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Le cardinal Sarah à Vezelay : « Si vous êtes fidèles à votre engagement, vous changerez le monde »

Lundi dernier, le Cardinal Sarah a présidé l'eucharistie des routiers scouts d'Europe à l'occasion de leur pèlerinage annuel à Vézelay en cette année où le Mouvement fête les 60 ans de sa fondation. Le don de soi jusqu'au bout, la reconnaissance du Christ comme le "chef par excellence", la conscience d'un héritage reçu dans une filiation et la fidélité aux fondateurs, même dans la persécution, l'humilité, la pureté, la lutte contre les idéologies dévastatrices, le soin d'éviter le volontarisme, sont autant d'idéaux qui motivent l'engagement Routier Scout. Pour lui, "la meilleure manière de comprendre et de transmettre est la vie intérieure en Dieu," la vie de prière. Vécus dans la grâce, toujours première, il s'agit d'un chemin de sainteté et d'un témoignage vivant au milieu du monde. Il citera Guy de Larigaudie, le "Routier légendaire" : « J'ai toujours eu, au fond de moi, la nostalgie du ciel, plus encore maintenant que je connais mieux les beautés du monde. Le ciel sera l'épanouissement de toutes ces beautés, la vie nous y conduit par un chemin dont nous ignorons la longueur, mais pourquoi m'attrister d'avancer sur cette route puisque la Lumière est au bout ? ».

 

Tout d’abord, permettez-moi de saluer respectueusement avec affection et gratitude Mgr Hervé GIRAUD, votre évêque, qui me donne la joie de prendre part à ce grand pèlerinage et m’autorise à présider cette Eucharistie. Je voudrai lui dire un grand merci à lui et à son clergé, pour cet acte de communion. En même temps que je célèbrerai cette Eucharistie aux intentions des Routiers Scouts d’Europe et de leurs familles, je célèbre cette Eucharistie pour Mgr Hervé GIRAUD, pour son clergé et son diocèse.

« Un routier scout qui n’a pas tout donné n’a rien donné.
Un routier scout qui ne sait pas mourir n’est bon à rien.
Mais souviens-toi qu’il est parfois tout aussi difficile de vivre, et maintenant, Frère à Dieu vat… »
 
Chers amis Equipiers Pilotes et Routiers Scouts d’Europe,

Dans ces paroles à la fois magnifiques et exigeantes – et magnifiques parce que exigeantes – vous avez reconnu un extrait du cérémonial du Départ Routier. Après les avoir entendues, le nouveau Routier Scout s’agenouille devant le prêtre pour recevoir la bénédiction de Dieu, puis il s’éloigne, seul, dans la nuit, « accompagné des saints et des saintes », tandis qu’à la lumière des flambeaux, ses frères scouts, qui s’écartent pour lui laisser le passage, chantent « l’Appel de la Route » …

Posons-nous cette question : ce nouveau Routier qui s’éloigne dans la forêt, va-t-il au hasard, vers l’inconnu ? La réponse est non, et cette réponse, chers amis scouts, vous la trouvez inscrite aussi bien dans les pierres de cette basilique que dans vos textes fondateurs, ceux du scoutisme catholique que le Père jésuite Jacques Sevin a rédigés en contemplant la Croix de Jésus Christ, notre Sauveur, qu’il appelait « le Chef par excellence ». En effet, ces paroles de votre cérémonial retentissent ce matin dans cette splendide Maison de Dieu, sublime joyau de la chrétienté médiévale : ici même, à Vézelay, le jour de Pâques 1146, saint Bernard évoqua Édesse profané et le Saint-Sépulcre, à Jérusalem, menacé, invitant les chevaliers qui voulaient revêtir la Croix du Christ, à l'humilité, à l'obéissance et au sacrifice. Or, la chrétienté, pour vous, Scouts d’Europe, n’appartient pas à un passé révolu ; en effet, le troisième principe de votre mouvement affirme, je le cite : « fils de la chrétienté, le scout est fier de sa foi ; il travaille à établir le Règne du Christ dans toute sa vie et dans le monde qui l’entoure ».

