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Chemin de Croix Points-Cœur

Le chemin de croix d’Ivanka Dymyd a été peint sur plusieurs années et non de manière chronologique avec des temps de pause, de fulgurance (comme les chutes du Christ), avec ses propres douleurs et sa compassion pour son amie qui est morte lors de l’achèvement des dernières stations. Le rouge inonde chaque image : couleur de sang et de passion, couleur de la royauté. La Gloire et la Croix. Le peintre se tient ici entre la nuit du monde et la contemplation du plus bel enfant des hommes… raillé, défiguré, cloué. Tout comme les bénévoles Points-Cœur dans leur mission de compassion.

Ivanka m’a confié un jour que ce chemin de croix était aussi pour Points-Cœur. Les textes écrits par les bénévoles de Points-Cœur se tiennent donc apud, à côté des images. Souvent l’évènement qu’ils transmettent devient cette image même : le Christ en croix avec son corps d’enfant, c’est la petite Mariana ; Véronique, c’est Ramona se tenant devant la face du Christ et tant d’autres…

Par leur regard de foi, leur vision, Ivanka et les bénévoles nous aident à percevoir « dans le Christ l’humiliation et l’offense subie par l’Amour éternel et, dans le prochain défiguré, la lueur de la grâce de ce qui est du Christ » [1]Hans Urs von Baltasar

 

1ère Station : JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT

Viqui, l’intelligence de l’amour

 

« Je voudrais vous parler de Viqui. C’est une très, très bonne amie, une des premières amies de Points-Cœur, lorsqu’on est arrivé dans le quartier, il y a vingt-trois ans. C’est un peu notre maman. Dans un texte qu’on a étudié, une phrase m’a marquée : « La valeur de l’être humain se révèle dans son rapport à la souffrance et à ceux qui souffrent. » Viqui illustre parfaitement cette phrase. Il y a trois semaines, le mari de Tamara (sa fille) l’a abandonnée pour se mettre en couple avec la cousine de Tamara qui habite au bout de la rue. Scandale dans le quartier, disputes familiales, beaucoup de gens qui parlent, et une énorme souffrance dans le cœur de Tamara qui s’effondre. Viqui, avec son cœur de mère vit la compassion jusqu’au bout, jusqu’à ressentir toute la souffrance de sa fille. Mais, au lieu de crier comme les autres, au lieu de chercher querelle à sa sœur qui a laissé faire tout ça, au lieu d’alimenter les commérages, Viqui n’a qu’une idée en tête : prier pour que le cœur de sa fille ne se remplisse pas de haine. Et c’est ce qu’elle fait  jour et nuit. La justesse de son jugement et sa lucidité m’ont saisie et m’impressionnent. »

Colombe – Argentine

 

2ème Station : JÉSUS EST CHARGÉ DE SA CROIX

Tanti Veronica ou la croix partagée

 

« Comme chaque année, le Point-Cœur a organisé son propre chemin de croix, en prenant comme stations, les maisons de nos bunicii (grands-parents) du quartier. Notre procession s’élança alors : de bunicii en bunicii, nous déposions la croix, allumions une bougie, priions ensemble quelques instants et repartions. En nous dirigeant vers les dernières stations, nous reconnaissons de loin Tanti Veronica, que nous avons l’habitude de croiser dans un quartier tsigane. C’est une bien vieille grand-mère, toute éprouvée par la vie, toute flétrie et toute endolorie par le poids des années et de ses maladies, mais pourtant si courageuse et si belle… Nous voyant approcher, avec notre croix de Jésus immolé, de grosses larmes dévalèrent les vallons de ses rides. De douleurs physiques ? D’émotion ? Probablement un peu des deux. Quant à nous, l’émotion nous prit aussi et nous lui proposâmes alors de prier une station avec nous, au milieu du trottoir. Puis, la laissons repartir. Que faire sinon ? Nous ne sommes en mesure de rien pour l’aider, à part soulever un peu le poids de sa croix. Car, qui plus que cette Tanti, pouvait être au plus près des souffrances du Christ ? « 

