Home > Eglise > « Guetteurs d’aurore »

Une nouvelle année liturgique vient de s'ouvrir avec le temps de l'Avent : « un temps merveilleux où se réveille dans les cœurs l’attente du retour du Christ et la mémoire de sa première venue… temps de la présence et de l'attente de l'éternité », nous dit Benoît XVI. Pour raviver en nous le sens véritable de cette attente, une proposition originale a vu le jour dans plusieurs paroisses, rappelant aux chrétiens qu'ils sont des « guetteurs d'aurore ».

« Au milieu des bouleversements du monde, ou des déserts de l’indifférence ou du matérialisme, les chrétiens accueillent de Dieu le salut et en témoignent avec une façon différente de vivre », a déclaré Benoît XVI ce dimanche lors de l’angélus. Le terme « avent » signifie « venue » ou « présence », explique-t-il : « il se réfère à la venue de Dieu, à sa présence dans le monde ». « Les premiers chrétiens adoptèrent ce terme pour exprimer leur relation avec Jésus Christ… cela voulait dire en substance : « Dieu est ici, il ne s'est pas retiré du monde, il ne nous a pas laissés seuls… Il vient nous rendre visite de multiples manières… ».

Dans son homélie prononcée en 2009, Benoît XVI précise le sens de l'Avent : « Nous faisons tous l'expérience, dans notre existence quotidienne, d'avoir peu de temps pour le Seigneur et peu de temps également pour nous. On finit par être absorbé par ce qu'il faut « faire ». N'est-il pas vrai que souvent, c'est précisément l'activité qui s'empare de nous, la société et ses multiples intérêts qui monopolisent notre attention ? On consacre beaucoup de temps au divertissement et aux distractions en tout genre. Parfois, les choses nous « submergent ». L'Avent, ce temps liturgique fort que nous commençons, nous invite à nous arrêter en silence pour comprendre une présence. C'est une invitation à comprendre que chaque événement de la journée est un signe que Dieu nous adresse, un signe de l'attention qu'il a pour chacun de nous. Combien de fois Dieu nous fait percevoir un signe de son amour !… L'Avent nous invite et nous encourage à contempler le Seigneur présent. La certitude de sa présence ne devrait-elle pas nous aider à voir le monde avec des yeux différents ? Ne devrait-elle pas nous aider à considérer toute notre existence comme une « visite », comme une façon dont Il peut venir à nous et devenir proche de nous, en toute situation ? »

« Un autre élément fondamental de l'Avent est l'attente, une attente qui est dans le même temps espérance. L'Avent nous pousse à comprendre le sens du temps et de l'histoire comme « kairós », comme occasion favorable pour notre salut…. Mais il y a des manières très différentes d'attendre. Si le temps n'est pas rempli par un présent doté de sens, l'attente risque de devenir insupportable ; si on attend quelque chose, mais que pour le moment il n'y a rien, c'est-à-dire que si le présent reste vide, chaque instant qui passe apparaît exagérément long, et l'attente se transforme en un poids trop lourd, parce que l'avenir reste tout à fait incertain. Lorsqu'en revanche le temps prend du sens, et en tout instant nous percevons quelque chose de spécifique et de valable, alors la joie de l'attente rend le présent plus précieux… Si Jésus est présent, il n'existe plus aucun temps vide et privé de sens. Nous pouvons continuer à espérer même lorsque les autres ne peuvent plus nous assurer aucun soutien, même lorsque le présent devient difficile ».
Tel est le sens de l'Avent : réveiller dans les cœurs cette attitude fondamentale de l'attente. Aussi pour aider à poser des gestes concrets d'attente, depuis quelques années, plusieurs paroisses en France ouvrent leurs portes très tôt le matin et proposent la messe dite «Rorate» ou de l'Attente. Ces messes sont célébrées avant la fin de la nuit de façon à se terminer aux toutes premières lueurs de l'aurore, selon une tradition venue d'Europe centrale. Le terme «Rorate» vient du mot latin qui a donné son titre à l'hymne, qui est par excellence le chant grégorien du temps de l'Avent. Son refrain est tiré du livre d'Isaïe (45, 8) :
 «Rorate caeli desuper, et nubes pluant iustum; aperiatur terra, et germinet Salvatorem.» 
« Cieux, faites venir le Juste comme une rosée ; Qu’il descende des nuées comme une pluie bienfaisante : Que la terre s’entrouvre et donne naissance au Sauveur. »
(traduction française du missel romain)

Célébrées à la seule lueur des bougies, ces liturgies matinales, comme le souligne Benoît XVI dans une autre homélie de 2007, « invitent à l'espérance en indiquant, à l'horizon de l'histoire, la lumière du Sauveur qui vient : ''Ce jour, une grande lumière brillera'' ». Cette espérance n'est pas sans fondement : Dieu s'est fait homme. ''Lumière, née de la Lumière, elle s'est déjà manifestée dans la plénitude des temps comme un petit enfant. Aussi, « à l'humanité qui n'a plus de temps pour Lui, Dieu offre à nouveau du temps, un nouvel espace », pour l'aider à relever la tête et à tourner son regard vers « le Soleil levant de l'histoire », comme l'indique Benoît XVI ; il est le Soleil qui naît d'en-haut (Lc 1,78) et qui viendra à nouveau nous visiter. Puisse ce temps de l'Avent creuser en nous l'Attente qui est au cœur de tout être humain, et nous faire reconnaître la Présence de Celui qui a répondu pleinement à cette attente, en faisant de nous des « guetteurs d'aurore » !
 

Chant du "Rorate"

 

 

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