Chers amis scouts : ces paroles de votre cérémonial sont l’écho d’autres paroles que, il y a bien longtemps, le roi saint Louis lui-même, dans sa jeunesse, a prononcées, celles de son serment de chevalier. C’était à la mi-novembre 1226, à Soissons, sur la route de Reims, où il se rendait pour être sacré roi de France. Comme vous, saint Louis aimait venir en pèlerinage à Vézelay, et la dernière fois, ce fut l’année de sa mort, en 1270. Au début de la cérémonie d’adoubement, saint Louis avait entendu ces paroles prononcées par l’évêque : « Si tu recherches la richesse ou les honneurs, tu n’es pas digne d’être adoubé chevalier ». Après s’être incliné devant le baussant, cet étendard qui est encore le vôtre, avec la Croix à huit pointes signifiant les huit Béatitudes, Louis IX avait alors promis de protéger la sainte Eglise et de croire à tous ses enseignements, de défendre les faibles, en particulier les veuves et les orphelins, et de faire preuve de courtoisie et de respect envers les femmes (à ce propos, je vous rappelle l’article 5 de la loi scoute : « le scout est courtois et chevaleresque ») ; il avait promis aussi d’être franc, et de combattre le mal et l’injustice. En d’autres termes, il s’agissait, pour le chevalier de la chrétienté médiévale, de conformer sa vie à ces trois mots que vous connaissez bien : « franchise, dévouement, et pureté », qui sont les trois « vertus » principales du scoutisme, et vous savez qu’elles constituent le résumé de la loi scoute en dix articles, que le Père Sevin vous a laissé en guise de testament spirituel. Soyez donc, jusqu’au don total de votre vie, toujours vrais, courageux et pleins de dévouement pour votre patrie et pour l’Eglise. Soyez heureux et fiers de la pureté et de la virginité de votre cœur et de votre corps, au milieu d’une société égoïste et obsédée de sexe.

Oui, chers amis Routiers, vous devez être conscients de l’héritage qui vous est transmis par vos Chefs, car la vie d’un scout, la vôtre, est tissée de ces références, de ces vertus, qui irriguent vos âmes de baptisés, et si, ce matin, il vous est plus facile de prier qu’à l’ordinaire dans ce magnifique vaisseau de pierres, c’est aussi parce que ces vertus de courage, de loyauté, de fidélité, de don de soi jusqu’au martyre, se reflètent dans les pierres de cette basilique, en particulier dans la sculpture du Christ en majesté que vous pouvez admirer dans le tympan du narthex. Comme l’affirme l’apôtre saint Pierre, ce matin, dans cette basilique, dont les pierres sont en quelque sorte les témoins séculaires de tous ceux et celles qui, avant vous, ont témoigné de leur foi, vous, Routiers Scouts d’Europe, vous êtes les « pierres vivantes », qui entrez dans la construction de la demeure spirituelle qui a pour nom « l’Eglise » (cf. 1 P 2, 5). Oui, si les pierres de cet édifice sacré pouvaient parler, nul doute qu’elles chanteraient la gloire de Dieu, et celle des Noces de l’Agneau, déjà présentes en ce monde dans notre liturgie, celle de l’Eglise, avec le chant grégorien, qui en est le plus beau fleuron. Le Christ lui-même n’a-t-il pas dit aux incrédules et aux timorés de son époque, qui voulaient faire taire ses apôtres, à leurs yeux, trop impétueux : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19, 40) ? Nul n’ignore que, depuis la fondation de la Fédération du Scoutisme Européen en 1956 – il y a exactement soixante ans -, et encore récemment, on a essayé de faire taire les Guides et Scouts d’Europe de diverses manières, plus ou moins insidieuses, en leur demandant notamment de bien vouloir atténuer certaines expressions de leurs textes fondateurs, qualifiés d’inadaptés au monde dit « moderne ». Or, au plus fort de la tempête, alors qu’une grande agitation s’était emparée de nombreuses communautés paroissiales et religieuses, vos prédécesseurs, véritables « pierres vivantes » de la sainte Eglise – commissaires nationaux, provinciaux, de district, chefs et cheftaines, conseillers religieux, dont beaucoup sont déjà rentrés à la maison du Père – vos prédécesseurs ont tenu bon dans l’épreuve, humblement et dans la prière, tout comme les pierres de cette basilique Sainte-Madeleine, qui continue à défier les siècles en rendant un témoignage silencieux à la chrétienté, à l’écart de notre monde agité, sur la « colline éternelle » de Vézelay.