Philippine – Roumanie

 

3ème Station : JÉSUS TOMBE POUR LA PREMIÈRE FOIS

Sur le chemin de la foi, va pas trop vite car la route est cabossée

Manu, c’est un adolescent de quinze ans, qui a toujours avec lui sa guitare et un petit sourire. Il est assez discret, mais il est un des premiers à avoir pris l’habitude de passer au Point-Cœur, juste pour visiter, aider quand il y a des travaux et partager un repas de temps en temps. Petit à petit, il nous a fait découvrir sa famille dont nous sommes assez proches aujourd’hui. Il est le cinquième de huit enfants, il vit avec sa mère et certains de ces frères et sœurs dans une maison très humble. Quand on l’a rencontré, Manu était une sorte de « miracle », pour utiliser les mots du Padre Ricardo. Au milieu d’une famille éprouvée (prison, séparation,…) et d’un quartier où la majorité des gars de quinze ans n’échange pas que des cartes Pokémon, lui, est un gars posé, un peu dissipé en cours, mais assidu à la guitare et très serviable, avec un grand cœur. Son désir de Dieu et son désir d’aider sont assez impressionnants. J’avais eu la chance de l’accompagner, lui et son frère, en novembre, lors de leur retraite de préparation à la première communion. Manu, c’est notre premier et plus fidèle ami ado (ce n’est pas l’âge que la mission touche le plus). Il est beau, Manu, et il y a en lui une certaine innocence qui éblouit un peu et fait cligner des yeux dans un quartier comme celui-ci. Cependant, ça fait maintenant un mois que je ne l’ai plus vu, parce qu’on pourrait dire qu’il est « dans une mauvaise passe ». En décembre, tout roule jusqu’au 12, où il fait sa première communion. Ensuite, il participe à une semaine de mission dans un autre quartier, durant laquelle il est tout fier de passer à la télé. Puis, se terminent les fêtes, il vient passer une journée avec nous à la plage et puis, on ne le voit plus trop. Sa mère nous confie ses inquiétudes, il passe en éclair le 4 janvier, sans dire un mot, puis disparaît. On a appris cette semaine qu’il avait commencé à « fumer » (plus que des cigarettes) et que sa mère l’a envoyé vivre avec son père… En réécrivant ce paragraphe, j’ai changé tous les temps pour les remettre au présent : Manu EST beau, et ses désirs de Beau sont impressionnants mais, dans ce quartier, les chemins de vie ne sont pas goudronnés et on a vite fait de se « croûter » dans un virage.

Etienne – Uruguay

 

4ème Station : JÉSUS RENCONTRE SA MÈRE

PRIÈRE

 

 

 

« Ô Marie, toi qui as parcouru le chemin de la croix avec ton Fils, déchirée de douleur dans ton cœur de mère, mais te souvenant toujours de ton fiat et intimement convaincue que Celui à qui rien n’est impossible saurait réaliser ses promesses, implore pour nous et pour les hommes des générations futures la grâce de l’abandon à l’amour de Dieu.

Fais que, face à la souffrance, au refus, à l’épreuve, même prolongée et violente, nous ne doutions jamais de son amour.

À Jésus, ton Fils, honneur et gloire pour les siècles » 

Saint Jean-Paul II – Chemin de croix 2000

 

 

 

 

5ème Station : SIMON DE CYRÈNE AIDE JÉSUS À PORTER SA CROIX

Comment pourrais-je oublier ?

 

 

 

Comment pourrais-je oublier avec quelle force-tendresse tu m’as chargé sur ton dos et m’as conduit à travers les ruelles jusqu’au petit local mis à notre disposition près de la cathédrale ? Comment pourrais-je oublier avec quel profond respect vous avez lavé délicatement mon frêle corps tout grelottant et endolori de courbatures fiévreuses ? Comment pourrais-je oublier avec quelle ingénuité, toi et tes amis, m’avez concocté une douillette paillasse, à même le sol, et avec quelle bonté vous m’avez nourri patiemment de ce que vous aviez sous la main ? Comment pourrais-je oublier ces mots si réconfortants que vous murmuriez gentiment au creux de mon oreille ? Comment pourrais-je oublier ?

