrai pour la grande majorité. Pourtant, l’école se fixe comme objectif de  « faire en sorte que les talents de tous les jeunes se révèlent et, en particulier, que ceux des milieux défavorisés puissent entreprendre avec succès des études supérieures, dès lors qu'ils en ont les aptitudes et la volonté.» C’est pourquoi, depuis 2000, le concours est gratuit pour les boursiers et l’école attribue une bourse à tous ses élèves afin de supprimer le handicap financier des élèves issus de milieu modeste. Ceci n’empêche pas le concours d’entrée d’être très sélectif et une préparation de deux ans est généralement nécessaire aux élèves désireux de le tenter. Là encore, il existe les prépas traditionnelles (Maths-Physique, Physique-Chimie, Physique-Sciences de l’Ingénieur et Physique-Technologie) auxquelles on accède sur dossier à l’issue d’un Bac S. Mais, depuis 1977, il est possible aux élèves issus de la filière technologique de se préparer aux concours des grandes écoles avec la prépa TSI (Technologies et Sciences de l’Ingénieur). Cette voie d’accès est peu connue mais deux places sont réservées chaque année à Polytechnique aux deux meilleurs de chaque promotion (cinq places depuis 2010). Ce qui fait qu’il est possible pour un titulaire d’un BEP d’accéder à Polytechnique.

Ce n’est pas une chimère, nous l’avons rencontré.

 

Un parcours atypique

Adrien Poitrimoult, 23 ans, se trouve actuellement en seconde année du cycle ingénieur à l’école polytechnique. Il nous raconte son parcours.

«  Cette place n’a pas été facile à obtenir car l’entrée à « l’X » – petit nom de l’école polytechnique – est normalement le résultat d’un parcours sans faute ! En ce qui me concerne, cela n’a pas été le cas. En 3ème j’obtiens mon brevet des collèges de justesse et décide de me lancer dans un BEP avec une spécialité électrotechnique, juste pour « faire comme les copains ». C’est lors d’un stage aux ateliers municipaux de ma commune, en plein hiver, que je réalise que c’est une chance d’être étudiant. Je décide alors, soutenu par certains enseignants, de poursuivre vers une filière plus générale en intégrant un BAC Sciences et Technologies Industrielles. Le niveau scientifique y est plus soutenu mais, avec du travail, je parviens à obtenir mon BAC avec 17,41 de moyenne et un billet aller pour la classe préparatoire TSI au lycée Richelieu de Rueil-Malmaison, une des meilleures classes préparatoires TSI de France. Issu d’une ZEP, mes premières semaines sont un véritable choc ! Je me distingue lors de ma première colle de mathématiques (interrogation orale hebdomadaire par groupe de trois) avec un 7/20 tandis que mes deux camarades obtiennent 17/20 ! Aidé de mes proches, je m’accroche et travaille d’arrache pied, ce qui me permet de terminer l’année second de ma promo sur 35 élèves et de garder ce rang tout au long de ma seconde année. La période cruciale des concours arrive, le stress et le doute sont au rendez-vous. Je passe les écrits puis les oraux et, un jour du mois de juillet, je reçois un coup de téléphone de l’école polytechnique m’annonçant que j’ai la possibilité d’intégrer leur école. Moi qui étais soucieux de ne pas avoir suffisamment réussi les concours pour accéder à l’école Centrale Paris, me voilà au téléphone avec la crème de la crème en terme d’école d’ingénieur… C’était vraiment incroyable ! »

 

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