Bien chers Routiers Scouts d’Europe, vous êtes les héritiers de cette fidélité humble et ferme de vos prédécesseurs. Ne vous laissez pas entraîner par une Europe ivre de ses multiples idéologies qui ont fait beaucoup de mal à toute l’humanité. Songez au marxisme et ses goulags, au nazisme et ses horreurs, et aujourd’hui la théorie du gender qui s’attaque frontalement aux lois de Dieu et de la nature, démolit le mariage, la famille et nos sociétés, et abime nos enfants dès l’âge de l’école. Je le répète, l’idéologie du genre, les libertés démocratiques sans mesure et sans limites et l’Isis ont tous la même origine satanique. Vous Routiers Scouts d’Europe si vous résistez à cette Europe sans Dieu, orgueilleusement dominatrice des pauvres et des faibles, et qui nie ses racines chrétiennes, vous l’empêcherez de se suicider et de disparaître, éliminée par des peuples plus virils, plus croyants et plus fiers de leur identité et de leur relation à Dieu. Vous êtes le présent et le futur de l’Europe et de l’Eglise. Vous avez les énergies et la foi, et votre attachement à Jésus Christ vous permettra de reconstruire l’héritage chrétien et la société européenne.

Dans la première lecture de cette Messe, l’apôtre saint Paul vous livre le secret de la joie qui doit animer vos Equipes Pilotes et vos Clans de Routiers : il vous encourage à vous réconforter mutuellement dans les épreuves, à rechercher l’unité, et surtout pratiquer l’humilité que l’Apôtre des nations décrit ainsi : « Ne soyez jamais intrigants, ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes ». N’est-ce pas ce que nous lisons aussi dans le cérémonial du Départ Routier : « le Routier Scout recherche humblement le vrai et il sert librement l’ordre retrouvé sans écraser les autres sous le poids de sa découverte » ? Oui, comme nous venons de le chanter dans le Psaume de ce jour : le Routier « n’a pas le cœur fier, ni le regard ambitieux ; il ne poursuit ni grands desseins, ni merveilles qui le dépassent ». Cette humilité est celle de Guy de Larigaudie, celui que vous appelez le « Routier légendaire », mort pour la France le 11 mai 1940, qui s’exclamait : « Il est aussi beau de peler des pommes de terre pour l'amour du Bon Dieu, que de bâtir des cathédrales ».

 
Toutefois, l’humilité est le fruit d’un combat spirituel que vous ne pouvez pas mener seul. C’est pourquoi la pédagogie de la Route met à votre disposition deux moyens qui vous permettent de réaliser votre unité de vie, et donc de croître en sainteté : des témoins en la personne du parrain routier et du Père spirituel, et l’Heure Route.

A vos côtés, tout d’abord, se tiennent votre parrain routier et votre Père spirituel. Votre vie est semblable à une montagne que vous devez gravir. Dans cette escalade, le parrain routier, qui est nécessairement un Routier Scout, est le premier de cordée. En effet, comme doit le faire tout Chef scout, il vous précède, et il taille des marches dans la pente de glace de votre existence en donnant des coups de piolet précis qui tracent un chemin, celui qui vous mène à l’unité de vie ici-bas, en vue du grand départ, vers le Ciel. Oui, acceptez de considérer que le Chef, qui vous précède sur la Route de la vie, voit plus loin que vous. Et puis, près de vous, il y a aussi le Père spirituel, c’est-à-dire le prêtre qui vous transmet cette parole de Jésus : « Ma grâce te suffit », pour que vous évitiez de tomber dans le piège du volontarisme. Dans son oraison quotidienne, le Père Sevin voyait une main se poser sur l’épaule du scout, « une main ferme et précise », disait-il, « la main infaillible de Celui qui, seul, a dit : ˝Je suis la Route˝, Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Vous êtes appelés à découvrir cette présence de Jésus au cœur de l’Heure Route, que vous devez pratiquer chaque jour, à l’imitation des moines bénédictins, qui ne cessent leur dur labeur (labora) que pour se plonger dans la prière de louange et d’adoration (ora). Saint Benoît, patron de l’Europe chrétienne, n’est-il pas aussi votre saint patron ? L’Heure Route est une retraite en silence quotidienne, une quête du Dieu vivant présent en vous. Si vous pratiquez l’Heure Route avec persévérance, alors, vous entendrez, dans votre cœur, ces paroles qui résonnaient dans l’âme du Père Sevin : Jésus, « le Chef par excellence », vous dira : « Lève les yeux, mon fils, arrête un moment… Etends la main, mon fils pour connaître ta route ; le Maître Scout, c'est moi, moi dont la divine Présence est toujours à tes côtés, quoiqu'il advienne » (Cf. Le scoutisme, 1930).

