Home > Littérature > Petit pays

Le premier roman de Gaël Faye, Petit pays, remporte en fin d’année 2016 le Prix Goncourt des lycéens, le prix du premier roman français, le Prix du roman Fnac et enfin le prix des étudiants France culture-Télérama. Les débuts sont prometteurs pour le jeune franco-rwandais de 35 ans. 

Photo : Gaël Faye
 

C’est son premier roman. Dans sa deuxième vie. Diplômé de l’école nationale d’assurances de Lyon et après avoir démarré une carrière dans la finance à Londres, Gaël Faye devient auteur, compositeur et interprète ; il sort son premier album solo en 2013. 

Petit Pays, c’est l’histoire de Gabriel, jeune garçon de 10 ans, grandissant au début des années 1990 au Burundi avec son père, entrepreneur expatrié français, sa mère rwandaise et sa soeur Ana. Le récit d’enfance de Gabriel est vite rattrapé par la violence et le chaos de la guerre civile entre Tutsis et Hutus et du génocide rwandais. 

Pourtant, et c’est ce qui créée l’attachement à ce roman, l’auteur réussit à nous faire traverser ce drame avec originalité. La violence n’est pas édulcorée, n’est pas ignorée, mais Gaël Faye parvient à la distancier à travers le regard de Gabriel.

L’univers du jeune garçon, son « petit pays », n'est autre que sa maison, dans une impasse du confortable quartier d’expatriés Kinanira à Bujumbura. La cueillette des mangues à la perche, les murmures du soir au cabaret, l’ennui des après-midi passées au terrain vague, les jardins de l’impasse plantés d’arbres fruitiers, avocatiers, frangipaniers, kapokiers, les allées de bougainvilliers, le parfum des plants de citronnelle, le crépuscule et la fraîcheur du soir, la crête des montagnes à l’horizon, la saison des pluies. Un cocon d’odeurs, de couleurs, de sensations enveloppe ainsi le lecteur et l’éloigne de la violence du contexte.

Le regard d’enfant posé sur les combats continue de tenir le lecteur à distance en lui esquissant parfois même un sourire: 
 
« – La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ? 
– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.
– Alors… ils n’ont pas la même langue?
– Si, ils parlent la même langue.
– Alors, ils n’ont pas le même dieu?
– Si, ils ont le même dieu. 
– Alors… pourquoi se font-ils la guerre?
– Parce qu’ils n’ont pas le même nez. »
 
La violence est pourtant toute proche : « Certains soirs, le bruit des armes se confondait avec le chant des oiseaux ou l’appel du muezzin, et il m’arrivait de trouver beau cet étrange univers sonore, oubliant complètement qui j’étais ». 

Le regard d’enfant de Gabriel et son envie d’évasion sont nourris par la lecture qu’il découvre au cours du roman : « Grâce à mes lectures, j’avais aboli les limites de l’impasse, je respirais à nouveau, le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes et sur nos peurs. » Gabriel transporte le lecteur grâce à sa ferme volonté de se tenir le plus longtemps hors de portée de la guerre, « érigeant son bonheur en forteresse et sa naïveté en chapelle ». 

L'auteur parvient, sans décrire frontalement la violence, à transmettre la douleur du déracinement et des déchirements familiaux provoqués par le drame puis le retour en France : « Je n’habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d’un lieu, l’anfractuosité de l’environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer ». Le roman n’est pas autobiographique mais l’auteur a pu s’inspirer de ses interrogations personnelles, lui qui quitte le Burundi pour la France à 13 ans en 1995.

Nous retiendrons enfin de ce roman la force d’une famille, qui malgré les séparations, fragilités, deuils et incompréhensions, tâche de continuer à aimer : « Les petites attentions que Papa avait parfois pour Maman me mettaient du baume au coeur. Il l’aimait toujours ».

 

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1 Commentaire

  1. Vincent

    Merci Marion de nous faire découvrir ce livre et cet auteur! Il faut un regard d'enfant pour voir les choses telles qu'elles sont. C'est frais, et cela nous rend humbles: toutes nos analyses, toutes nos opinions sérieuses s'écroulent devant une simple affirmation: "Ils n'ont pas le même nez…"