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Le point de vue d’un expatrié.

L’effet de surprise passé, l’émotion et les larmes spontanées du peuple parisien s’efface. Le convoi de la communication organisée trace le chemin au président Macron qui doit prononcer l’oracle.

D’un côté, la flèche enflammée qui s’effondre. Le doigt de la foi tendu vers Dieu, tantôt suppliant, tantôt réceptacle du don qui vient d’en-Haut, « la fine pointe de l’âme » par laquelle l’âme s’unit au Seigneur et à sa grâce, dirait saint François de Sales, disparaît dans la fournaise.

Macron, éclipsant l’archevêque de Paris, s’avance en lui grillant la politesse : « NOUS lançons une souscription nationale et internationale. NOUS rebâtirons l’édifice », s’exclame-t-il en chef de la nouvelle église militante. La porte-parole du gouvernement y va, elle, de son Tweet : « Notre-Dame, c’est avant tout NOTRE Dame ». Le président de l’Europe de concert avec le vice-président lance sa tirade tant attendue : Notre-Dame de Paris, c’est la cathédrale de l’Europe, de NOTRE Europe. Puis en écho, raccrochant les derniers wagons, quelques évêques y mettent du leur : Notre-Dame, c’est avant tout le lieu de la Fraternité, de la paix, du dialogue et du respect.

NOTRE-Dame, notre reconstruction, notre projet commun…

Bientôt les financements pleuvent du ciel de la finance, deux cents millions par-ci, trois cents par-là. La barre du milliard est franchie. Une nouvelle déclaration de Macron s’impose, en chef de l’église souffrante. Le verdict tombe, cela durera cinq ans, cinq ans de purgatoire avant de retrouver la lumière.

Plus tard encore, cette foi-ci en chef de la nouvelle religion triomphante il prévient : nous mêlerons du moderne à l’ancien. De même, apprend-t-on, que la sainte couronne d’épine sera hébergée au Louvre, bien à l’abri du culte des fidèles, à l’ombre de la pyramide, de même Notre-Dame sera restituée au peuple, à la culture, à l’Europe, au paradis des « illuministes en majesté ». Bonne gens, oyez la bonne nouvelle, celle du futur à bâtir ensemble, quintessence de la pensée printemps.

L’archevêque, le jour d’après, prend la parole pour évoquer l’entrée commune dans les ruines de la cathédrale, avec le chef de l’Etat puis la longue accolade remplie d’émotion qui s’en est suivie, comme un passage de flambeau qui désormais sera tenu à deux. Le sanctuaire de Notre- Dame, fruit de l’effort de petits dons pendant des siècles, sacrifice de générations de gens humbles et croyants (plus de 70 % de la somme totale affirment les historiens, est venue des dons particuliers des fidèles) devra maintenant sa survie et sa reconstruction à l’aumône de l’Etat et de la finance qui prendront les commandes des travaux. « Nous aurions pu entendre parler un peu plus de notre peuple catholique », dit l’archevêque, « parlons de nos pompiers, nos serviteurs de l’état et de leur sauvetage et rendons-leur hommage », rétorque Macron. NOTRE-Dame est en façade, Notre-Dame, Elle, la Mère de Dieu, aux oubliettes.

Une nouvelle alimente la chronique : un concours et une formation de tailleur de pierres sera organisée de toute urgence. Les corporations de la modernité, affiliées aux loges, seront de la partie. Qui sait si le doigt fragile de la foi élevé vers Dieu ne fera place à son tour à une pyramide ou une autre forme géométrique aux mesures parfaites, pointant orgueilleusement son sommet vers le ciel, une « composition mêlant ancien et moderne ».

Deux gargouilles resteront définitivement à l’extérieur. L’insupportable publicain et protestant Donald Trump qui s’est permis de proposer directement au pape François l’aide de ses architectes, enjambant honteusement la future construction de NOTRE-Dame Europe et son principal acteur Emmanuel Macron. Matteo Salvini, l’amoral et l’adultère, dans sa vie privée comme dans sa gestion des affaires publiques : « La croix de Notre-Dame a résisté, un signe d’espérance ».

Sur le parvis, les troubadours et les poètes. L’inénarrable Lucchini amuse les passants : « peut-être s’agit-il d’un signe », c’est du Péguy, c’est un événement transcendant, métaphysique – Applaudissements – « Je ne suis pas chrétien mais la France est chrétienne » – Applaudissements -.

Puis il y a les gueux, les jeunes catholiques de France à genoux, chapelets et cantiques en bandoulière. Les témoins indécrottables d’un monde déchu laissés là à la risée, sans pasteurs, juste muni de leur dignité royale, celle des baptisés. Il y a aussi tous les invisibles qui ont depuis longtemps entrepris le pèlerinage intérieur, les Stalker, comme celui de Tarkovsky, qui s’inquiètent « ils ont perdus l’organe de la foi » et qui, chaque fois que retentit le« NOUS » de la « religion du monde », supplient sans cesse en silence : Kyrie Eleison, Parce Domine, Parce populo tuo.

Tous les ingrédients sont prêts, après le Lundi Saint de l’entrée dans la Passion, c’est l’heure du Vendredi Saint : « Ils se sont partagés mes vêtements », sous le regard commun de Pilate et de Caïphe.

Mais le Temple de son corps, Lui, sera reconstruit. Trois jours saints où dans la nuit de Pâques l’Eglise souffrante, l’Eglise militante et l’Eglise triomphante s’uniront dans le chant de l’Exultet.