L’Evangile de ce jour est un appel au don de soi total, sans retour, dont le levier est la Bonne Action quotidienne (la fameuse BA). Inviter et servir les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles, c’est, comme le dit l’article 4 de la loi scoute « être l’ami de tous », ou comme l’affirme de son côté le cérémonial du Départ Routier, c’est « consentir d’avance au don de soi-même à tout venant, en sachant que le Routier Scout ne s’appartient plus à soi-même, mais aux autres ». Le Père jésuite Paul Doncœur, qui est considéré comme le second fondateur de la Route après le Père Sevin, disait à ce propos : « Lorsque nous quittons l’uniforme, il doit rester un certain style, une certaine manière de vivre, pauvre, simple et souriante, le goût du grand air, de l'effort, la courtoisie, et surtout le sens du service » … qui va jusqu’au don total, car l’article 3 de votre loi affirme que « le scout est fait pour servir et sauver son prochain ». Oui, dans l’Evangile de ce jour, Jésus vous demande d’inviter à la table de votre vie tous ceux que vous rencontrez, et pas seulement vos amis, ni de « riches voisins ». N’est-ce pas ce que le Pape François vous disait à Cracovie, l’été dernier, pendant la veillée des JMJ ? : « Jeune », disait-il, « quitte le divan qui te garantit des heures de tranquillité que tu passes dans le monde des jeux vidéo et devant l'ordinateur… Sans t’en rendre compte, tu t’endors, tandis que d'autres – peut-être plus éveillés, mais pas les meilleurs – décident de l'avenir pour toi… Le temps que nous vivons aujourd'hui n'a pas besoin de jeunes-divan, mais de jeunes avec des chaussures, mieux encore, chaussant des crampons… Nous ne sommes pas venus au monde pour végéter, mais pour laisser notre empreinte ». Chers amis Routiers, ces chaussures à crampons, ce sont celles que vous portez sur la Route Saint-Jacques chaque été… Sur la Route, vous apprenez cette ouverture du cœur que symbolise le bâton fourchu, qui est remis au nouveau Routier Scout avec ces paroles magnifiques : « Prends ce bâton fourchu, image de la fidélité au sol ancestral et l’ouverture du cœur qui sont les marques du Routier Scout d’Europe ». Et le Chef ajoute un peu plus loin : « As-tu songé que la route ne s’arrête pas à la frontière ? Te sens-tu prêt à parcourir la distance qu’il faudra pour rencontrer les autres ? ».

Le but de la Route est de réaliser ce que vous appelez votre « unité de vie » : il s’agit de mettre en cohérence vos désirs profonds et légitimes et la Volonté de Dieu sur votre vie. Parlons de la cohérence. Je prends un exemple. Je suis scout d’Europe, et j’ai prononcé ma promesse : si j’ai fait la fête du samedi soir jusqu’au dimanche matin et que j’ai raté la messe du dimanche, je peux dire que j’ai mis le Christ à la porte de ma vie. Oui, mes actes sont-ils en cohérence avec la loi scoute ? Cette relecture spirituelle, vous pouvez la faire avec le parrain routier et avec le Père spirituel, et vous savez qu’il existe un sacrement pour vous réconcilier avec Dieu et avec vos frères ; c’est celui que nous avons célébré hier soir : le sacrement de Pénitence, ou de la confession. Au sujet de la Messe, et donc de la Communion eucharistique, puissiez-vous dire, comme Guy de Larigauderie : « Sur la Route de ma vie, la communion quotidienne a été pour moi, chaque matin, le bain d'eau vive qui affermit et détend tous les muscles, le repas substantiel avant l'étape, le regard de tendresse qui donne hardiesse et confiance ».

 
Cette maturation humaine et spirituelle vous conduit peu à peu au discernement de votre vocation, quelle qu’elle soit. Il y a celle du mariage chrétien : êtes-vous prêts à vous lancer dans la belle aventure du sacrement de mariage dans une société, celle des pays occidentaux, qui édicte des lois visant à dénaturer la famille, jusqu’au meurtre de l’embryon, qui, il faut sans cesse le rappeler, dès la conception, est un être humain et, par conséquent a un droit imprescriptible à la vie ? A ce sujet, je voudrais rappeler ce que disait le Pape saint Jean-Paul II aux gouvernants communistes de son pays à l’occasion de son premier voyage apostolique en Pologne, en 1979 : « Exclure le Christ de l’histoire de l’homme est un acte contre l’homme ». C’était à Varsovie, et il ajoutait trois jours plus tard à Czestochowa : « Les nations doivent se construire sur la loi de Dieu, sinon elles périssent ! ». L’Occident est menacé de mort certaine si, à travers l’idéologie du genre, il continue son programme diabolique de déstructuration et de démolition du mariage et de la famille, tels qu’ils sont voulus par Dieu. Seule et uniquement l’union entre un homme et une femme constitue un mariage et une famille. Tout autre type d’union est une mascarade qui humilie et déshonore notre humanité, qui a été ennoblie et destinée à être divinisée par l’Incarnation du Fils de Dieu, Jésus Christ. Car, dit saint Irénée de Lyon, « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Oui, démolir le mariage et la famille est un crime contre l’humanité et une insulte faite à Dieu ! Alors, Routier Scout, es-tu prêt, par ton témoignage de futur époux et père de famille chrétien à participer à la défense et à la promotion de la famille et de la vie ? N’oublie jamais toutefois que, pour cela, comme le dit le cérémonial du Départ Routier, tu ne dois être esclave « ni de tes caprices, ni des modes, ni des erreurs du jour », et que tu dois « regarder la vie, non comme une partie de plaisir, mais comme une mission dont rien ne doit te détourner » !

