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Charles et Zita d’Autriche (2) : quels enseignements pour la vie politique actuelle ?

Le plus grand témoignage laissé par Charles et son épouse Zita aura été, en tant que dirigeants chrétiens, de placer l’humain au cœur de toute chose. Le manque de vision à long terme des politiciens actuels vient en grande partie de cet oubli de la place fondamentale à accorder à l’homme. La construction européenne a été, dès ses débuts, centrée sur l'économie. On a oublié ou négligé d'inclure les aspects culturels, spirituels, historiques et moraux qui ont tant donné au monde depuis 2000 ans.

Quelques défis  contemporains concrets.

La dépendance énergétique
À l’échelle européenne, il y a eu une absence de prise de conscience de la trop forte dépendance énergétique envers les importations de gaz de Russie et de pétrole du Moyen-Orient.

Il n'y a pas de vision à long terme. La crise ukrainienne actuelle a malheureusement montré qu'il y a, en Europe, plusieurs politiques étrangères. Le projet de gazoduc, via la Turquie et sous l’Adriatique par l’entremise de la Turquie doit être accéléré. C'est la flotte américaine qui assure actuellement que les routes du pétrole reste "ouvertes" au Moyen-Orient, et nous en profitons  bien. Or les USA seront très prochainement totalement auto-suffisants en énergie alors qu'en Europe, si rien n'est fait, notre dépendance, et donc notre vulnérabilité, augmenteront. Lorsque les Américains n'auront plus besoin du pétrole du Golfe, il est probable qu'ils y réduiront leur présence et ce sont probablement les Chinois, les plus grands consommateurs d'énergie et de matières premières, qui voudront ou devront les remplacer. Nos intérêts seront-ils protégés de la même manière ?

Nous avons une autre faiblesse, d'ordre moral.
Nous avons endetté nos enfants et petits-enfants même pas encore nés, à des niveaux indécents. Gouvernements, sociétés, mais également les populations et nous tous portons une responsabilité par appât de gain, refus de faire des sacrifices ou de réduire quelque peu notre train de vie.

Signes de questionnement.
Les problèmes actuels cités, et bien d'autres, conduisent à un malaise diffus dans nos sociétés, qui s’est manifesté récemment sous trois formes différentes.

La « Manif pour tous » en France en 2012-2013 contre la promulgation de la loi élargissant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Au cours de ce mouvement spontané, une double prise de conscience a eu lieu. De nombreux jeunes ont été choqués que leur grand nombre et leurs demandes ont été comme ignorées, balayées d'un revers de la main, ne comptant pour rien. Centré uniquement sur la lutte contre le mariage pour tous à ses débuts, ils ont eu l'impression que le gouvernement voulait faire passer au parlement d'autres sujets sociétaux essentiels quasi sans débat, considérant les manifestants comme étant quelques jeunes de droite ou catholiques intégristes. Or il y avait là bien plus !

Le succès du parti politique de Beppe Grillo en Italie. Il n'a pratiquement pas de programme politique. La moyenne d'âge des électeurs est de 37 ans. Il a obtenu près de 25% des votes ! Leur message est qu'ils n'ont plus confiance dans les partis politiques et qu'ils veulent s'engager localement.

Le mouvement des « Indignés », d’abord en Espagne puis à Wall Street, en Belgique, en France… Ce ne sont pas des anarchistes ! Ce mouvement regroupe des personnes, souvent jeunes, aspirant à plus de libertés, réclamant que des dirigeants plus responsables rendent des comptes.

Ces trois manifestations du malaise de nos sociétés, aussi disparates soient-elles, ont en commun de soulever un problème de légitimité dans le système actuel politique. Des lois sont votées sans discussion ; les électeurs votent plus contre que pour. Les mandats électoraux ont une durée variant autour de quatre ou cinq ans. Or, durant ce mandat, les élus peuvent voter des lois qui auront un impact sur cent ans. Et il est difficile de revenir en arrière par la suite.

Il y a donc des sujets bien trop importants pour être laissés aux seuls politique et gouvernements : des questions touchant à la famille, à la vie, aux manipulations génétiques, à la distribution même de certaines prérogatives au niveau local…. Nos états doivent être plus modestes, ne sont pas compétents en tout, et ne doivent légiférer sur tout. D'ailleurs de plus en plus de députés seraient heureux d’être déchargés de la responsabilité de devoir trancher sur des questions aussi difficiles, sachant que le risque de se tromper augmente.

Pistes à explorer pour revitaliser  l’Union Européenne.
Il serait urgent pour chacun de redécouvrir ce qu'est son identité européenne. L’histoire, la foi, les valeurs, les racines de toutes les nations qui constituent l’Europe constituent une richesse inouïe. Richesse qu’il faut expliquer, en évitant soigneusement les clichés vis-à-vis de l'autre.