Ô nuit qui nous rend à la grâce et nous ouvre la communion des saints (le NOUS véritable)

Ô nuit qui seule a pu connaître le temps et l’heure où le Christ est sorti vivant du séjour des morts ; ô nuit dont il est écrit : « La nuit comme le jour illumine, la ténèbre autour de moi devient lumière pour ma joie »

Ô nuit bienheureuse, où se rejoignent le ciel et la terre, où s’unissent l’homme et Dieu.

Ô Père, accueille la flamme,
Qui vers toi s’élève en offrande, feu de nos cœurs !
Que brille devant toi cette lumière !
Demain se lèvera l’aube nouvelle

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3 Commentaires

  1. Aude G.

    Merci beaucoup pour ce très bel article qui remet toute chose en perspective, et nous permet de vivre ces journées saintes dans la matière du drame de la Passion du Christ et dans l’histoire du salut.
    A propos « des gueux, juste munis de leur dignité royale, celle des baptisés », voici le témoignage d’ un ami orthodoxe biélorusse, Andrej Strocaŭ qui priait avec les autres Stalker dans les rues de Paris au moment où Notre-Dame se consumait…

    Comment c’était.
    Je suis à la maison, et appelle mes parents. Je commence à dire une chose importante et soudain, derrière une fenêtre, un hurlement de sirènes retentit. Je cours à la fenêtre en me disant « j’espère rien de terrible ». Il était exactement huit heures.
    J’éteins Messager, et ouvre Facebook.
    J’y vois les premières photos d’actualité de Notre-Dame en feu.
    La dernière fois que j’étais là-bas, c’était le 5 avril, pour la vénération de la couronne d’épines.
    Je sors de la maison. J’habite tout près.
    De ma rue, je vois une énorme colonne de fumée.
    Après environ 20 minutes, j’atteins l’église melkite de Saint-Julien-le-Pauvre, juste en face de la cathédrale, de l’autre côté de la Seine. De là, vous pouvez voir tout le feu.
    Les gens sont debout et chantent « Je vous salue Marie, pleine de grâce « .
    Je reste là.
    Un flot de personne arrive, jusqu’à ce que plusieurs centaines de personnes chantent dans la rue.
    Certains prient à genoux sur six rangées.
    Certains tiennent des icônes et des chapelets.
    Un peu de sociologie. Presque tous entre 20 et 30 ans, des hommes et les femmes. Européens, Indiens, Africains, Maghrébins, Chinois. Il y a plusieurs enfants.
    Mon voisin est venu pendant un moment. Puis vint trois amis.
    La prière est constante, sans pause.
    Des hommes forts en larmes. Mais pas seulement eux.
    Plusieurs fois, quelqu’un s’avance et demande une minute de silence. Mais la prière chantée continue.
    La première fois, lecture de l’évangile de St Jean 2: 13-25, l’expulsion des marchands et la prophétie de Jésus sur la destruction du Temple. Chez St Jean c’est la première Pâques de Jésus à Jérusalem. Pour le reste des évangélistes, cela se produit immédiatement après l’entrée à Jérusalem, c’est-à-dire avant la dernière Pâques.
    C’est justement aujourd’hui le lundi saint.
    La deuxième fois, tout le monde prie ensemble le « Notre Père ».
    Pour la troisième fois, la prière à sainte Geneviève, patronne de Paris est lue.
    Pour la quatrième fois – une prière à la Vierge Marie du Saint Pape Jean-Paul II, qu’il a dite devant Notre-Dame.
    La cinquième – la prière de saint François.
    La sixième celle de Charles Peguy sur la Vierge Marie.
    A la septième – une prière pour les pompiers.
    (J’ai peut-être oublié quelque chose).
    Certains ont apporté de l’eau et des biscuits, qui passent de main en main.
    Il n’y a pas de prêtres, personne qui dirige d’une manière ou d’une autre, tout est absolument spontané.
    Un garçon et une fille avec des violons apparaissent et ajoutent leur propre musique au chant.
    Il fait noir, les lumières sont allumées.
    Dans les deux tours de la cathédrale, les lumières des pompiers clignotent constamment.
    Au-dessus de la cathédrale, des étincelles rouges et des étoiles rouges semblables à celles des drones-caméras.
    Les cloches sonnent de tous les côtés.
    À 23h10, un homme sort et dit que la structure de la cathédrale a été sauvée.
    Quelqu’un commence l’hymne « Nous te saluons, Couronnée d’étoiles » et tout le monde reprend.
    Puis plusieurs chants à la Mère de Dieu.
    Ils disent que la couronne d’épines et la tunique de Saint-Louis ont été sauvées du feu.
    Quelqu’un commence à chanter le Salve Regina en latin et tout le monde chante aussi.
    Et puis encore, Je vous salue Marie, tout le temps.
    Le feu brûle toujours, mais un peu plus faible.
    Peu à peu, les gens commencent à se disperser.
    Après minuit, nous nous levons avec des amis et prenons le métro.
    Une journaliste s’approche de moi, montre son téléphone où elle a tapé tout le texte du « Je vous salue Marie » et demande quel genre de prière il s’agissait.
    Je lui dis.
    Nous regardons une autre rue, il y a beaucoup de gens et ils chantent tous aussi.
    C’était semblable dans d’autres rues, ponts et places.
    Des milliers de personnes chantent pendant des heures dans les rues.
    C’est comme une révolution.