Le Routier Scout peut aussi être appelé par Dieu au « plus haut service », dans le sacerdoce ou la vie religieuse. Je sais que votre mouvement a donné à l’Eglise de nombreux prêtres diocésains, missionnaires, religieux appartenant à diverses congrégations, et aussi des moines. Combien de séminaristes et de prêtres peuvent témoigner que leur vocation a mûri dans cette belle école du scoutisme, qui détourne de l’égoïsme et de la paresse ! Quand le scout prononce sa promesse, quand il prend son Départ Routier, il affirme qu’il place le Christ au cœur de sa vie, et le camp, ou la Route, est une sorte de « retraite à ciel ouvert » où il peut entendre l’appel à se consacrer au Seigneur. Alors, développez en vous la prière, c’est-à-dire la méditation et l’adoration, car, comme je l’ai écrit dans le livre Dieu ou rien : « Je pense que les hommes, comme les arbres, ont besoin de racines qui puissent s’alimenter à la meilleure terre, laquelle est tout simplement l’héritage et la tradition millénaire du christianisme. La vérité des opinions dans une société inondée d’informations ne saurait faire oublier la tradition multiséculaire de l’Eglise. La meilleure manière de comprendre et de transmettre, c’est la vie intérieure en Dieu ! », une intense vie de prière (p. 164).

Je conclus cette homélie en vous laissant ce simple mot, dont vous pourrez vous souvenir : il s’agit de la couleur rouge. Vous êtes dans la « branche rouge » du scoutisme, et moi, je suis en quelque sorte dans la « branche rouge » de l’Eglise, vous, en tant que Routier, et moi en tant que Cardinal de la sainte Eglise romaine ! Vous le savez, cette couleur rouge est le Sang du Christ et des martyrs, que le cérémonial du départ Routier évoque en ces termes : « Reçois la couleur rouge, couleur de la Route, symbole d’amour et de sang, pour que tu n’épargnes ni l’un, ni l’autre au cours de ton existence ». Le jour où le Saint-Père Benoît XVI, en 2010, m’a remis la barrette de Cardinal, il avait dit, dans son homélie : « Votre ministère est difficile, car il n’est pas conforme à la façon de penser des hommes… La couleur rouge de votre habit évoque le sang, symbole de la vie et de l’amour. Le Sang du Christ, que, selon une antique iconographie, Marie recueille du côté transpercé de son Fils mort sur la Croix ». C’est pourquoi, alors que jusqu’à maintenant je vous ai appelés « amis scouts », maintenant, je me permets de vous dire : « frères scouts ».

Je vous confie à Notre-Dame de la Route, que saint Bernard appelait l’Etoile « qui brille dans les cieux, rayonne dans les enfers, illumine le monde, réchauffe les âmes, consume les vices et enflamme les vertus ». C’est elle qui vous mène vers le Soleil de justice, le Christ Seigneur. Au soir de votre vie, puissiez-vous faire vôtres ces paroles de Guy de Larigaudie, qui écrivait à sa sœur, la veille de tomber au champ d’honneur : « J'ai toujours eu, au fond de moi, la nostalgie du ciel, plus encore maintenant que je connais mieux les beautés du monde. Le ciel sera l'épanouissement de toutes ces beautés, la vie nous y conduit par un chemin dont nous ignorons la longueur, mais pourquoi m'attrister d'avancer sur cette route puisque la Lumière est au bout ? ».

Que Dieu vous bénisse et continue de vous accompagner sur cette route belle des Routiers Scouts d’Europe.

Cardinal Sarah

 

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