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Warren Buffett : du conglomérat disparate à la maison permanente

Le 2 mai dernier avait lieu à Omaha, la 50ème réunion d’actionnaire du conglomérat Berkshire Hathaway sous le double management de Warren Buffet (85 ans) et Charlie Munger (91 ans). Mais qu’a-t-il de spécial, ce capitaliste aux allures de bon vieux grand-père qui a augmenté sa mise de départ de 22% par an pendant 50 ans ? Quelle est la recette de ce succès hallucinant ? C’est la question à cent milliards de dollars que se posent tous les financiers de la planète qui viennent en horde tenter de chercher la réponse à Omaha.

Warren Buffett, icône du rêve américain, parti de rien pour devenir troisième fortune mondiale a mené tambour battant cette nouvelle assemblée, six heures durant, sous le feu roulant des questions des actionnaires et des journalistes.

Dans sa dernière lettre annuelle aux actionnaires, il réalise un bilan de ces 50 dernières années à la tête de BRK avec son vieil ami de toujours Charlie Munger et dresse un tableau prospectif pour les 50 prochaines années.

Il est intéressant d’y lire le chemin de ce passionné d’investissement financier. Suivant son premier maître Benjamin Graham, d’abord enclin aux coups financiers à court terme, peu à peu, à travers l’amitié avec Charlie Munger, il aura l’intelligence de suivre ses conseils : « Oublie ce que tu sais sur l’achat d’entreprises honnêtes à des prix merveilleux, à la place, achète des entreprises merveilleuses à des prix honnêtes. » Il se passionne alors pour le métiers de ces entreprises, pour leurs fondateurs et leurs managers. Entrer à BRK -et c’est sa publicité- c’est pour la vie, contrairement aux autres investisseurs qui ont un horizon beaucoup plus limité, souvent à quelques années seulement. BRK, est donc « une maison permanente[1] ». Tout y est basé sur la confiance avec les managers de chaque unité du groupe où il règne une très grande délégation, « jusqu’au point d’abdication »[2].

Une confiance qui s’établit dans un dialogue. Buffett a été très marqué par l’affaire de la banque Salomon qu’il avait racheté. Un problème mineur qui ne lui avait pas été communiqué, ou plutôt très ou presque trop tard, était devenu un énorme problème qui a failli emporter la banque et ses 8 000 employés d’alors. Il le répète à l’envie, communiquez avec moi, en cas de problème, « appelez moi ». Au point d’écrire une lettre à ses managers sur le sujet qu’il mettra en annexe de sa lettre aux actionnaires 2010.[3]

Il est conscient que l’orgueil, qu’il définit par la triade arrogance, bureaucratie et suffisance, peut détruire une société très rapidement, quelques soient les résultats passés. Il cite notamment les exemples d’IBM, de US Steel mis à terre malgré de bonnes performances à cause de cette gangrène.

Le prochain président de Berkshire ne devrait pas venir de l’investissement d’après ce qu’il semblait indiquer lors du dernier meeting d’actionnaires, mais plutôt des opérations. Peut-être parce que finalement la clé n’est pas tant dans une technique que dans une amitié avec les autres managers. Parce que, comme il dit dans son mémo à ses managers de 2010, « c’est la culture d’entreprise avant les livres de règles qui détermine comment une organisation se comporte. »

Il insiste dans sa dernière lettre aux actionnaires, « il est très important que nos interlocuteurs soient à la fois familiers et se sentent à l’aise avec le directeur de Berkshire. Développer une telle confiance et cimenter les relations prends du temps. Mais le gain peut en être important. »

Bien entendu, la confiance n’exclut pas le contrôle : « nous avons évidemment un département d’audit actif, nous ne sommes pas fous. Cependant, à un degré inhabituel, nous faisons confiance à nos managers pour gérer les opérations avec un sens aigu de la responsabilité. Après tout, ils font exactement ce qu’ils faisaient avant que nous acquérions leurs entreprises. De plus, à part quelques exceptions occasionnelles, notre confiance produit des meilleurs résultats que ceux obtenus par des fleuves de directives, des commentaires à n’en plus finir et des couches de bureaucratie. Charlie et moi nous essayons d’interagir avec nos managers d’une façon semblable à celle que nous aimerions avoir, si les positions étaient inversées ».

Finalement, ce qui est fascinant chez Warren Buffett, ce n’est pas qu’il va donner la plus grande partie de sa fortune à des fondations (qui ne portent même pas son nom), ce n’est pas cette performance économique, même si elle attire l’attention, c’est cette simplicité qui semble émaner de sa finance. Comme un rappel, comme si l’économie, la finance, finalement, avant d’être une affaire de cash-flows, de ratios complexes, sans pour autant les exclure, étaient avant tout une affaire de communion entre les hommes.

 

Lire aussi sur Tdc : 

 

 


[1] Lettre aux actionnaires 2014, Warren Buffett, p. 5, 32, 37.

http://www.berkshirehathaway.com/letters/2014ltr.pdf

 

 

 

 

 

[3] Lettre aux actionnaires 2010, Warren Buffett, p. 104-105

http://berkshirehathaway.com/letters/2010ltr.pdf

 

 

 

 

 

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