Alexandre – Philippines

 

 

 

6ème Station : VÉRONIQUE ESSUIE LA FACE DE JESUS

Les saintes femmes

 

« J’étais assise tout au fond de l’église grecque-catholique lorsqu’elle est entrée. Elle s’est avancée, bien droite, dans sa longue jupe trop fine pour cacher sa maigreur, ses sandales à paillettes couvertes de poussière. Elle s’est dirigée vers l’une des icônes qui se trouvaient là. Après avoir dessiné religieusement un beau signe de croix, elle est restée debout devant ce Christ de la Miséricorde. Quelques secondes, peut-être plusieurs minutes, je ne sais pas. Ses yeux plantés dans les siens, son visage face à Celui qui comprend toutes les peines, séparés seulement par un fin et magnifique silence. Le silence de la foi. Il se passait devant mes yeux quelque chose d’insaisissable et de profondément tangible à la fois. Je fus saisie d’émotion devant ce dialogue silencieux. Elle, Ramona, cette femme tsigane que tout le monde regarde avec pitié et mépris lorsqu’elle se tient à la porte de l’église, réclamant un peu de pain ou quelques sous. Elle, qui attend à la porte de service du restaurant voisin dans l’espoir de récupérer quelques restes dont personne ne veut plus. Elle, la moins-que-rien, se tenait debout, bien droite, infiniment digne, face à Jésus. Le seul capable de la regarder avec ce regard de profonde tendresse qu’elle ne reçoit de personne d’autre. Devant Lui, pas besoin de baisser le regard. Après avoir embrassé délicatement l’icône, elle est retournée, de son pas lent et silencieux, près de la porte où je me tenais. Sa petite fille, Narcissa, suivait, les yeux rieurs, le bruissement de la jupe maternelle. Ramona s’est penchée vers moi et m’a demandé : « Ça va ? », sans se douter qu’elle venait de m’offrir un véritable témoignage de foi. Je venais de voir Marie-Madeleine, versant sur les pieds du Christ, un parfum précieux. »

Hermine – Roumanie

 

7ème Station : JÉSUS TOMBE POUR LA DEUXIÈME FOIS

Lina

 

« Il y a quelques semaines, Lina était très malade. En arrivant chez elle pour prendre de ses nouvelles, nous la découvrons dans un triste état, incapable de se lever et brûlante de fièvre. Son petit est tout aussi malade, il n’a pas mangé depuis deux jours. Nous nous efforçons de lui donner quelques bouchées qu’il vomit juste après. Le papa est là, je me tourne vers lui en lui demandant d’aller chez le médecin, mais il refuse. Même s’il semble être préoccupé pour le petit, il dénigre totalement sa femme : « Elle, elle peut mourir ici, cela ne changera rien ». Voilà des années que chaque jour, Lina l’entend parler ainsi, des années que ses enfants le voient traiter ainsi sa femme. Nous sommes désemparées face à une telle violence, face au néant qui emplit le cœur de cet homme. Le regard de Lina implore notre présence. Après de longs pourparlers, nous partons finalement à la pharmacie, avec l’espoir que, là-bas, ils insisteront pour aller voir un médecin. Mais là encore, Rid ne veut pas acheter de médicaments pour son épouse et se révèle incapable d’un geste de tendresse pour elle. Un peu plus tard, nous les quitterons, le cœur déchiré par cette situation. Le lendemain matin, la mine contrite, Rid vient sonner chez nous : « Allons à l’hôpital », murmure-t-il, dans une attitude de grande humilité. Par ces mots, il aime, il pose enfin un acte d’amour. Je ne croyais pas cela possible. Après toutes ces années à être témoin de son attitude si basse envers Lina, je le vois capable d’aimer. »

Anaïs – Grèce

 

8ème Station : JÉSUS S’ADRESSE AUX FEMMES DE JÉRUSALEM

Hogar de le Paz

 

