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Billings ou le magistère de la sexualité

Le livre « Confidences Billings à un frère prêtre » témoigne d’une longue expérience d’accompagnement des familles. Entretien exclusif avec ses auteurs, Gabrielle et Bertrand Vialla, présidents de Billings France.

 


Gabrielle Vialla

 

Gabrielle et Bertrand Vialla, pourquoi vous êtes-vous lancés dans cette aventure ?

Le Bon-Dieu nous prépare souvent secrètement longtemps à l’avance. Étudiants, nous avions à cœur de témoigner de la beauté de la vie dès sa conception. C’était le ciment ou l’option « viscérale » de notre amitié. Je suis un peu comme Obélix (Gabrielle): je suis tombé dedans quand j’étais petite, j’ai reçu cela dans ma famille. Bertrand c’est plutôt Astérix ou Idéfix… cette découverte l’a définitivement ébranlé. Nous avons continué naturellement en étant moniteurs de cette fameuse méthode Billings parce qu’elle est un moyen fascinant d’éducation des cœurs à cet amour de l’enfant à naître. Pour les foyers, grandir dans la chasteté conjugale est un programme. Il y a aussi un témoignage et une incitation pour que les personnes consacrées, les prêtres, prennent conscience d’appartenir au peuple de la Vie, donc à celui du bel Amour.

De façon plus immédiate, il a fallu aussi quelques péripéties pour que le jour de la nativité de St Jean Baptiste je rende compte de quelques belles aventures dont j’avais été le témoin sous la forme d’une lettre à un frère prêtre.

Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots ce qu’est la méthode Billings ?

C’est une méthode de régulation naturelle des naissances. À partir de la sensation que la femme a quotidiennement au niveau de la vulve ou à partir de l’observation de la glaire cervicale, toute femme peut suivre, ou plus exactement, vivre consciemment les différentes phases de son cycle. C’est ce que nous souhaitons à toute femme, quel que soit son état de vie. Pour le foyer, il s’agit d’exercer une paternité et une maternité responsable en s’interrogeant sur le plan de Dieu sur leur famille. Sommes-nous appelés à nous ouvrir à un éventuel nouvel enfant (généreuse prudence) ; ou devons-nous différer une nouvelle naissance, pour le bien des enfants déjà nés ou pour celui des parents (prudence qui reconnait humblement ses limites) ?

Dans un monde qui propose de grandes facilités contraceptives, quel intérêt y aurait-il à utiliser une méthode qui semble si contraignante ?

Ce que nous proposons, c’est un vécu conjugal d’une autre dimension. Une autre planète que la planète contraceptive, qui voit dans l’enfant un danger potentiel à éviter, et dans l’amour charnel non pas une authentique donation réciproque mais une récréation.

Voici l’erreur à ne pas faire : mettre sur le même plan les méthodes contraceptives et les méthodes naturelles. Erreur aussi due à l’emploi du mot « méthode » dans les deux cas. C’est pourquoi nous préférons parler de « régulation naturelle des naissances », pour associer continence périodique au respect de ce qui vient de Dieu, respect de ces corps féminin et masculin, de leur fonctionnement et de leur complémentarité.

N’est-ce pas une limitation du plaisir sexuel et de l’épanouissement personnel ?

Au contraire. C’est en répondant pleinement à notre vocation que l’on est heureux, épanoui. L’épanouissement personnel et conjugal passe par l’acceptation de cette merveilleuse et exigeante complémentarité entre l’époux et l’épouse. La sexualité humaine n’est pas faite pour être permanente. Le contraire nous est « rabâché » par la soi-disant libération sexuelle, la pornographie, la contraception. Non… Le plaisir qui s’harmonise à la joie et à la paix – le seul que notre cœur désire vraiment – n’est pas étranger aux autres dimensions de notre être : notre intelligence, notre affectivité, donc à la vérité sur nous-mêmes. Le plaisir qui est recherché pour lui-même, dans l’égoïsme, même à deux, rend triste et malheureux.

On reproche à cette méthode de ne pas être fiable. Qu’en est-il ?

Cela est très relatif. D’autres reprochent à notre méthode d’être trop fiable.

La réalité est que cette fiabilité dépend de facteurs aussi différents que l’implication des conjoints, le temps et l’attention qu’ils ont portés à se former à la méthode, la rigueur quotidienne dans l’observation pour la femme – la tenue d’un tableau répertoriant ces informations est indispensable. La maîtrise de soi doit être travaillée pour suivre les règles de prudence. Il faut de plus accepter humblement d’être aidé par un foyer moniteur pour l’apprentissage et les éventuels moments plus compliqués de la vie (ex. allaitement, péri-ménopause, maladie…).

La méthode Billings semble contraindre la femme, est-ce le cas ? Qu’implique-t-elle pour la sexualité masculine ?

Conduire une voiture est une contrainte ou une liberté ? Au début, lorsqu’il faut passer le code et acquérir les bons réflexes, c’est difficile ; mais lorsque c’est acquis, quel soulagement ! Et ensuite, cela ne vient à l’idée de personne de dire que de savoir conduire est une contrainte. C’est une image, mais la femme, qui enfin se comprend elle-même, vit cela comme une liberté.

Pour l’homme, cela veut dire accepter de se mettre au rythme du cycle de sa femme. Pour certains, c’est un gros effort. Mais qui peut mener à une victoire sur soi-même dont ensuite il est fier. De nombreux hommes témoignent qu’en déplacement professionnel par exemple, pour éviter de tomber dans la pornographie et rester fidèle à leur femme, cette habitude prise de maîtrise de soi est bien utile.

