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Un alto pour vivre la compassion

Bernadett Kis est une jeune altiste hongroise qui vit à Berlin. Elle joue avec plusieurs orchestres dans le monde entier dont l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Elle fait partie depuis plusieurs années de l’association Live Music Now de Berlin, inspirée par la fondation éponyme du violoniste Yehudi Menuhin [1]. Pendant la seconde guerre mondiale, il a souvent joué dans un contexte où prédominaient des situations de grande souffrance. Il a ainsi compris que la musique pouvait être une vraie thérapie. Il a donc décidé de recruter des jeunes musiciens de haut niveau qui pourraient enrichir leur carrière, tout en proposant des concerts de qualité à des personnes qui n'ont pas accès à la musique classique.


Bernadett et Maximilian sur le stand Points-Cœur du marché de Noël, le 7 décembre dernier
© Points-Cœur

Bernadett a été touchée par cette expérience, si bien qu’a grandi en elle le désir d’ouvrir le monde de l’art à des personnes qui n’y ont pas ou plus accès. Elle est habitée par cette certitude que la musique peut parfois mieux consoler et panser les blessures que les paroles. Elle joue dans des centres psychiatriques pour enfants, des maisons de retraites, des hôpitaux. « Dans un centre psychiatrique pour enfants, j’ai rencontré un enfant de quatre ans qui portait un sac à dos rempli de pierres en permanence et qui, pour une des premières fois, a oublié son sac pour mieux nous écouter ».

Pour rendre Mozart, Bach et Beethoven plus accessibles encore, Bernadett se fait maintenant accompagner par Maximilian, une poupée marionnette haute de soixante centimètres aux cheveux roux en pétard. Maximilian affirme sans préambule que Bernadett est sa femme de ménage, sait poser les questions qui vont droit au but sans s’embarrasser de convenances, et s’enthousiasmer devant un public qui lui est immédiatement conquis.

Jeudi dernier, nous avons accompagné Bernadett dans un centre d’apprentissage pour personnes handicapées. Vous pouvez imaginer le contraste entre la banlieue berlinoise grise et impersonnelle et ce que nous avons découvert à l’intérieur : tous nous attendaient, tout souriants, déjà heureux de la musique à venir.

Au fil des morceaux que Maximilian présentait et que Bernadett exécutait, la joie devenait de plus en plus palpable et sincère, jusqu’à son apothéose pour un duo violon et alto de Mozart après lequel tout le monde demandait un « Bis ! ». Le silence respectueux qui régnait dans la salle pendant les morceaux et qui, au dire d’un des formateurs, n’arrive jamais, en disait plus long encore sur l’attention des auditeurs que tous les cris de joie.

A la fin du concert un grand gaillard menaçant, qui n’a pas dû faire souvent partie du public cultivé de la Philharmonie, s’est approché de Bernadett et lui a lancé d’une voix de stentor : « Je suis fier de vous, les gars ! ». Bernadett nous a dit par la suite : « C’est si bon d’être là, je sais que les compliments qui arrivent à la fin son vraiment sincères ! »

Bernadett avait invité un ami violoniste à l’accompagner. C’était la première fois que ce musicien de haute volée, extrêmement professionnel et tout entier tendu vers la qualité de son travail et vers sa carrière, jouait devant un public semblable. S’il est venu, c’est essentiellement par amitié pour Bernadett. Pourtant il a été lui aussi extrêmement touché par l’impact de cette représentation. Bernadett elle-même fut surprise de ses remerciements sincères.

Pourquoi la sonate de Mozart a-t-elle autant bouleversé les cœurs simples des auditeurs ? Parce qu’elle disait la joie et le désir de danser ! Ce qui ressort de ces concerts c’est la joie. La joie de ceux qui savent encore apprécier la musique simplement pour la beauté qu’elle apporte et parce qu’elle éclaire notre propre expérience : nos joies, nos tristesses, notre désir de danser ou de nous retirer dans le silence. Une joie qui est indépendante des critiques musicales ou des convenances. Une joie qui réapprend à chaque fois à Bernadett le sens de son travail. 

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