 

« J’ai fait ma première visite au Hogar de la Paz (Foyer de la paix) avec les Sœurs de Mère Teresa, où nous allons tous les vendredis. Ce que j’ai vu là est à la fois terrible et magnifique. Ce qui est terrible est la souffrance qu’il y a partout et qui obnubile au début. Ce qui est magnifique est le formidable espoir de tous les gens valides qui s’occupent des garçons avec un naturel et un amour que je n’avais jamais vus. Ce lieu ressemble à une cour des miracles avec des saintes en sari blanc immaculé qui s’agitent partout avec un grand sourire amoureux de la vie et des autres. Elles semblent survoler les difficultés, la souffrance, la laideur et la difformité, pour ne donner qu’un amour joyeux. Soit elles n’ont pas été construites dans le même matériau que les humains, soit le ciel a un sacré service « Mère Teresa ».

Bertille – Pérou

 

 

 

9ème Station : JÉSUS TOMBE POUR LA TROISIÈME FOIS

Soledad, une perle précieuse perdue dans la boue de son quotidien

 

Soledad c’est une femme plutôt jeune, qui a deux fils dont l’un est fortement handicapé, Esteban. C’est une de nos amies les plus pauvres. Elle vit dans une petite pièce sombre, sans eau courante, avec ses deux fils et son compagnon. Mais c’est une femme qui rayonne, toute consacrée à ses deux fils et surtout à Esteban, qu’elle ne quitte jamais. Son sourire est un des plus beaux que j’ai vu, il illumine son visage, signe de joie et d’espérance dans cette vie si misérable. Ce qui me marque le plus chez elle, c’est la justesse de son jugement sur le monde et la qualité de l’éducation qu’elle donne à ses enfants. Voici un extrait d’une discussion que j’ai eu avec elle : « Certains ont tout et deviennent de mauvais gars, d’autres n’ont rien et deviennent aussi de mauvais gars. Ce qui compte ce ne sont pas les biens matériels, mais c’est de faire du bien autour de soi. Si on fait du mal, on devient mauvais, mais si on fait du bien, on devient un bon gars et on rend ceux qui nous entourent meilleurs. Il ne faut pas répondre aux coups par les coups mais il faut aimer ». Ces phrases, je les avais déjà entendues de nombreuses fois, mais dans la bouche de cette femme qui ne possède rien, pas même un évier pour laver sa casserole, ils ont pris toute leur amplitude. Et, pour elle, ce ne sont pas que des mots, c’est une réalité qu’elle a transmise à ses fils. Juliano, son autre fils, est un petit garçon si bon, si droit. C’est une merveille, un miracle au milieu de ces autres enfants qui ne pensent qu’à se battre.

Soledad a un but dans sa vie, stimuler l’intelligence de ses enfants pour qu’ils sachent réfléchir. Elle passe ses journées à leur apprendre les quelques mots d’anglais qu’elle connaît et à stimuler l’intelligence d’Esteban par tous les moyens imaginables. A la naissance d’Esteban, les médecins lui avaient dit qu’il ne pourrait jamais parler mais, aujourd’hui, grâce à la persévérance de Soledad, il dit quelques mots et se fait comprendre. Par son espérance et sa patience, elle a déjoué le diagnostic médical. Mais sa grande croix, c’est la drogue, elle en est dépendante et ne peut ni ne veut s’en débarrasser. Elle y tombe et retombe souvent, mais toujours elle se relève pour ses fils qu’elle aime plus que tout au monde et, toujours, elle va rechercher au fond d’elle cette joie de vivre, cette générosité de l’amour bien ancrée en elle. Pour moi, Soledad c’est une rose qui a réussi à pousser au milieu des détritus, un symbole d’espérance. Son sourire est une lumière au milieu de l’obscurité de la misère.