Pour le couple, c’est prendre le rythme de s’attendre puis se retrouver. C’est aussi un vaccin contre la routine. Un des défis est de bien se retrouver en période post-ovulatoire inféconde, lorsque la libido féminine est plus basse. Cela repose entre autres sur l’homme et sur des choix de vie. La régulation naturelle des naissances demande de prendre du temps l’un pour l’autre, de placer le bien du couple haut parmi nos priorités.

Alors cela change les relations entre l’homme et la femme, n’est-ce pas ?

On peut dire que nous retrouvons un peu de ce « quelque chose de l’origine » qui a été perdu par le péché. Aujourd’hui, la mentalité contraceptive a un support matériel : la contraception n’est pas qu’un concept, ce sont aussi des supports physiques, comme le préservatif ; certains potentiellement abortifs – stérilet, pilule, etc. – qui nous troublent anthropologiquement. Cela est tellement installé que vous en venez à dire, à juste titre, que c’est de vivre « sans » qui change nos relations. Oui, la contraception est à l’origine de multiples dissociations, ruptures dont nous subissons les effets. L’encyclique Humanæ Vitæ du Bienheureux Paul VI apparaît dans toute sa limpidité et son caractère prophétique pour qui choisit de la lire, ne serait-ce que comme simple observateur.

Vous semblez même évoquer le fait que la méthode Billings change la relation au corps et à la réalité. En quoi ?

L’homme et la femme, qui choisissent de se donner tels qu’ils sont, doivent d’abord se recevoir de Dieu aussi tels qu’ils sont. Notre corps n’est pas étranger à ce pour quoi notre cœur est fait. Notre cœur est fait pour le don. Notre corps dans sa masculinité ou sa féminité exprime ce don. Cette méthode nous fait prendre conscience de notre corps fait pour l’amour-don, fait pour donner la vie !

Pourquoi votre livre est-il adressé à un prêtre ?

Une part du ministère du prêtre est d’accompagner les personnes mariées. Il est essentiel que le prêtre puisse percevoir le cœur, le sens de la vie conjugale, pour catéchiser, conseiller, consoler.

D’autre part, le prêtre a aussi une sexualité, même s’il ne l’exerce pas. C’est un homme ! Il est plus heureux qu’il perçoive le don de ce corps qui exprime de façon visible l’amour du Christ pour son Église. De nombreux prêtres affirment que le témoignage de la chasteté conjugale, plus prosaïquement le vécu des méthodes naturelles, est important pour l’offrande de leur propre chasteté dans la continence parfaite.

Cette méthode a-t-elle également une importance pour les personnes qui n’ont pas ou ne peuvent pas avoir de relations sexuelles (jeunes, célibataires, handicapés, personnes homosexuelles)?

Pour les jeunes ou pour les personnes qui ne sont pas appelées au mariage, ce n’est pas la méthode qui est intéressante en tant que telle mais tous les fondamentaux qu’elle présuppose, dont le plus simple est que l’exercice de la sexualité n’est pas un but en soi, mais qu’il exprime un don personnel exclusif, lié à l’accueil de la vie.

Le livre a-t-il rencontré quelque succès ? Quels échos avez-vous eus ?

Nous avons dû rapidement le rééditer. Ce dont nous rendons grâce surtout, c’est que tous les retours de prêtres, de foyers (mais aussi de personnes consacrées ou de célibataires) sont à la fois personnels et profonds, qui expriment un vrai désir de conversion. Et souvent, il y a aussi un choix plus conscient d’assentiment au magistère de l’Église sur l’amour humain et celui de s’engager concrètement pour la vie !

Ce ne sont pas des retours faciles et superficiels. En son temps, après réflexions, prières, cela aide les personnes à porter du fruit… caché le plus souvent.

La méthode Billings, c’est en quelque sorte une écologie sexuelle ?

C’est clairement une prise de conscience de notre situation de créatures. Si l’écologie sexuelle intégrale consiste à rendre gloire à Dieu pour la bonté de la Création dont nous faisons partie, alors oui, la méthode Billings s’y inscrit comme un moyen à ne surtout pas rater !

Propos recueillis par Thomas Billot


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1 Commentaire

  1. TABITHA

    On ne peut que conseiller la lecture de ce petit opus qui dit de façon très simple et claire le bien-fondé de la régulation naturelle des naissances.Il faut ajouter, concernant les prêtres, qu'il peut les aider à entrer dans une dimension capitale du ministère ordonné, celle de la réconciliation.

    Les couples souffrent, c'est une évidence inscrite dans le quotidien de trop nombreuses familles, et ils sont laissés en rase-campagne, sans secours spirituels, parce que personne , dans l'Eglise, n'a pris le temps de les aider sur ce sujet majeur!

    Or l'humilté dont parle Gabrielle concernant la compréhension des mécanismes physiologiques du cycle féminin va permettre l'humilité d'une demande de pardon concernant les manquements et les faiblesses dont nous sommes si souvent les auteurs dans le domaine de la sexualité.

    Tout au long de leur vie, ils vont pouvoir ainsi quitter le domaine du permis-défendu, la conception moralisante de leur vie sexuelle, pour entrer dans la perspective emballante de la participation active ( et sans cesse actualisée) au plan d'amour du Dieu créateur.

    C'est çà, la paternité "responsable" : une écoute attentive et prudentielle du plan d'amour de Dieu pour chaque couple.

    Le secours apporté par un prêtre devient alors source de grâces et de fécondité, malgré cet état de faiblesse lié au péché originel : "Je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades…" dit Jésus ( Marc 2,17)

    Alors  que le péché, non reconnu (et même si souvent délibérément masqué ….) apporte de considérables frustrations, rend incapable de transmettre la vérité du mariage humain et aboutit souvent à des séparations dont la fréquence ne peut que désoler ! 

    Alors, au travail ! Lisez et faites lire à vos prêtres et diacres !