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Pologne : un siècle de souffrances et de combat pour la liberté

Il y a 100 ans, le monde sortait d’une guerre effroyable. Les polonais aussi avaient beaucoup souffert, d’autant qu’en l’absence de structure étatique, chaque polonais avait dû servir sous le drapeau de la puissance dont il était officiellement citoyen (1,4 millions de soldats dans l’armée d’Autriche-Hongrie, 800 mille dans l’armée allemande et 1,2 millions dans l’armée russe). L’armistice ne fut donc pas une victoire ou une défaite, mais une renaissance.

Photo : Varsovie, 10 novembre 1918, Installation du drapeau polonais. Musée National de Varsovie (https://macierz-francja.eu/fr/exposition-chemins-vers-lindependance-de-pologne/)

Les années qui suivent la proclamation de la deuxième République polonaise sont pénibles, car le pays est exsangue et il faut batailler aussi bien politiquement (indépendance de la Pologne reconnue officiellement par le traité de Versailles le 28 juin 1919) que militairement (en Silésie contre l’Allemagne et à l’est pour refouler l’URSS jusqu’à la victoire de Varsovie en 1921) pour asseoir cette indépendance retrouvée. La fin des conflits avec les voisins n’est pas pour autant une période aisée, puisque devant l’instabilité de la République, le héros de guerre Pilsudski entreprend un coup d’état en 1926 et établit un régime militaire qui lui survivra après 1935 et jusqu’à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, avec qui avait été pourtant passé un pacte de non-agression. S’ensuit alors une ère plus douloureuse encore sous le joug des deux grandes tyrannies du XX° siècle.

L’anniversaire de 1918 est en ce sens étroitement uni à celui de 1989, car ce n’est au fond qu’après la chute du bloc soviétique que la Pologne pu enfin savourer les fruits de la liberté.

Tout au long de cette période, une sorte de mystique de la nation polonaise s’est peu à peu installée dans les esprits, nourrie par un abondant patrimoine culturel et spirituel.

Le poète Adam Miskiewicz résumait ce sentiment : « Ô Patrie ! Tu es comme la santé : ne peut t’apprécier véritablement que celui qui te perd. Aujourd’hui je peux voir et décrire ta beauté dans toute ses attraits, car j’ai la nostalgie de toi. » [1]Adam Mickiewicz,  Pan Tadeusz, Paris 1834

Fresque murale reprenant les évènements du centenaire. Opole. 

Saint Jean-Paul II a aussi souvent médité sur ce mystère :

« C’est en effet l’histoire qui permet de comprendre le rapport tout particulier qu’entretient le peuple polonais encore aujourd’hui avec la patrie (terre de mes pères) ou la nation (terre qui m’a donnée naissance). » [2]Cf. Jean Paul II in. Mémoire et identité Ed. pp . Voire aussi cet article de TdC sur le concept de Patrie dans la poésie de Karol Wojtyła

« La Pologne est une mère toute spéciale. Son histoire n’est pas facile, surtout au cours de ces dernières siècles. C’est une mère qui a beaucoup souffert et continue à souffrir jusqu’à ce jour. C’est pourquoi elle a droit à un amour tout spécial. » [3]Jean Paul II Discours d’accueil à l’aéroport de Varsovie 16 juin 1983

« L’histoire, spécialement l’histoire de notre patrie, est remplie de faits de noblesse. Nous en voyons encore en ces temps qui sont les nôtres. Il nous semble que les efforts en vue de la liberté, du respect de la dignité de l’homme, du respect de son travail, de la possibilité de vivre en accord avec sa conscience et ses convictions, n’ont pas atteint leur but. Ils ont néanmoins changé l’âme de notre nation, sa conscience de soi. Ces efforts élèvent l’esprit. Ils conduisent à considérer qu’il existe dans la vie d’autres valeurs, spirituelles, morales, qui ne s’apparentent pas aux valeurs matérielles, mais prennent une dimension  décisive dans la hiérarchie de ce qui compte vraiment pour vivre ». [4]Jean Paul II Discours aux émigrés polonais, Liverpool 30 mai 1982.

« Dieu protège la Pologne ». Sanctuaire saint Jean-Paul II, Cracovie.

Cette histoire qui ressemble à un vrai calvaire, a été envisagée comme telle par le jeune aumônier du syndicat Solidarité, le bienheureux Père Jerzy Popiełuszko, martyr, lors de ses messes « pour la patrie » :

« Ô Pologne, on t’a privé de tout, mais tu as tout, tant qu’il te reste le ciel et la terre sous tes pieds! Ta terre est frappée du glaive comme le visage de la très Sainte Madonne de Jasna Gora». (Messe pour la patrie, avril 1982)).

« Les croix de notre Patrie, nos croix personnelles, celles de nos familles, doivent mener à la victoire, à la Résurrection, si nous les joignons au Christ qui a vaincu la Croix. (…) Quelle ressemblance aujourd’hui encore entre le Christ couvert de sang sur la Croix et notre Patrie douloureuse ! » [5]Messe pour la patrie, septembre 1982.

Alors que la Pologne est facilement montrée du doigt comme « nationaliste », cet anniversaire doit nous rappeler que ce pays a forgé son identité dans la souffrance, raison pour laquelle les polonais ne sont pas prêts à y renoncer, à s’en « libérer » au nom de la marche de l’histoire qui ferait de l’amour de la patrie un sentiment désuet.

« Une nation possédant une tradition chrétienne millénaire aspirera toujours à la pleine liberté. Car il est impossible de combattre cette aspiration par la contrainte, puisque la contrainte est la force de celui qui ne possède pas la vérité il est possible de plier l’homme par la contrainte, mais non pas de le rendre esclave. Un Polonais qui aime Dieu et la Patrie se relèvera de toute humiliation car il ne s’agenouille que devant Dieu. » [6]Messe pour la patrie, janvier 1983.

References

References
1 Adam Mickiewicz,  Pan Tadeusz, Paris 1834
2 Cf. Jean Paul II in. Mémoire et identité Ed. pp . Voire aussi cet article de TdC sur le concept de Patrie dans la poésie de Karol Wojtyła
3 Jean Paul II Discours d’accueil à l’aéroport de Varsovie 16 juin 1983
4 Jean Paul II Discours aux émigrés polonais, Liverpool 30 mai 1982
5 Messe pour la patrie, septembre 1982
6 Messe pour la patrie, janvier 1983
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