Le principe de subsidiarité, selon lequel l’entité plus grande n’intervient que si l’entité plus petite ne peut faire seule ce qu’il y a à faire, est trop peu appliquée en Europe, ce qui est dommage. L’Union Européenne tente de se construire de haut en bas (pouvoir des gouvernements et des technocrates) quand elle devrait s’élever de bas en haut en s'appuyant sur les entités naturelles : les familles, les villages, les villes, régions etc. Un maire connaît bien mieux les problèmes de sa ville qu'un expert à Bruxelles, si compétent soit-il. 

Par exemple, des référendums locaux pourraient être organisés plus souvent sur des problèmes particuliers,  pas seulement limités au choix entre le oui ou le non mais en demandant aussi aux citoyens de proposer des solutions concrètes. Il devrait aussi être possible d’élire des personnes qui ne sont pas candidates : elles font souvent de meilleurs dirigeants car elles ne sont pas mues par leur ambition personnelle. Laissons donc les petites entités régler plus de questions qui les concernent directement, et faisons remonter vers l'Europe les questions faisant vraiment le consensus entre les États membres parce que d'intérêt général.

Ces projets pourraient être : une certaine mutualisation de la défense, la lutte contre la pollution (les nuages toxiques ne s’arrêtent pas aux frontières), l’éducation (promouvoir l’équivalence des diplômes, l’enseignement des langues) la monnaie commune, la santé, la politique étrangère (se concentrant sur quatre ou cinq points précis faisant consensus). Plus d’éthique devrait être insufflée dans l’économie, pour contrebalancer la frénésie de l’argent rapide. Les besoins des employés devraient être mieux pris en compte, notamment la flexibilité du temps de travail pour permettre une meilleure vie de famille, un meilleur équilibre.

Besoin primordial de courage et d’enthousiasme
Charles d’Autriche s’est senti seul, faible. C’est dans cette humilité qu’il a reconnu son besoin de Dieu, qu’il a approfondi sa vie intérieure. Ceci donne le courage d'aborder les difficultés, de résister à la tentation de la facilité, de la popularité ou de la « pensée unique ».

À l’instar du Roi Baudouin, de Belgique, Charles d’Autriche a toujours cherché à voir ce qu’il y avait de bon dans l’autre. Il a sans cesse fait des efforts pour dominer et adoucir le jugement négatif qui est souvent instinctivement porté sur autrui. Son épouse Zita a eu pour coutume de dire que chacun et chacune doit repenser à ce qu’est vraiment sa mission, puisque Dieu a voulu un plan pour tout le monde individuellement. Nous sommes tous appelés à être des acteurs de notre propre vie et dans le monde qui nous entoure.

Aussi différents que soient les trois derniers Papes,  un fil rouge les unit l’un à l’autre et peut guider tout chrétien. Jean-Paul II a fait du courage et de la confiance aux jeunes la marque de son pontificat. Benoît XVI a réuni dans ses écrits la foi et la raison, l’intelligence du cœur et celle de l’esprit. François a exhorté les chrétiens à sortir de leur milieu confortable, pour aller vers les plus pauvres et nous appelle à l'action.

Quand nous nous sentons seuls ou découragés, rappelons-nous que nous sommes de moins en moins seuls. Le nombre de jeunes qui veulent s’engager et vivre une vie consistante avec leurs convictions, augmente tous les jours. N'ayons donc pas peur d'aller à contre-courant s’il le faut.

Otto de Habsbourg, le fils aîné de Charles et Zita, conseillait de ne jamais agir pour obtenir des victoires, celles-ci n’étant octroyées que par Dieu, mais d’agir de son mieux là où chacun est, avec ses qualités et ses défauts. C’est l’exemple que nous ont donné Charles et Zita.

Bertrand Ducasse

1 Commentaire

  1. Bruno ANEL

    Il me semble un peu court d’affirmer que la construction européenne a été « dés ses débuts, centrés sur l’économie ». Si cela a eté le cas, c’est parce que c’était la seule porte d’entrée disponible pour amorcer l’union. Le projet des pères de l’Europe (Schuman, de Gasperi, Adenauer: trois chrétiens) avait la paix pour premier objectif. S’ils ont commencé par créer la communauté du charbon et de l’acier , c’est parce que les nations européennes n’étaient pas prêtes, à l’époque, à concéder des abandons de souveraineté politique: on l’a bien vu avec le rejet par la France du projet de communauté européenne de défense en 1954. De Gaulle aussi n’en voulait pas. Les fondateurs ont donc commencé par la constitution d’un marché commun. Mais il ne fait aucun doute qu’il faudrait aller plus loin aujourd’hui.