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Clark Terry (1920-2015), « la voix la plus joyeuse du jazz »

 
Le 21 février dernier s’éteignait une voix dont la beauté a enchanté les salles du monde entier, et formé des générations de musiciens. Si le nom de Clark Terry, alias C.T., ne vous dit rien, qu’il suffise de rappeler qu’il fut le disciple de Duke Ellington, qu’il a joué pour Count Basie et qu’il fut à son tour le mentor et l’ami de Miles Davis et Quincy Jones, et vous aurez compris l’ampleur du personnage.Mais ce qui frappe chez Clark Terry c’est son humilité, sa passion de la musique, son amour de la trompette conservant en lui, jusqu’à la fin, cette attitude de l’enfant qui s’émerveille. Il aimait à rappeler que « l’on peut toujours, en écoutant une musique, percevoir le type de personne qu’est le musicien. » Lorsqu’en 2010 il reçut un Grammy Award honorant l’ensemble de sa carrière, il fut désigné comme « ayant un son que l’on reconnaît dès les premières notes… le son le plus joyeux du jazz ! »

Clark Terry en 1981

Si la musique est toujours restée son grand amour, elle s’est doublée d’un second amour. « Tard dans la vie, moi qui croyais qu’il n’y avait rien de plus important pour moi que de jouer de la trompette, je me suis découvert une nouvelle passion : aider de jeunes musiciens à réaliser leur rêve ! C’est cela qui a été ma plus grande joie, ma plus haute aspiration.» Lui qui a enregistré au total plus de 900 albums en 70 ans de carrière musicale, c’est surtout comme maître et enseignant que son héritage s’est transmis aux générations suivantes. Quincy Jones se souvient de lui comme d’un père : « J’ai tellement reçu de lui, comme musicien et comme homme, qu’il m’est impossible de trouver les mots… Sans lui je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. C’est son amour, son accompagnement qui m’a encouragé à toujours viser plus haut. C’est la chose la plus importante pour un jeune musicien vous savez… Quelqu’un qui a foi en vous… Cela vous permet d’avoir davantage foi en vous-même ! »

Clark Terry fut un maître, de ceux qui permettent à leurs élèves de trouver leur voix unique et leur propre liberté, car il fut pleinement disciple. Ce n’est pas sans émotion qu’il évoque Duke Ellington, des années plus tard : « Jouer dans son orchestre c’était étudier, tous les soirs, avec le plus grand… C’était une belle âme… L’homme le plus réel que j’ai jamais rencontré ! » Depuis le jour où un vieux tuyau et un entonnoir ramassé au hasard d’une décharge se transformèrent en sa première trompette, Clark Terry n’a eu de cesse d’apprendre, de chercher, de travailler.

Sorti aux Etats-Unis en 2014, le documentaire Keep on Keepin’ On, de Alan Hicks (lui-même un de ses étudiants), trace un émouvant portrait de Clark Terry, le musicien, l’homme, le maître. Le film suit en particulier son amitié avec le Justin Kauflin, un jeune pianiste aveugle de 26 ans. Leur passion commune pour la musique devient l’aliment d’une amitié qui naît au pied du piano de Justin et se poursuit au chevet du lit d’hôpital de Clark Terry, amputé de ses deux jambes en 2012. La souffrance est grande, mais l’amour est plus fort. « Ce n’est pas facile, croyez-moi ! Mais abandonner n’a jamais été et ne sera jamais une option. Je sais que « Big Prez » [le surnom qu’il donne à Dieu] est avec moi. Il a été avec moi toute ma vie. »

Un jour, Justin demande à son maître : « C.T., parmi les musiciens il y a beaucoup d’amateurs, et tellement peu de maîtres, pourquoi ? Qu’est-ce qui fait la différence ? » A quoi C.T. répond : « Le désir. » C’est cela qui rend l’homme beau et grand : son désir, désir de beauté, désir de vérité, désir d’absolu. Puisse sa voix résonner longtemps encore dans nos oreilles, et faire naître en nous se même désir d’une vie libre et pleine, féconde et toujours en croissance !

Bande-Annonce de Keep on Keepin’ On (Alan Hicks, 2012) :

Clark Terry interprétant son célèbre “mumbles” :

 

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