Colombe – Argentine

 

10ème Station : JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES VÊTEMENTS

Armando

 

« J’ai déjà évoqué ce petit gars de onze ans, qui vit dans le quartier tsigane à côté de la gare que nous n’allons pas visiter, car il est trop dangereux. Ce petit bonhomme nous saute à chaque fois dans les bras mais, plus que pour nous saluer, je crois qu’il le fait pour réellement nous partager et nous offrir l’amour qu’il a dans son cœur. Il a en lui une sincérité et une pureté d’âme que je n’ai jamais vues ailleurs. Certains d’ailleurs se moquent bien de lui et il le sait. Mais lui, il a cette faculté de passer au-dessus, de laisser les railleries, parfois de tout son groupe, derrière lui. Je crois qu’au fond de son cœur, il sait qu’il a ce rôle à tenir : de souffrir pour être bon, pour être lui-même. S’il a tenu jusque-là, dans cette atmosphère si malsaine et si violente, avec toujours cette même âme de saint, alors, je suis profondément persuadée qu’il a cette pierre précieuse, cette pépite d’or à offrir au monde. C’est certain que, pour y arriver, il aura besoin de soutien et de prières. Car, quelle croix de rester soi quand tout porte à t’attirer vers le bas : il faut supporter les injures, les moqueries, les blagues, les sous-entendus, il faut refuser de voler, de fumer, de boire… Encore hier, je l’ai croisé. Il mendiait comme on mendie ici, en marchant à côté d’un passant. Je me revois l’appeler, le voir se retourner vers moi, regarder la passante, hausser les épaules et s’arrêter dans sa quête pour se jeter dans mes bras ! Plus précieux que l’argent, il y a notre amitié. »

Hermine – Roumanie

 

11ème & 12ème Station : JÉSUS EST CLOUÉ ET MEURT SUR LA CROIX

Anton

Anton est accueilli, depuis quelques jours, au Point-Cœur, il vient de la rue. Âgé et seul, semble-t-il, les volontaires du Point-Cœur le rencontrent, de temps en temps, au coin d’une rue du quartier. Depuis plusieurs années, il est là, ami de buveurs habituels, buvant lui-même, jouant aux cartes (ce qui veut dire jouant de l’argent pour en perdre toujours plus qu’il n’a pu en miser, c’est-à-dire gagner durant la journée). Connu, malade, il fait partie de la vie du quartier. Mais la maladie avance, la vieillesse aussi, enfin les deux. La maladie le fait arrêter de boire. Affaibli, il ne peut plus bouger, reste allongé et continue de mendier. Alors, nous nous approchons plus régulièrement de lui, nous arrêtons plus longtemps, prenons l’ampleur de sa situation. Au fil des jours, nous en arrivons à cette évidence : « Anton va mourir, il est à la fin de sa vie, nous ne pouvons le laisser ainsi ». Nous décidons de l’accueillir à la maison. Un lit est installé en bas, dans la salle d’accueil ouverte sur la rue, là où les enfants viennent jouer, là où le repas est préparé et partagé, là où les voisins s’arrêtent pour prendre des nouvelles. Il est au centre de la vie du Point-Cœur, et même du quartier. Anton est conscient que sa fin est proche, il demande à prier. Il avoue être baptisé, mais n’avoir pas fréquenté les sacrements depuis plus de quarante ans. Assoiffé de cette paix, au cœur de nos prières, il va faire tout un chemin de foi et de miséricorde. Les jours passent, sa faiblesse grandit. Une nièce apparaît ! Ah, il a un peu de famille ?! Elle prendra sa part dans l’accompagnement de son oncle, dans un soutien mutuel avec le Point-Cœur.

 

Puis, Anton meurt, cela devait arriver et tout le monde s’y attendait. C’est un évènement pour tout le quartier, car tous le connaissaient et savaient qu’il était chez nous. Alors, tous viennent prier, se recueillir, faire un dernier geste auprès de lui. Un Père de la paroisse vient même célébrer la messe des funérailles au Point-Cœur. Là où tous les voisins peuvent venir facilement, sans être des piliers d’église, mais par sympathie pour le défunt. Les boiteux et les mendiants sont tous là, auprès de leur ami de la rue. Une messe de pauvres pour un pauvre, un mendiant du Ciel et de la miséricorde. »

 

 

 

 

13ème & 14ème Station : JÉSUS EST DESCENDU DE LA CROIX ET MIS AU TOMBEAU

Mariana

La petite Mariana est morte dans la nuit de vendredi à samedi. Le vendredi soir, vers 20 heures, avec Sixtine, nous revenions de nos visites quotidiennes dans le quartier, lorsque nous croisons Père Jean-Marie, prêtre de notre paroisse. Le regard triste, il nous annonce que Mariana est en train de mourir. Sans hésiter, nous courons chez elle. Nous nous retrouvons dans sa chambre. Étendue sur son grand lit, elle a du mal à respirer, malgré le masque à oxygène. Son torse se soulève péniblement à chaque respiration. Nous sommes arrivées dix minutes après le départ du médecin, et l’annonce est tombée : Mariana n’a plus que quelques heures à vivre. Le silence règne dans la maison, malgré la dizaine de personnes présentes, tantes, amis, cousins. C’est un de ces silences éloquents, un silence rempli de toutes les souffrances de Mariana, de sa dernière grande lutte. Un silence plein de respect et de tristesse, un silence qui prépare au dernier au revoir. Rossella et Tommaso, les parents de Mariana, veillent au chevet de leur fille, fébriles, attentifs à chaque geste de Mariana, à chaque respiration. Avec Sixtine, nous restons là une bonne demi-heure, sans un mot, notre chapelet à la main, comme seule arme, seule réponse devant le drame qui se joue sous nos yeux. Jamais je n’aurais cru être témoin d’une pareille scène. Le lendemain  matin, nous apprenons le décès de Mariana. Elle est partie au plein cœur de la nuit, vers 3h30. C’est comme un coup de massue, ça nous semble irréel ! Mariana était malade depuis cinq ans. Cinq années de prière intense, d’espoir, de rechutes, de médicaments, de traitements. Pour Rossella, cinq années toutes sacrifiées pour sa fille. En fait, quand je réfléchis un peu, je ne me souviens pas d’avoir vu Rossella sans Mariana. Elles étaient toujours ensemble, Rossella l’emmenait partout avec elle. C’était sa fille chérie, le trésor de sa vie… Alors, en regardant Rossella, cette maman au cœur transpercé, je ne peux m’empêcher de penser à la Vierge Marie. Comme Marie, Rossella a souffert avec et pour sa fille. Comme Marie, elle s’est retrouvée aussi impuissante et prise au dépourvu face au calvaire de son enfant. Durant la messe des funérailles, comme Marie, Rossella s’est retrouvée debout au pied du cercueil où reposait le corps sans vie de sa fille. Quelle souffrance indicible a dû souffrir la Mère de Dieu en son cœur, en voyant son Fils transpercé, mort sur la croix. Quelle souffrance indicible a dû subir le cœur de mère de Rossella. En regardant Rossella, je prends soudain conscience des terribles moments qu’a dû vivre Marie, et avec quelle dignité, quel Amour, quelle confiance aussi elle a suivi son fils jusqu’à la croix. Je pense que notre Mère a été et continue aujourd’hui d’être une grande consolation et un vrai soutien pour la maman de Mariana. Je ne vois personne d’autre qui peut comprendre autant que Marie — Marie debout au pied de la Croix de son Enfant —, les souffrances d’une mère qui a vu souffrir et mourir sa fille.

Elisabeth – Italie

 

Œuvres : © Ivanka Dymyd
Photos des œuvres : © Natalia Satsyk
Diaporama : Aude Guillet

 

 

Musique du diaporama : Passion selon Saint Mathieu de Jean-Sébastien Bach. Voici les paroles de ce chant : Si les larmes sur mes joues ne peuvent / Rien obtenir / Oh alors prenez mon cœur ! Mais laissez-le, pour le flot / Quand les blessures saigneront doucement / Etre aussi la coupe d’offrande.

References

References
1 Hans Urs von Baltasar
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